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Valdano : « L’identité du Barça, une réaction au centralisme madrilène »

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Valdano : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L&rsquo;identité du Barça, une réaction au centralisme madrilène<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Madrid vs Barcelone : c'est la plus grande rivalité sportive du monde. Ces deux clubs s'affrontent au moins trois fois par an depuis 110 ans. Preuve en est cette année encore en Copa del Rey. Jorge Valdano est l'homme le plus classe du clásico. C'était avec lui qu'il fallait en parler.

Jorge, est-il possible de parler d’un clásico sans jamais parler de politique ?C’est de plus en plus difficile. Barcelone possède une très forte puissance symbolique. Manuel Vazquez Montalban l’a lui-même défini un jour comme l’armée démilitarisée de Catalogne. Cette dimension a pris de plus en plus d’espace dans l’idéologie collective et, aujourd’hui, il est compliqué de parler du FC Barcelone sans parler de nationalisme. Pour dire les choses clairement, un personnage comme Guardiola, grâce à ses exploits sportifs, est devenu une référence de la catalanité (sic) avant même d’être une référence sportive. La dimension nationaliste du club est en permanence mêlée à la dimension sportive. Le Real Madrid, lui, est un synonyme de l’Espagne. Il a toujours eu une dimension plus internationale. Fondamentalement parce qu’il s’est présenté au monde en gagnant les cinq premières coupes d’Europe de l’Histoire et composé de joueurs comme Kopa, Puskas, Di Stefano, Rial, Santamaria. Ces gens venaient de différentes parties du monde et, d’une certaine façon, ont généré une vocation plus internationale. Le Real n’a jamais eu d’identification politique claire. Il a dû donner un sens à son existence au travers des résultats sportifs. Sa grandeur n’est jamais venue de sa représentativité mais plutôt de sa propre histoire. Évidemment, la construction de l’histoire est plus facile à faire grâce à de bons résultats. De là, il s’est converti en une espèce de citadelle. Pendant des années, l’identité du Barça a surtout été réactive dans la mesure où plus elle s’affrontait au Real Madrid, plus elle grandissait. Je l’ai vu depuis que je suis arrivé en Espagne il y a 36 ans. Cette identité a toujours eu quelque chose à voir avec le nationalisme et une réaction au centralisme que représentait le Real Madrid.

Le Real Madrid est donc entré en politique malgré lui…Oui à force d’y être poussé, il a fini par y entrer. La légende que le Real Madrid serait l’équipe qui représentait le franquisme est très facile à démentir. Durant les quatorze premières années du franquisme, le Real Madrid n’a pas gagné un seul titre de Liga. Ensuite il a gagné cinq coupes d’Europe d’affilée quand en Europe, Franco n’était rien ni personne. C’est lorsque la place du Real Madrid prend des proportions gigantesques, que le gouvernement a fait quelques efforts pour s’approprier les triomphes et changer le Real Madrid en une espèce d’ambassadeur. Mais le Real Madrid ne doit pas au franquisme tout ce que les préjugés disent qu’il lui doit.

Il y a une forme de paradoxe en Espagne actuellement. D’un côté, la sélection est imbibée de l’influence du jeu catalan avec 8 joueurs champions du monde formés à la Masia ; de l’autre, le Barça semble de plus en plus vouloir s’éloigner de l’Espagne. La sélection espagnole est composée d’une génération de joueurs extraordinaires. Ils ne peuvent pas changer leur manière de jouer juste parce qu’ils mettent le maillot de l’Espagne. Xavi touche 150 ballons par match avec Barcelone et avec l’Espagne, Iniesta élimine autant d’adversaires à Barcelone qu’en équipe d’Espagne, Puyol a le même caractère avec la sélection qu’avec Barcelone. L’influence des joueurs de Barcelone sur la sélection a été tellement grande qu’il est irrémédiable de générer une association entre les deux styles. D’autre part, il y a eu un moment où Luis Aragonés a compris que ce type de joueur avait besoin de beaucoup plus de responsabilités et l’opportunité de se différencier du reste de la communauté footballistique. Nous ne pouvions pas être plus tactiques que l’Italie ou plus physiques que l’Allemagne. Mais si nous choisissions les joueurs adéquats, nous pouvions bénéficier d’une technique collective supérieure à n’importe quel autre pays. La plus grande récompense, c’est de voir que d’autres sélections comme l’Allemagne où l’Italie commencent aussi à comprendre que la technique est la base du jeu.

