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Vahid et Gigi cadavérés !
Que les Africanistes restent zen. Oui, la ronde macabre qui décime à toute heure les entraîneurs du globe n'est pas forcément plus assassine en Afrique qu'ailleurs. Et pourtant. C'est bien sur le Continent Noir que le sacrifice des sélectionneurs nationaux fait le plus de dégâts. Après Amodu (Nigeria), Keishi (Mali), Dussuyer (Bénin) et Giresse (Gabon), c'est au tour de Halilhodzic (Côte d'Ivoire) de gicler. Une éviction déstabilisante qui rouvre à vif l'une des plaies les plus mortelles du foot africain.
Petit rappel… Le terme “cadavéré”, bien connu en Afrique musicale, fait référence à une chanson (“Ancien combattant”) de Zao, artiste chanteur de la République du Congo, sortie en 1984. Cadavérés… La liste est longue de ces sélectionneurs d’équipes africaines récemment virés dans la foulée de la CAN 2010 et surtout dans l’optique du Mondial sud-africain. Shaibu Amodu, sélectionneur du Nigeria depuis avril 2008, qui venait pourtant de décrocher la qualif au Mondial 2010 et la 3ème place de la CAN s’est fait virer le mois dernier à quatre mois de la Coupe du Monde. Les noms de deux “sorciers blancs” avaient circulé : Guus Hiddink et Hervé Renard, qui avait mené la Zambie jusqu’en quarts de finale à la dernière CAN. Finalement, la fédé nigériane a nommé ce week-end un autre sorcier toubab… Lars Lagerbäck ! Lagerbäck, ancien co-entraîneur de son pays, la Suède. L’a jamais entraîné hors de Suède, