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Valéry Giscard d’Estaing, mort d’un milieu récupérateur

Par Nicolas Kssis Martov
Valéry Giscard d’Estaing, mort d’un milieu récupérateur

Valéry Giscard d’Estaing s'est éteint à 94 ans. S’il ne restera certainement pas dans l’histoire comme le plus grand président de la République (il le fut de 1974 à 1981) - difficile d’être la transition entre le gaullisme et le socialisme -, son règne aura marqué les prémices de nombre des futures évolutions de la société française, et même, d’une certaine façon, du football tricolore.

Nous sommes à Chamalières, en Auvergne, en juin 1973. On s’ennuie ferme de nouveau dans l’Hexagone. Un match de foot va opposer une équipe composée par les élus municipaux à celle des commerçants. Un grand classique des dimanches estivaux dans ces petits bouts de province, loin des remous de la capitale. Nous sommes sur une terre de droite certes, mais plutôt centriste. D’ailleurs, le score final, un match nul 2-2, illustre parfaitement ce goût de la pondération. À la tête d’une des deux formations qui s’affrontent sous le regard de 3000 spectateurs (« de quoi faire rêver le trésorier du FC Chamaliérois », précisent les infos télé de l’époque) : Monsieur le Maire. Un certain Valéry Giscard d’Estaing, patronyme noble à l’origine douteuse, qui est alors ministre des Finances sous le gouvernement de ce brave Pompidou. Le courant politique qu’il incarne alors ronge en effet son frein sous la domination des gaullistes qui leur laissent quelques strapontins. Mais l’homme a l’intuition que la France change. Surtout depuis mai 1968, qui bien que se terminant en une victoire électorale immédiate pour le camp du général, a profondément bouleversé le pays. Une société dont le grand chauve en crampons se doute qu’elle ne supporte plus trop l’écrasante verticalité du rapport aux hommes de pouvoir. Puisqu’il faut remettre un peu d’horizontalité dans les relations avec la population, il faut trouver les bons outils et lieux pour amorcer l’ouverture.

Foot et télé

La télévision en sera le vecteur. Le foot, le langage idoine, alors très loin de bénéficier de son actuelle aura, est généralement rabaissé au simple rang de loisir bas de gamme pour une populace sans raffinement (contrairement par exemple au cyclisme, sacralisé via le Tour de France). Fini le mépris de beaucoup de caciques de l’époque, ou la distance respectueuse de De Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing veut casser les codes et son image hautaine d’un descendant de la droite orléaniste planqué dans son château, entre deux séances de ski et de chasse à courre. Quelque part, sans le savoir, il inaugure un nouveau rapport entre le monde politique et le sport préféré des électeurs, bien avant Mélenchon au Vélodrome. Une instrumentalisation de cet « art populaire » , même sans rien y comprendre ni l’aimer, pour se placer au même niveau que le quidam et mieux s’adresser aux braves gens. À l’époque, sa petite propagande en short et chaussettes rayées avait provoqué plus de sourires condescendants qu’autre chose.

Mal à l’aise sur le terrain, le penalty qu’il marqua ne trompera que le gardien. Une fois élu chef de l’État, il ira dîner chez les Français pour de nouveau marquer sa différence avec ses prédécesseurs et sa proximité avec le bon peuple. Là encore, la com’ arrive trop tôt (avant les émissions confidences de Karine Le Marchand) et tourne au sketch.

Trop tôt, trop mauvais ?

Tel sera le destin de Valéry Giscard D’Estaing, et sûrement sa postérité. Tout le monde semble avoir oublié l’électrochoc de voir un centriste arriver aux affaires en 1974, après le décès soudain de Georges Pompidou, qui avait laissé une gauche insuffisamment en ordre de bataille. Un mandat de sept ans, durant lequel cet homme de droite va devoir affronter une crise économique qui clôt les Trente Glorieuses, faire voter la loi Veil sur le droit à l’avortement, ou passer des accords gaziers avec l’URSS au grand dam d’une extrême droite qui lui avait pourtant rendu quelques services pour ses services d’ordre. Tout cela pour finir par permettre l’arrivée de Mitterrand, et de son monopole du cœur, au pouvoir. Il fut une sorte de François Hollande qui aurait cru en sa victoire en se représentant. Voilà bien le drame. De lui restera l’image d’un homme qui quitte en plan séquence son bureau en 1981 et de vantardises de séducteurs couchés sur papier.

Le foot tricolore accompagne assez fidèlement ce septennat en forme de préliminaires aux jours heureux. L’odyssée des Verts en 1976 et surtout le retour en 1978 en Coupe du monde avec des Bleus emmenés par Michel Hidalgo semblent donner le sentiment d’une renaissance (mais cet événement dans une dictature divise le pays et il ne pourra s’y rendre pour profiter de cette petite aventure). Mais il faudra attendre 1982 et surtout 1984 pour que les choses sérieuses se concrétisent. Valéry Giscard d’Estaing, lui, s’était retiré, et avait attendu très longtemps que ses concitoyens se souviennent de lui et l’appellent surtout de nouveau à de plus hautes destinées que Vulcania. Devant le spectacle d’un Chirac – son véritable ennemi avec lequel il partageait le même désintérêt pour le ballon rond – embrassant les Bleus de 1998 et surfant sur leur succès, il a dû se dire qu’il avait eu raison trop tôt en matière de récupération politique. Au revoir.

Dans cet article :
Raphaël Varane, obsolescence programmée
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Par Nicolas Kssis Martov

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