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Vahirua : « Joker, c’est bien à 20 ans ! »
Aujourd’hui canotier en escale sur le rocher, Marama Vahirua retrouve ce vendredi les courants des bords de l’Erdre, à Nantes, son club formateur. Dernier de Ligue 2 avec Monaco, le tahitien se souvient d’un temps où les deux équipes prenaient le large en première division. Et non l’eau en Ligue 2…
Te voilà de retour sur le sol nantais, terre de tes premiers coups de pagaie. Tu as prévu les mouchoirs ?
Je vais avoir un petit pincement au cœur, c’est certain. Je n’y retourne jamais en plus. Pas le temps avec ma grande famille et mes quatre enfants ! Et puis je déteste sortir. Je suis très casanier comme mec.
Quel regard portes-tu sur le FC Nantes version 2011-2012 ?
Je t’avoue que je n’ai pas trop suivi leur début de saison. Mais c’est la première fois que j’entends de très bonnes choses sur l’entraineur, Landry Chauvin. Un formateur qui a la mentalité maison. A Nantes, il faut jouer au foot de toute manière. Je ne m’inquiète plus pour le club à l’avenir, ils ont trouvé leur homme. On verra le résultat sur le terrain vendredi…
Il y a plus de 10 ans, lorsque tu brillais avec le FC Nantes, tu déclaras secrètement que ton souhait le plus cher serait un jour de jouer pour Monaco. Un rêve exhaussé ?
C’est exact, j’en ai toujours rêvé. A l’époque je pensais plutôt à la Ligue 1, tu vois, la belle époque ! Mais aujourd’hui encore, Monaco est un grand club. Tout est génial ici : la ville, le club, le foot… vraiment ! Il faut y vivre pour comprendre. J’y prends énormément de plaisir. C’est la raison pour laquelle quand on me demande une interview, j’accepte. Pour le club.
Certes, mais pour prendre des vacances au soleil, pourquoi n’es tu pas retourné chez toi à Tahiti ?
(Rires) Je ne suis pas venu ici en vacances. De toute façon, tu le verras quand je serai fini. Je serai par terre, mort, à genou sur le terrain et je ne n’avancerai plus. En fin de saison dernière, j’ai eu une discussion avec Jean Fernandez, coach de Nancy. Très vite, j’ai compris que je ne faisais plus partie de ses plans, où en tout cas de ses premiers choix. Il fallait que je travail à l’entrainement, que je fasse mes preuves. Ca va ! J’ai plus 20 ans. Ma venue à Monaco, je le répète, est synonyme de jeu et de plaisir, dans un club que j’admire. Jouer 9 ou meneur de jeu comme à Nice, je m’en fous. L’essentiel est de se dépouiller pour le club, le stade, la ville. Pour le moment, à 31 ans, je me sens bien physiquement et mentalement. Alors je fonce. Ca se passe dans dans la tête de toute manière. Quand la tête va, les jambes suivent…
Et dans ta tête, vu votre dernière place au classement, on y pense maintien ?
Ca serait présomptueux de penser à autre chose. La situation actuelle est très difficile. Je n’aurais jamais imaginé cela en arrivant à Monaco. Pour le moment, on se fixe simplement l’objectif d’assurer notre place en Ligue 2 et ce le plus rapidement possible. En février, ça serait top. Comme je dis toujours : faut sauver ce qui est à sauver et attraper ce qu’on peut attraper, match après match. Rester sur le positif. Après, peut être, on visera plus haut ! Peut être. Comme je dis toujours : la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Doucement, oh, on est dernier !
Dernier avec une seule petite victoire au compteur à 3 points du premier non relégable… D’ou vient le problème ? Etat d’esprit, manque de communication ? Où tout simplement pas le niveau ?
Un peu de tout, je ne sais pas. Je ne vais pas te mentir, si j’avais la solution je te la donnerais. Le niveau ? Non je pense que nous l’avons largement. Merde ! On ne mérite pas d’être dernier avec un tel effectif. Un groupe jeune, respectueux, à l’écoute, avec une bonne mentalité et un très gros potentiel. Après, il y a encore beaucoup de retenue à l’entrainement, en match, et ça se voit. Nous, les anciens, notre rôle est d’encadrer cette équipe rajeunie.
