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Valentin Rongier, brassard de survie
La disparition d'Emiliano Sala a plongé le FC Nantes dans un drame. Mais son capitaine Valentin Rongier a démontré dans ses sorties qu'il avait la carrure pour relever ses coéquipiers et leur permettre de repartir de l'avant. Comme un certain Didier Deschamps, 35 ans avant lui.
Il ne suffit pas de porter le brassard pour être un capitaine. Certains le sont déjà dans l’esprit avant d’être désignés officiellement. Certains en ont même toutes les attributions sans avoir jamais enfilé de bout de tissu autour du biceps. D’autres encore, pas forcément les meilleurs, n’ont du capitaine que cet accessoire. Et il y a aussi ceux qui ne prennent la mesure de leur rôle qu’après avoir été nommé. Et le déclic peut attendre quelques semaines, voire des mois avant de se faire. Si tout le monde à Nantes s’accorde à dire qu’il fait honneur à sa fonction, Valentin Rongier a véritablement soupesé le poids de cette responsabilité lors de la semaine qui vient de s’écouler, et notamment au moment de se présenter vendredi dernier en première ligne face aux supporters présents à la Jonelière. Emiliano Sala était porté disparu depuis trois jours, et ce n’était pas le moment de se défiler, malgré les émotions.
Un os à Rongier
Cette première prise de parole d’un coéquipier de l’Argentin allait forcément compter. Pour mesurer l’état des troupes, mais aussi pour savoir de quoi seraient faits les jours suivants. D’espoir ou de deuil ? De résilience ou de dépression ? Au nom d’un groupe « uni » et « solidaire » , le milieu de terrain de 24 ans annonçait opter pour les premières de ces possibilités. « C’est pour ça qu’on ne fera pas de minute de silence, ni de minute d’applaudissements, transmettait-il tête haute, mais des trémolos dans la voix. Et tant qu’il n’y aura pas de corps, tant qu’il n’y aura pas de possibilité de faire le deuil, on va respecter la famille et on continuera d’y croire jusqu’au bout. » Les applaudissements suivirent, et Coach Vahid ponctua le discours d’une caresse sur la caboche blonde de son capitaine. Il en serait certainement arrivé à un tel point de reconnaissance sans tout cela, mais à la suite du drame, Valentin Rongier est apparu plus que jamais aux yeux de tous les Nantais comme le capitaine courage. Celui qui accepte de regarder la fatalité droit dans les yeux et refuse que la goélette jaune et vert — voilier emblématique du club — ne tangue trop dans la tempête.
S’il est un des cadres des Canaris depuis quelques saisons, le milieu de terrain s’est vu confier le brassard l’été dernier, quand l’éphémère Miguel Cardoso a fait de lui à 23 ans le plus jeune capitaine d’une formation de Ligue 1 cette saison. À ce moment, ce choix est naturel, compte tenu du caractère du garçon et de ses qualités sportives qui font de lui l’un des meilleurs éléments depuis 2016. Mais ce choix était aussi éminemment politique. Nantes est estampillé comme un club formateur, il était donc logique pour Waldemar Kita et le staff d’introniser un joueur au club depuis l’âge de 6 ans et qui a franchi un à un les obstacles pour arriver en équipe première. « En U17, je jouais très, très peu. J’ai eu beaucoup de mal. J’étais souvent sur la sellette, nous confiait-il en juin 2017. Être sous pression chaque année m’a permis d’être encore plus sérieux. Aujourd’hui, c’est un plus. Je connais la « précarité » et j’ai pris goût au travail.(…)Je suis déterminé à tout casser, à déplacer des montagnes, à faire le maximum pour montrer qu’ils ne se sont pas trompés et que je suis capable d’aller très loin. »
Deschamps dans le rétro
Rongier s’est battu pour porter ce maillot jaune. Et il ne lui fera pas faux bond. C’est aussi pour ça qu’il a accepté avec fierté ce brassard à la fin d’un mercato où il était un temps annoncé du côté de l’OM. En six mois de capitanat, il a déjà dû gérer des hauts et des bas. Surtout des bas. Quand Miguel Cardoso s’est trouvé en délicatesse au bout de quelques semaines, Valentin Rongier lui a apporté son soutien. « Virer Cardoso ? Non, ce serait une erreur, plaidait-il. On a encore des choses à apprendre et à montrer. Je suis certain que si on arrive à marquer le premier but dans un match, on va gagner et ça va nous faire du bien. » Le positivisme, toujours, même si ses déclarations n’ont pas été suivies par les décideurs. Le Portugais limogé, c’est sans surprise que Vahid Halilhodžić a reconduit le milieu dans ses fonctions. « Je suis très satisfait de lui, comme capitaine, il a montré l’exemple, assurait-il juste après son arrivée au club. Il a tout de suite pris tout ce que je demandais. » Le Bosnien savait que Rongier en avait les épaules, surtout qu’il en a vu d’autres de ce calibre par le passé.
En 1984, Vahid est alors l’attaquant star du FC Nantes. Et cette année-là, les Canaris étaient déjà frappés par un drame. Le 18 novembre 1984, Sidi Kaba, Jean-Michel Labejof et Seth Adonkor sont pris dans un accident de la route. Les deux derniers meurent sur le coup. Adonkor est alors un prometteur défenseur de 23 ans, et décrit par Robert Budzynski, le directeur sportif de l’époque, comme un type « exceptionnel, hors normes » . Quelqu’un qui faisait l’unanimité sur les bords de Loire et fauché dans la fleur de l’âge. Seth Adonkor était le demi-frère d’un certain Marcel Desailly, alors âgé de 16 ans et pensionnaire du centre de formation. Et c’est un ami à lui qui a pris son courage à deux mains pour annoncer la triste nouvelle : Didier Deschamps. Une preuve de sa force de caractère et de sa maturité face à cette situation tragique. Plus tard, celui-ci deviendra un capitaine emblématique des Canaris puis de toutes les équipes dans lesquelles il est passé. L’histoire se répète, mais cela suppose aussi que Valentin Rongier est peut-être fait du même bois que l’actuel sélectionneur des Bleus.
Par Mathieu Rollinger