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Valladolid-Valence, réalisé avec trucage
La bombe est parue mardi matin en Une de Marca : Valladolid-Valence, rencontre comptant pour la dernière journée de Liga, est suspectée de trucage. Une sombre histoire concernant sept joueurs du club promu dans l’élite en 2018, mais avant tout un vaste réseau criminel sur les paris sportifs.
C’était acquis à la volonté, au panache, au mérite. Grâce à deux victoires consécutives contre Bilbao à domicile (1-0) et en déplacement au Rayo Vallecano (1-2), le Real Valladolid profitait des mésaventures de Gérone pour s’assurer un maintien mathématique dans l’élite, une journée avant de boucler le championnat pour l’exercice 2018-2019. De quoi satisfaire le Brésilien Ronaldo, actionnaire majoritaire du club depuis l’été dernier, mais aussi l’intégralité de l’effectif engagé dans cette saison de Liga avec le statut de promu. Malheureusement, ce conte de fées s’est terminé sur une bien mauvaise note. D’après les révélations du quotidien espagnol El Mundo, sept joueurs de l’effectif ont été achetés pour laisser filer le match contre le FC Valence, capital dans l’acquisition de la quatrième place pour l’adversaire direct des Pucelanos. Une drôle d’affaire sur laquelle est actuellement en train de se pencher la justice espagnole.
Les sept pécheurs capitaux
Au départ, tout prend racine à travers la malice de deux hommes de 38 ans passés par le Real Madrid au cours de leur carrière de footballeur professionnel : Carlos Aranda, qui a raccroché les crampons en 2016 après avoir soulevé deux C1 avec le Real, et l’ancien arrière gauche des Blancos Raúl Bravo, retraité depuis 2017 après avoir notamment accroché deux Ligue des champions à son palmarès en 2000 et 2002 (en jouant beaucoup plus qu’Aranda). Ensemble, les deux larrons vont vouloir passer via un intermédiaire de poids au Real Valladolid : Borja Fernández, capitaine de l’équipe et prêt à jouer le dernier match de sa carrière professionnelle en Liga à… 38 ans. L’âge entre les trois hommes coïncide, et cela n’est pas dû au hasard. Aranda, Bravo et Fernández ont été formés en même temps au Real Madrid. Joint par téléphone au moment d’un barbecue organisé chez son coéquipier Sergio Gotán Gallardo, dit Keko, Borja Fernández reçoit l’appel d’Aranda pour peaufiner les contours du trucage de la rencontre face à Valence. Avec le capitaine et l’hôte du rendez-vous amical, les cinq autres coéquipiers venus déguster des grillades sont Antoñito, Oscar Plano, Nacho Martínez, Javi Moyáno et Kiko Olivas.
Si les quatre premières personnes citées ne sont pas soupçonnées par une éventuelle bourde lors du match en question, Kiko Olivas s’est rendu coupable d’une grossière erreur défensive sur l’ouverture du score de Carlos Soler pour le FC Valence, déjà perçue comme douteuse par les médias locaux. En amont, Carlos Aranda s’est déjà assuré du bon déroulement de la partie dans l’enceinte de José-Zorrilla. Chargée de l’affaire depuis les soupçons de trucage, la justice espagnole a dévoilé certains échanges de l’ancien Madrilène concernant Valladolid-Valence avec un « ami » resté anonyme. « Écoute mon frère, Valence gagne la première période et aussi la deuxième, OK ? Écoute-moi bien, ils vont gagner la première et la deuxième. C’est-à-dire qu’ils vont marquer un but dans chaque période, pour gagner la rencontre.(…)Regarde, tu sais comment ça se passe. Personne ne doit être au courant de cela, tu le sais. Personne. Quand je dis personne, c’est personne. Aucun de tes amis, personne ! » Un jour après la rencontre, Aranda évoque même la situation avec une certaine décontraction et sous une fausse ironie : « Il y avait sept joueurs achetés, rien de plus ! » .
Les dessous de l’opération Oikos
En vérité, si les conséquences de cette magouille pourraient être dommageables au Real Valladolid, les autorités policières espagnoles sont sur le coup d’une plus large enquête que celle divulguée autour de la rencontre ayant eu lieu le 18 mai 2019. Depuis de longs mois, à la suite d’une plainte de la LFP espagnole, l’opération Oikos est mise en place afin de lutter contre les actes de corruption, fraude et blanchiment d’argent dans le football à l’échelle nationale. Le nom de l’opération trouve sa source dans une activité liée au principal cerveau de toute cette organisation criminelle : Raúl Bravo. Passé par la Grèce, l’international espagnol était secrètement visé par la police à travers un nom de code issu d’un yaourt à la grecque de la marque Danone. La raison ? Être soupçonné de manigancer illégalement des pots-de-vin sur des matchs de D1, D2 et D3 espagnoles en compagnie de plusieurs acolytes, comme Aranda ou Iñigo López Montaña, actuel joueur du Deportivo La Corogne et ex-joueur de Huesca. L’un des matchs des Oscenses contre le Gimnástic Tarragone en mars 2018 est d’ailleurs le point de départ de l’opération débutée en mars 2018, les bookmakers ayant décidé de suspendre tout pari relatif à la rencontre à la suite d’une série de sommes d’argent conséquentes placées sur le match en provenance d’Asie et d’Ukraine.
En interne, Raúl Bravo semble toutefois plus méfiant que son collaborateur principal concernant les appels téléphoniques. Le rapport de l’enquête policière évoque ainsi un personnage « sur la défensive » , capable de nombreuses techniques pour éviter toute tentative de suspicion. « Il ne changeait pas uniquement son numéro de téléphone de façon constante, mais il prenait beaucoup de précautions dans ses appels et utilisait les téléphones cryptés. » Malgré ce plan machiavélique, la police est tout de même parvenue à se procurer une conversation entre Bravo et Fernández où il est question du match entre Valladolid et Valence. Aussi, l’existence d’un rendez-vous fixé à deux jours du match entre les deux hommes au bar Corinto, copropriété de Borja Fernández, est également avéré. Le 28 mai dernier sur les coups de midi, l’ancien capitaine du Real Valladolid, mis sous détention policière pendant 72 heures, a avoué l’organisation de cette réunion avec Bravo via l’application Whatsapp. En revanche, le détenu a nié l’organisation d’une défaite programmée de Valladolid et l’acceptation d’une somme estimée à 50000 euros pour volontairement lever le pied face aux Chés. Si le récent retraité estime avoir « pleinement confiance en ses coéquipiers » , voilà sans doute une pomme empoisonnée dans laquelle il ne faudrait pas avoir croqué, car tôt ou tard, la vérité triomphera.
Par Antoine Donnarieix