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Valenciennes, la parenthèse enchantée d’un club en souffrance
C’est le paradoxe valenciennois : alors qu’ils s’apprêtent à disputer leur première demi-finale de Coupe de France depuis 1970, les Nordistes connaissent un tout autre destin en championnat. Lanterne rouge de Ligue 2, la bande d'Ahmed Kantari va se rendre au Groupama Stadium en espérant sauver ce qui peut encore l’être. Récit d’une saison en forme de chemin de croix.
24 février 2024. Dans un stade du Hainaut quasi désert, Valenciennes se fait marcher dessus par Rodez (0-2). Cette seizième défaite de la saison enterre encore un peu plus les Rouge et Blanc, qui avaient besoin d’une victoire pour continuer à croire à un improbable maintien. Quand VA s’avance quatre jours plus tard pour affronter Rouen en quarts de finale de la Coupe de France, personne n’y croit vraiment : les Normands viennent de sortir Toulouse et Monaco aux tirs au but. Pourtant, ce sont bien les Nordistes qui éjectent la surprise rouennaise à l’issue d’une nouvelle séance, se frayant un chemin dans un dernier carré où personne ne les attendait. Un mois plus tard, Valenciennes, quasiment condamné à la relégation, se déplace à Lyon pour ne pas refermer cette parenthèse enchantée. Comment expliquer un tel paradoxe ?
Perte d’identité et instabilités
« On ne sait plus vraiment ce que veut être Valenciennes. » Ce sont les mots de Steve Savidan, joueur historique du VAFC, qui explique ce marasme par la perte d’identité du club. L’ancien buteur était revenu à la maison en 2021 dans un costume d’aide aux équipes commerciales, avant de claquer la porte deux ans plus tard. « Ce club est dirigé à l’ancienne par les présidents qui se succèdent, déplore-t-il. Une seule personne dirige tout et maîtrise tout. Il y a un monopole d’idée, sans vision ni stratégie à long terme. » Le président actuel, Sébastien Dhollande, n’est pas le seul fautif : c’est un problème plus général qui touche le club depuis la présidence du très contesté Eddy Zdziech. L’absence de projet concret s’accompagne d’une forte instabilité à la tête de l’équipe première, avec pas moins de onze changements d’entraîneurs depuis la descente en 2014. Contacté, Valenciennes n’a pas donné suite à nos sollicitations.
L’instabilité ne concerne pas seulement la direction et le poste de coach. Quand VA est racheté par Sport Republic en juillet 2023, elle contamine l’effectif : le club enregistre un record de 28 arrivées (joueurs formés au club et promus en équipe A compris) et 24 départs sur l’ensemble de la saison. Les anciens comme Joffrey Cuffaut et Julien Masson sont bien seuls au milieu de ce grand chambardement à la Nottingham Forest. À Valenciennes, « les nouveaux actionnaires sont partis dans un nouveau projet. Il faut laisser le temps au temps, mais le temps t’emmène en National », constate Savigoal. Ces changements entraînent aussi la perte de l’ADN valenciennois, qui se ressent dans la distance croissante entre le club et ses fans. « Comme Saint-Étienne, Lens ou Marseille, Valenciennes était très ancré localement, les joueurs avaient des choses en commun avec les supporters, illustre Savidan. Dans les moments de doute, ça permettait de mieux accepter de mauvais résultats. »
« Forcément, ça craque »
Une bonne louche de nouveaux actionnaires, un soupçon d’instabilité managériale, dégraissez quelques cadres et remplacez-les par une poignée de joueurs sans grande expérience du haut niveau et vous avez la recette de la saison cauchemardesque. L’inexpérience se situe aussi du côté du banc, puisque Jorge Maciel, nommé en juillet 2023, n’avait jamais occupé la fonction d’entraîneur principal. « Il y a aussi eu des soucis financiers. Aujourd’hui, tous ces problèmes accumulés dans une même saison, forcément ça craque », estime l’ex-international français. Le technicien portugais, qui avait commencé par une claque à domicile contre Auxerre (1-4), aura tenu dix-sept journées avec une faible moyenne de 0,78 point par match, avant de prendre la porte et de laisser sa place à son adjoint Ahmed Kantari.