Txiki Begiristain (ancien directeur sportif du Barça de Laporta) vient d’être nommé directeur sportif de Manchester City. Le modèle du FC Barcelone peut-il s’exporter ?Le FC Barcelone est parvenu à cette plénitude footballistique au bout de 20 ans. Ce club a toujours donné une certaine prépondérance au ballon. Mais c’est devenu une idéologie depuis que Cruyff y est revenu comme entraîneur. Cruyff est un type genialoïde, très intuitif et qui a laissé une trace très profonde au Barça. D’authentiques fanatiques se sont mis à la suivre comme Pep Guardiola, qui, lui, est un être moins intuitif, plus rationnel, plus systématique. Il a donné une clarté idéologique à toutes ces intuitions mais le processus a été très long et a pris forme grâce à une conjonction de facteurs. D’abord un type génial, ensuite une mise en forme idéologique et, entre les deux, une génération de joueurs impossible à reproduire. C’est très rare dans l’histoire du football que dans la même maison des joueurs comme Messi, Xavi et Iniesta puissent apparaître en même temps. Ajoutez à cela un peu de chance. N’oublions pas que des quatre titres de Liga que remporte Cruyff, trois sont quasi miraculeux. Disons que la chance est tombée du côté adéquat. Tout cela a contribué à faire du Barça un club au style parfaitement identifiable. Comment transplanter cette culture à Manchester City ? On verra bien si Txiki Begiristain et Ferran Soriano (autre dirigeant du Barça recruté par City, ndrl) suffisent ou bien alors s’il faut un peu plus de patience, d’effort, de valeurs et de joueurs très sensibles à ce discours dans un pays comme l’Angleterre où un gamin sera toujours plus fier s’il fait un bon tacle que s’il fait une bonne passe. Changer les cultures est une tâche très difficile, mais l’intention est noble.

Comment se situe le Real Madrid au milieu de cette révolution idéologique ?

Le Real a toujours eu besoin du triomphe pour renforcer sa légende. Il l’a d’ailleurs converti comme sa principale valeur. Gagner a été une constante dans son histoire et il l’a fait avec Capello ou avec moi, c’est-à-dire avec des styles de football complètement opposés. D’ailleurs, son école forme un type de joueurs plus universel. Certes, en ce moment, c’est difficile pour eux d’accéder à l’équipe première mais il suffit de voir qu’entre la première et la deuxième divisions, il y a plus de 100 joueurs professionnels issus du Real Madrid. C’est une école plus universelle dont les valeurs sont le refus de la défaite, la recherche presque désespérée du triomphe, le dévouement absolu, le sentiment collectif, la supériorité de l’équipe sur les individus. En ce sens, ses valeurs ne sont peut-être pas purement footballistiques et ont plus à voir avec l’éthique de la compétition. Elles ont néanmoins été suffisantes pour faire du Real le meilleur club du XXe siècle.

Vu de l’extérieur, c’est très difficile de comprendre et d’expliquer l’importance qu’ont ces deux clubs. Comme un parti politique ou un syndicat, ils transcendent la société dans son ensemble…Ils la transcendent totalement. Le niveau de « compénétration » sociale de ces deux clubs est extraordinaire. Il y a un préjugé selon lequel le Real Madrid, en tant que représentant de la capitale et par le fait d’exhiber dans sa tribune d’honneur une bonne partie de la classe politique et entrepreneuriale du pays, serait un club élitiste. Mais le Real Madrid est un club extraordinairement populaire. Il suffit d’aller dans n’importe quel village d’Espagne – et hors de Catalogne – pour se rendre compte à quel point le Real a capillarisé (sic) le territoire et les classes sociales.

Extraits de : Thibaud Leplat, Clasico Barcelone-Madrid, la Guerre des Mondes, Hugo Sport, 256 pages, 15,95€. En vente le 14 février.

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Propos recueillis par Thibaud Leplat

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