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Valencia, « The Beast » est de retour
Inoxydable soldat et travailleur de l’ombre de Manchester United depuis 2009, Antonio Valencia s’offre une seconde jeunesse depuis l’arrivée de José Mourinho. La trentaine passée, l’Équatorien, si souvent décevant ces dernières années, pourrait même devenir l’un des hommes de base de ces Red Devils aux ambitions retrouvées.
Pour le voir espérer esquisser ne serait-ce qu’un sourire sur le terrain, il faut généralement s’armer de patience. Il faut même accepter de feuilleter pendant de longues minutes des clichés de matchs ou de sessions d’entraînement pour espérer tomber sur la perle rare. C’est une constante à laquelle Antonio Valencia s’est accommodé depuis plusieurs années. Il ne cherche pas à plaire au plus grand nombre ni même à soigner sa cote de popularité. « Les séances photo ne m’intéressent pas » , soufflait-il d’ailleurs en 2010. Les entretiens accordés aux médias non plus. Et quand l’Équatorien se plie à l’exercice, c’est généralement en espagnol. Parce que même si celui-ci a posé ses bagages en Angleterre il y a près de dix ans, le joueur de Manchester United ne manie pas la langue de Shakespeare avec brio. À l’inverse de sa femme et de sa fille qui parlent un anglais parfait. « Vous ne le croirez pas, mais c’est l’un des plus grands blagueurs parmi les hispanophones » , assurait Ryan Giggs en début de saison dernière. Mais pas seulement. Marcus Rashford et Jesse Lingard peuvent aussi témoigner du caractère facétieux du Red Devil, eux qui ont vu plus d’une fois disparaître les chaussures et les chaussettes de leur casier. Des moments rarement évoqués en public. Peu importe, Valencia s’est toujours évertué à s’exprimer sur les pelouses. Le seul endroit qui compte vraiment. Ça tombe bien, puisqu’après plus de trois années passées en eaux troubles, « The Beast » a retrouvé un élan presque inespéré.
Enlisement et prestations sans relief
Ses premières courses outre-Manche n’ont laissé personne indifférent. Mais le temps a filé pour Luis Antonio Valencia qui, début août, a fêté ses trente et un ans. C’est au cœur de ce même été que de nombreuses interrogations ont entouré son cas personnel. Arrivé à Manchester United en 2009, le capitaine emblématique de la Tri (84 sélections, neuf buts) semblait arriver en bout de course. Une perte d’influence et un enlisement progressifs débutés depuis la dernière campagne victorieuse d’Alex Ferguson en 2012-2013. Cette saison-là, malgré le sacre collectif des siens, le Mancunien se montre beaucoup moins rayonnant que lors des années précédentes, statistiques à l’appui (un but, sept assists en trente matchs de Premier League). Des chiffres alors peu reluisants pour celui qui avait terminé deuxième meilleur passeur décisif du Royaume un an plus tôt. Ébranlé par la perte brutale de son frère d’armes Christian « Chucho » Benítez, l’un de ses amis les plus proches, en juillet 2013, sa saison suivante s’avère aussi heurtée que le mandat de David Moyes. Avec la venue de Louis van Gaal à l’été 2014, on a pourtant cru que l’ancien ailier de Wigan allait renouer avec cette lumière qui n’en finissait plus de s’éloigner.
Déjà ponctuellement utilisé en tant que latéral droit durant le magistère de Ferguson, notamment à l’approche du tant redouté « Fergie Time » pendant les matchs, puis aussi avec son successeur, l’Équatorien est définitivement installé à ce poste par le manager néerlandais. Une nécessité plus qu’une inspiration géniale qui résulte avant tout de la pénurie de latéraux fiables au sein de l’effectif de Manchester United. Sans jamais renâcler ni s’étonner de ce choix, l’enfant de Lago Agrio accepte avec humilité ce nouveau virage donné à son parcours : « L’entraîneur a décidé de me faire jouer dans un certain nombre de positions, parfois arrière droit, parfois ailier droit, et même au milieu de terrain. Ce sont des décisions qu’il prend, et je dois le faire. » Problème, si Valencia affiche un visage conquérant et se montre discipliné, il livre la plupart du temps des prestations sans relief dans son couloir droit durant un an et demi. Peu rassurant défensivement, il peine surtout à apporter offensivement dans les systèmes mis en place par le Pélican (3-1-4-2, 4-1-4-1 ou 4-2-3-1). Il y a bien eu une fulgurance avec une humiliation publique sur Joe Allen à l’occasion d’une réception de Liverpool à Old Trafford (3-0, 14 décembre 2014). Et c’est à peu près tout.