La déchéance n’est pas seulement sportive : elle se ressent jusqu’aux travées du stade du Hainaut, où seuls quelques courageux groupes ultras se font encore entendre. L’effervescence du maintien arraché en fin de saison dernière face à Grenoble (1-0, 21 790 spectateurs) semble bien loin : cette année, l’antre valenciennois reste sur une moyenne de 6 270 spectateurs. À dix-huit points du premier non-relégable après la nouvelle défaite contre Saint-Étienne ce week-end, Valenciennes peine à trouver des motifs de satisfaction, à part peut-être le gardien Jean Louchet, apprécié des fans. « Les nouveaux dirigeants ont peut-être mal interprété le contexte et sous-estimé le niveau du championnat, suggère Savidan. Est-ce qu’il ne valait pas mieux conserver l’effectif de l’année passée, et l’améliorer petit à petit ? »
Respect et respiration
Au bout du tunnel, il reste donc ce parcours inespéré en Coupe de France. Dans les faits, Valenciennes est à deux matchs du premier titre majeur de son histoire, après avoir eu beaucoup de chance au tirage (un seul club de Ligue 2, le Paris FC, au milieu de Saint-Priest, Sarreguemines, Rouen, etc.) et fait preuve de sérieux pour ne pas laisser filer la belle opportunité de vivre une aventure spéciale. « C’est comme si les joueurs avaient compris l’obligation de survie individuelle sur les matchs de Coupe, poursuit Savidan. Ils savent qu’un bon parcours dans cette compétition peut leur apporter une certaine exposition médiatique. » Et collectivement, la Vieille Dame peut-elle sauver la saison tristounette des Valenciennois ? « On sera peut-être ceux qui feront descendre le club, mais on sera au moins cités pour être le groupe qui est allé en demi-finales, voire plus, qui sait… », glissait récemment Jean Louchet à So Foot.
Sous l’impulsion de @xavierbertrand, la région @hautsdefrance apportera une aide de 25 000 euros aux supporters du @VAFC afin de se rendre à Lyon ! Tous derrière le VAFC pour cette demi-finale historique ! pic.twitter.com/WaFMB1vvLn
— Antoine Sillani (@Antoine_Sillani) March 12, 2024
Peu importe le résultat, la Coupe de France fait revivre Valenciennes et permet à ses supporters d’oublier un temps l’inévitable relégation. Depuis des semaines, ils font le forcing auprès de leur direction et de la SNCF pour organiser un déplacement XXL à Lyon. Les groupes ultras ont pour objectif d’envoyer 1 000 Valenciennois pousser leur équipe au Groupama Stadium. Un projet fou pour un match en pleine semaine et un club qui peine à remplir 1/5e de son stade. La région Hauts-de-France est allée jusqu’à proposer une aide de 25 000 euros pour financer cette marée rouge et blanc dans la capitale des Gaules.
Valenciennes se présentera dans la peau de l’outsider face à l’OL, ce qui a rarement été le cas cette saison dans la compétition, même si Rouen était presque donné favori au tour précédent. « À chaque tour qu’on a passé, personne ne nous a respectés. Des équipes de R1, de N3, parce que notre situation au classement n’inspire pas le respect », constatait Ahmed Kantari après la qualification aux tirs au but face à Rouen. Dès le tirage au sort, Pierre Sage n’était pas tombé dans le piège. « C’est une bouffée d’oxygène, ce qu’on est en train de vivre », confiait aussi le coach de VA. Ce mardi soir, Valenciennes a encore la possibilité de prolonger cette belle respiration, avant de se tourner vers un avenir moribond.
Par Vivien Dupont
Propos de Steve Savidan recueillis par VD