Giuly, Hansson, Adriano, Vahirua : les « nounous d’une équipe de biberon » , dixit Michel Aubéry, votre vice-président…
Si on veut ! Une chose est certaine, je suis un leader de groupe maintenant. Je découvre un nouveau rôle de groupe, en Ligue 2 de surcroit, moi qui toute ma carrière n’ai connu que la première division. Concrètement, on se partage la tâche : Ludo Giuly est le leader à l’entrainement, moi sur le terrain. Les jeunes réagissent bien. Ils écoutent et observent. Ils ont gagné la Gambardella l’année dernière, c’est pas mal, mais pour eux le passage en Ligue 2 est très compliqué. Il l’est pour tout le monde…
Une petite coupe alors ?
Pourquoi pas. La victoire contre Alès (5-0) en Coupe de France samedi nous a fait du bien. Jamais en ce début de saison nous n’avions inscrit autant de buts dans un même match, sans en encaisser un seul. On a été professionnels, prudents, avec un maximum de respect pour l’adversaire. L’entraineur a testé un nouveau système, avec une défense à 3, pourquoi pas ! On a fait la boulot quoi, mais là encore, oh, ce n’était qu’une DH !
Le niveau de Ligue 2 est bien plus élevé que tu ne le pensais. Tu parles de matchs à « 2OOO à l’heure » , c’est de l’humour ?
Non c’est vrai. Tout va plus vite. Il n’ y a pas de construction de jeu, peu de phases tactiques, d’attente. De l’attaque-défense. D’un but à l’autre.
C’est un compliment donc ?
Je pensais que ça serait pire en fait. Il y a un fossé en la Ligue 1 et la Ligue 2 : économique, structurel, mais pas forcément de niveau. Avec des équipes comme Nantes, Monaco ou Lens, le championnat a augmenté d’un cran. Ce n’est surement plus de tout la deuxième division d’il y a 10 ou 15 ans…
Au moins à Monaco, bon dernier, vous n’avez pas de problèmes avec les supporters…
(Rires) Ouais. Ils sont beaucoup plus présents qu’on ne le pense, surtout depuis que nous sommes descendus. La cohésion est plus forte, ils nous soutiennent davantage. Il y a peu, certains d’entre eux sont venus exprimés leur mécontentement à l’entrainement. C’était pas violent. Je les comprends.
Avec Marco Simone, votre second entraineur de la saison, tout se passe bien ?
Oui très bien. De toute manière, j’ai toujours eu d’excellentes relations avec mes différents coachs. On a dit qu’avec Antonetti, à Nice, ça s’était mal passé. Faux. Un délire de journaliste ! Chaque club, chaque ville, chaque étape a été une aventure humaine géniale. Je n’ai aucun mauvais souvenir, nulle part, ni de problème avec personne. A Lorient, Christian Gourcuff était extraordinaire, le top niveau. Un très très grand entraineur. J’ai quitté le club de mon plein gré, la seule fois de ma carrière d’ailleurs, pour rejoindre Nancy. J’appréhendais. Tout le monde fut surpris. Encore une fois, j’ai adoré, la ville, l’atmosphère, et tout c’est bien passé avec Jean Fernandez. Je suis parti pour trouver du temps de jeu, point barre. A Nantes aussi, surtout, avec Suaudeau ou Raynald Denoueix…
D’accord mais Simone, ce n’est Suaudeau non plus, si ?
Non ce n’est pas Suaudeau. Mais tout se passe bien avec Marco. Alors oui je sais qu’il est critiqué depuis son passage sur Canal Plus, mais perso je ne le regardais pas, ou alors vite fait. Certains m’on dit qu’il était méchant. Mais tous les grands entraineurs sont méchants. Et puis ces problèmes avec Deschamps, le fait qu’il ne soit pas venu de lui-même, qu’il ait été appelé… je m’en fous. La situation est difficile et il tente des choses. C’est encore joueur dans sa tête. Un mec logique, simple, qui essaie tous les jours à l’entrainement de nous faire jouer au foot, au vrai.