Libéré, délivré par le Special One
Mais le crépuscule de la saison dernière a cependant montré des signes encourageants d’un éventuel renouveau. Revenu fin mars après une blessure à la cheville qui l’a tenu éloigné des pelouses pendant six mois, « The Marvel Toño » finit en trombe en étant l’un des grands artisans de la douzième FA Cup soulevée par les Red Devils dans leur histoire. Une embellie que le Sud-Américain a su prolonger dès l’intronisation de José Mourinho en tant que nouveau boss de la maison mancunienne. Alors que son blase était régulièrement cité parmi la supposée black-list du Special One, il a profité de la pré-saison afin de se mettre en évidence. Et saisir avec maestria cette opportunité qui lui a été offerte. Nommé pour la première fois capitaine à l’occasion des rencontres amicales face à Wigan (2-0) et au Borussia Dortmund (1-4) – l’un de ses « rêves devenus réalité » –, celui qui arbore le numéro 25 dans le dos a su justifier la confiance du Mou.
Dreams come true.In this day I fulfilled one of my dreams.We will continue working , this is just beginning . pic.twitter.com/YFMukTSTzm
— Antonio Valencia (@anto_v25) 16 juillet 2016
Mais c’est surtout face à Galatasaray (5-2), fin juillet, qu’il a sans doute fini de convaincre ce dernier. Au terme d’une prestation majuscule, il délivre trois assists, soit autant que lors de son dernier exercice en Premier League.
Comme si Valencia (sous contrat jusqu’en juin 2017) avait retrouvé alacrité et plaisir après avoir semblé si bridé sous la houlette de Van Gaal. Lors du Community Shield remporté contre Leicester (2-1, 8 août), c’est encore lui qui est venu sortir les siens d’un mauvais pas en déposant le cuir sur la tête de Zlatan Ibrahimović.
« Il y a eu quelques changements effectués et cela prend du temps. Sur le second but, le Valencia de l’année dernière, au lieu de centrer, serait sans doute revenu sur ses pas et aurait fait une passe en retrait, assurait Mourinho au sortir de la rencontre. On est en train de changer les principes de jeu, cela demande du temps. Actuellement, on n’est pas une grande équipe, juste une équipe avec un grand désir de travailler. » Décorseté, libéré des contraintes rigides imposées par le prédécesseur néerlandais, Toño apparaît tel un joueur nouveau. Et a, sans doute, déjà envoyé son principal concurrent, Matteo Darmian, au placard pour un long moment. En match d’ouverture à Bournemouth (1-3) – sa 250e apparition sous la tunique des Red Devils –, il a été percutant, incisif, physiquement toujours impressionnant et a galopé sans relâche dans son couloir droit, comme à ses plus belles heures, tout en veillant scrupuleusement à l’équilibre défensif. Il a même appris à centrer correctement, comme en témoigne son implication sur le but égalisateur de Rooney. « Valencia joue depuis longtemps et a toujours bien servi United au fil des ans, analysait récemment sur la BBC Garth Crooks, ancien attaquant passé par United. Parmi les nombreux millions dépensés par le club pour Mourinho, je pense que c’est pourtant Valencia, acheté par Sir Alex Ferguson il y a sept ans, qui pourrait bien se révéler être l’un de ses joueurs les plus importants » . Là où les derniers cadres chevronnés de Fergie semblent se diriger vers un inexorable déclin (Carrick, Rooney), Antonio Valencia, lui, refuse encore d’abdiquer. Les abdominaux toujours saillants et les biceps proéminents, « The Beast » se tient debout. Prêt à relever ce nouveau défi. Et qu’importe si le sourire se fait rare.
Par Romain Duchâteau