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Valeri Lobanovski, Mister Loba Loba

Par Florian Lefèvre
Valeri Lobanovski, Mister Loba Loba

À la tête du Dynamo Kiev et de l’URSS, puis de l’Ukraine, Valeri Lobanovski a marqué l’histoire du foot sur trois décennies, révélant autant de Ballons d’or (Blokhine, Belanov, Shevchenko). Le film documentaire Lobanovskiy Forever, qui raconte son histoire, est à l’affiche du festival foot et cinéma La Lucarne ce week-end.

« Maestro, je vous adore parce que vous m’avez beaucoup inspiré dans mon travail. Merci beaucoup. Vous avez réussi à entrevoir le football du futur. » Les mots sont de Marcello Lippi, un soir de quart de finale de la Ligue des champions 1997-1998. Sa Juve fait du petit bois avec le Dynamo Kiev (1-1 à Turin, victoire 1-4 en Ukraine), mais le coach italien tient à saluer comme il se doit son homologue sur le banc du Dynamo : Valeri Vassilevitch Lobanovski. Quelques années plus tard, Andriy Shevchenko, tout juste auréolé du Ballon d’or 2004, aura à cœur de poser son trophée sur la statue de son mentor. Preuves de l’héritage immense légué par l’entraîneur soviétique.

Dans les années 1960, Lobanovski était un ailier gauche dribbleur, qui plantait des corners directs et n’aimait pas s’entraîner. Un an après s’être retiré des terrains, il débute sur le banc du Dnipro Dnipropetrovsk en 1969. Svelte et sans la casquette gavroche qui l’accompagnera avec l’âge, mais toujours reconnaissable à son creux au menton et sa tronche austère, il a 30 ans. Médaillé d’or de mathématiques au lycée, diplômé en ingénierie du chauffage à l’Institut polytechnique de Kiev, Lobanovski s’avère être un précurseur dans l’approche scientifique du football et l’athlétisation des joueurs. À la place du terme « entraînements » , il préfère parler de « programmes » à la charge de travail intense.

Une équipe comme un ballet d’opéra

« Je lui ai dit :« Vassilevitch ! Avant, tu te plaignais de faire du travail physique, et là, maintenant que tu diriges une équipe, tu termines ton troisième entraînement à neuf heures du soir… »Et vous savez ce qu’il m’a répondu ?« J’étais idiot quand j’étais jeune ! » » , rembobine l’ancien milieu international soviétique József Szabó, dans le film documentaire Lobanovskiy Forever. À la faveur d’une finale de Coupe d’URSS perdue par le club de Kiev en 1973, Lobanovski débarque à la tête du Dynamo, en duo au départ avec Oleh Bazylevych, puis en solo. Le début d’une hégémonie nationale qui va s’étaler sur presque trente ans pour le Dynamo (7 titres de champion d’URSS au cours des deux périodes 1974-1981, 1984-1990, puis 5 titres de champion d’Ukraine de 1997 à 2002), avec deux sacres européens en Coupe des coupes (1975, 1986) et l’avènement de trois Ballons d’or (Blokhine, Belanov, Shevchenko). En parallèle, il emmènera aussi l’URSS en finale de l’Euro (1988).

Inspiré du football total de l’Ajax (mais il préfère parler de « polyvalence sage » pour définir son style), Lobanovski met en place une équipe où chaque élément peut se substituer à l’autre. « Si un jour, Belanov se retrouve en situation défensive, je veux qu’il intervienne comme le ferait un arrière, avec la même efficacité » , explique-t-il dans une interview à France Football en 1986, rapportée dans le livre Les entraîneurs révolutionnaires du football. Ses grands principes de jeu : le mouvement, la maîtrise de l’espace et le repli lors des transitions défensives pour mieux contre-attaquer l’adversaire depuis sa propre partie de terrain. L’entraîneur soviétique voit son équipe comme un ballet, d’ailleurs il emmène ses joueurs à l’opéra et au théâtre. En cela, Lobanovski rappelle Anatoli Tarasov – le père du hockey soviétique – et le fantastique film Red Army.

Symphonie inachevée

Le malheur de Lobanovski, c’est de ne pas avoir eu les moyens d’accomplir sa symphonie comme il l’aurait souhaité, sans l’appui financier du pouvoir soviétique. « Le problème, c’est qu’on appliquait des méthodes scientifiques sur des joueurs qui étaient semi-amateurs, et cela a conduit à des conflits » , justifie son assistant le Dr Zelentsov dans le livre Inverting the Pyramid. Il aura manqué une victoire dans une très grande compétition pour que le père du foot soviétique laisse une trace plus palpable dans l’histoire. On retiendra le duel épique Sainté-Dynamo de 1976, le chef-d’œuvre à Gerland en finale de la C2 1986 face à l’Atlético (3-0), la finale de l’Euro 1988 avec le but angle zéro de Van Basten et Belanov qui tire sur le poteau et rate son penalty, les dernières épopées en C1 avec la démonstration face au FC Barcelone (3-0 à Kiev, 0-4 au Camp Nou).

Si Shevchenko a tenu à saluer son mentor en posant son Ballon d’or sur la statue de celui-ci à l’entrée du stade historique du Dynamo en décembre 2004, c’est parce qu’il mesure l’impact de Lobanovski sur le développement des joueurs soviétiques et ukrainiens. « Je crois que ma carrière n’aurait jamais vu le jour si je n’avais pas rencontré Valeri Vassilevitch » , énonce-t-il dans Lobanovskiy Forever. Le 7 mai 2002, Lobanovski est évacué en ambulance du terrain lors d’un Metalurg Zaporojié-Dynamo Kiev. Victime d’un accident vasculaire cérébral, il s’éteint six jours plus tard à 63 ans, presque mort sur scène.

Lobanovskiy Forever, réalisé par Anton Azarov (2016, 1h33, VOSTA), est programmé ce samedi 2 juin à 17h15 au Point Éphémère à Paris dans le cadre du festival La Lucarne.

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Par Florian Lefèvre

À lire : Les entraîneurs révolutionnaires du football, par Raphaël Cosmidis, Christophe Kuchly et Julien Momont (éditions Solar)

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