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Valentin Rongier ne peut pas, il a un tournoi FIFA
Qualifié pour la finale du tournoi FIFA d'Orange e-Ligue 1 à la surprise générale, Valentin Rongier ne pourra pas se rendre à Paris à cause d'un léger contretemps : un match de football face à Caen. Récit de ce parcours fou avec ceux qui l'ont entraîné, coaché, affronté.
On soupçonne Sergio Conceição d’avoir gueulé un coup. On soupçonne, mais on n’affirme rien. En connaissant le caractère du garçon et les enjeux du week-end pour le FC Nantes, ce serait même la moindre des choses quand l’un de vos joueurs s’apprête à vous filer entre les doigts pour aller jouer aux jeux vidéo. Parce que oui, initialement, Valentin Rongier avait aujourd’hui rendez-vous avec l’histoire. Celle de remporter à Paris la finale du tournoi de l’Orange e-Ligue 1 pour laquelle il s’est brillamment qualifié au milieu des pros. Alors qu’il est joueur de football, dans la vraie vie. Tout ça en affichant un niveau de jeu « supérieur à la moitié des joueurs qui font des compétitions FIFA » , confie-t-on dans son entourage. Sauf que ce week-end, Nantes se déplace à Caen pour assurer une place dans le top 10. Alors on a dit non à Valentin le dingo des jeux vidéo, qui réussit une aussi belle saison sur le pré que manette en mains. La preuve.
Quand @Valrongier28, adepte de #FIFA17, reproduit une célébration du jeu après son but 👌 #FCNeSport pic.twitter.com/MgsTQhxm3F
— FC Nantes eSport (@FCNeSport) 18 février 2017
Rongier par le stress
« C’était un peu stressant de jouer contre un joueur comme ça, mais je marque très rapidement dans le match, à la 20e. Et là, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, il a pris le contrôle du jeu. Il a pris la possession et j’étais en contre-attaque, alors que normalement, quand je mène, j’arrive vraiment à dérouler. J’ai pris une tactique ultra-défensive, techniquement c’était fort, il arrivait à garder la balle et à mettre la pression. C’était à deux doigts de payer, mais il égalise à la dernière minute, vraiment la dernière, à la 89e. La prolongation était super stressante, alors qu’il n’y avait pas tant d’occasions. Ça s’est joué aux tirs au but. » Lorsque Aurélien Chéron, aka Moolzn dans le milieu FIFA, conte le récit de sa finale face à Valentin Rongier, c’est avec beaucoup de respect. Joueur semi-professionnel de FIFA et vainqueur du précédent tournoi e-Ligue 1 d’hiver, le bonhomme s’est pourtant incliné face à un Rongier des grands jours, réputé pour passer des heures devant sa console pendant son temps libre et notamment au moment de sa blessure en début de saison – il pouvait s’enquiller jusqu’à quarante matchs par week-end. De l’avis de tous, le jeunot n’est pas simplement fort : il a le truc. Et à la question de savoir si son métier lui confère quelques avantages, la réponse est oui.
Pour parler tactique, il convient de faire appel à Jérémy Girardot, manager coach de l’eSport au FC Nantes. Son job ? Faire le lien entre l’équipe première et la section eSport, notamment en invitant certains joueurs à venir prendre la manette lors des compétitions. Avec Valentin, pas besoin de forcer : « Il peut monter dans les bureaux après un entraînement pour faire un match, dès qu’il a le temps, il prend la manette. On peut le considérer comme parrain du projet eSport qui a été vraiment lancé depuis décembre dernier, il essaye d’avoir un rôle là-dedans. D’ailleurs, ce qui est vraiment impressionnant avec lui, c’est sa vision du jeu. » Moolnz abonde : « Clairement, le fait d’être joueur pro, ça l’aide à anticiper les mouvements de l’adversaire, plusieurs fois j’ai eu du mal à sortir de mon camp. Comme tous les grands joueurs de FIFA, il anticipe à merveille. » Voilà qui tombe bien, puisque Adrien Viaud, alias Aquino, est justement un « grand joueur » de FIFA. Membre de l’équipe de Nantes et champion du monde 2011 sur FIFA, il a fait son petit lot de matchs contre le Canari : « Il anticipe tout : il a la vision du foot, il devine vraiment où tu vas mettre la balle. C’est d’ailleurs un point commun avec pas mal de joueurs de foot : ils ont ça sans vraiment l’entraîner. Ça fait partie de leur culture foot. Le temps qu’ils ne vont pas passer à s’entraîner est rattrapé par une espèce de truc inné lié à leur profession… » Au hasard, le vrai football ?
« Si tu gagnes la finale nantaise, je me la coupe. »
Pour l’aider dans son périple, le joueur dégaine en plus un bel outil lorsqu’il est en difficulté dans le mode Ultimate Team : une carte « Rongier » notée à 95 envoyée par Electronic Arts en personne. Un cadeau de la firme aux joueurs pro assidus, comme Romain Danzé qui possède lui aussi son « Danzé » à 95. Pas équitable ? Moolnz : « Je sais qu’au début, il ne la mettait pas sur le terrain, mais il l’a utilisé à partir des demies. J’ai des potes qui m’ont dit « oui c’est pas équitable », mais pour moi, je le comprends. Il a l’occasion de l’avoir, elle peut faire la différence pour son jeu de possession, les frappes et tout. C’est des gens déconnectés du monde de FIFA, dans ce monde tout le monde partagerait mon avis. » Polémique écartée. Mais en devenant le premier joueur pro à atteindre la finale d’un tournoi national, Valentin Rongier s’est aussi attiré le problème annexe : où caler son quotidien de joueur de foot ? Bienheureux au moment de sa victoire, il retweete même quelques messages comme ce joli : « Si tu gagnes la finale nantaise, je me la coupe. » Son compère Viaud nous parle même de sa participation… Mais au moment de prendre contact avec lui, l’attaché de presse nantaise nous informe que le projet est tué dans l’œuf : « Il n’a jamais été question que Valentin ne joue pas le match contre Caen, pour aller jouer la finale du tournoi de eLigue 1… Il est touché à la cuisse(touché contre Bordeaux, ndlr), mais rien ne dit aujourd’hui s’il pourra ou non participer au match. Et Valentin avait de toute façon annoncé qu’il ne participerait pas à la finale. »
Moolzn, son remplaçant, l’a lui appris via Twitter : « Je lui ai envoyé un message privé sur Twitter en mode« du coup c’est mort pour toi la finale ? », et il m’a dit oui en me souhaitant bonne chance. » Alors, consignes du coach ? Même si le bonhomme est blessé ? Pour parler franchement, il est vrai que ça la foutrait un peu mal de voir Nantes ramer contre Caen pendant que l’un de ses joueurs les plus en forme du moment tripote du joystick dans la capitale. « À choisir entre les deux, il préférera toujours jouer » , confie Adrien Viaud. Décision imposée à contrecœur ou choix de raison ? Impossible de savoir, Valentin Rongier n’aura pas eu le temps de répondre aux messages lui demandant une interview. Pas sûr que cette (petite) désillusion l’empêche de participer à la prochaine édition, comme le laissent penser les paroles de son coach en ligne Jérémy Girardot : « L’équipe eSport de Nantes compte deux joueurs : Adrien Viaud et Vincent Hoffmann(champion du monde 2014, ndlr). Il a vraiment envie d’être le troisième homme, un peu comme nous on se considère comme le douzième homme du club de foot.(rires) » Le douzième homme invisible.
Par Théo Denmat