Et le vrai football, c’est quoi ?
Le jeu à la nantaise ! Ma référence. Une touche, deux touches.
Donc logiquement, comme 99,9 % des supporters nantais, tu pleures encore Raynald Denoueix ?
A 2000 % ! Un grand regret. Pour moi et le football en règle générale. Grâce à lui, à Nantes, j’ai tout appris. Je y suis arrivé fin 1997. Mon premier match en pro c’était en 1998, je crois, contre Le Havre. J’ai planté le but du maintien une année. Une autre celui du titre, contre Sain-Etienne, à La Beaujoire… en quelle année déjà ? 2001 ! Dix ans putain. Tu vois, une année on est champion, l’année d’après on joue le maintien et on perd Denoueix, licencié pour mauvais résultats par le président de l’époque, Jean-Luc Gripond. Nous avions tous fait bloc pour le retenir, mais c’est le foot comme on dit. Je pense que son départ a tué le club.
Tu n’as pas connu Waldemar Kita mais l’ère Jean-Luc Gripond, téléporté à la tête du FCNA par Serge Dassault, le 96ème homme le plus riche du monde et ancien proprio de la maison jaune. Lequel des deux a le plus tué le club selon toi ?
Je ne sais pas et je vais te dire, ça ne m’intéresse pas ! Nous avons notre part de responsabilité, nous, les joueurs. Nous sommes sur le terrain, pas les présidents. Je n’en veux à personne, peut-être à moi même, de n’avoir pas fait de Nantes un grand club. Sur la scène européenne je parle. La Ligue des Champions, on avait l’équipe pour. Une génération énorme avec les Carrière, Da Rocha, Monterrubio. Quand tu as un tel milieu, pour un attaquant, c’est parfait. Tu n’as plus qu’à couper la trajectoire des centres et la pousser au fond.
A Nantes, l’année du titre notamment, tu étais au départ l’éternel remplaçant qui rentrait pour être décisif. En fait, en France, c’est toi qui as inventé le terme de « joker » ?
(Rires) Ouais un peu. J’étais en quelque sorte le Ole Gunnar Solskjaer français. Lui aussi à Manchester United, dans les mêmes années, marquait en fin de match dès qu’il rentrait. Le mec, un buteur, ne se posant aucune question devant les cages. J’adorais ce joueur. De mon côté, j’étais jeune, plein de fraicheur et d’insouciance. Mais c’est loin tout ça. Joker : c’est bien à 20 ans !
En 2004, tu quittes Nantes pour Nice après plus de huit années passées dans ton club formateur. La rupture fut difficile ?
Très douloureuse. Tu sais à l’époque, on se disait tous que nous ne ferions qu’un seul et unique club dans notre carrière. La mentalité des joueurs était différente. Aujourd’hui, bon… comme tout le monde, je vois les choses autrement.
Nostalgique ?
Non. Champion de France, voilà, c’est bon. Nantes aujourd’hui n’est plus la référence du football français, ok. J’ai le même souci avec 1998 et le titre de champion du monde de l’équipe de France, faut arrêter ! C’est fini tout ça.
Pour finir en beauté, tu peux toujours faire une pige à Tahiti. Père entraineur, grand-père président. Tu as un sacré réseau là-bas…
Soyons sérieux ! Non pas du tout. Merde, je prendrai ma retraite quand j’arrêterai le foot de haut niveau.
Mais tu ne cherches pas du temps de jeu pour l’Euro ?
(Rires) Tu te fous de ma gueule ?
Donc l’année prochaine, Monaco ?
Je suis prêté par Nancy pour une saison. Avec Jean Fernandez, nous parlerons de ma situation tranquillement en fin de saison. Mais je ne pense pas qu’il veuille encore de moi. Donc oui, avec Monaco, j’irais bien jusqu’au bout. Si on me le propose, avec grand plaisir…
Propos recueillis par Victor Le Grand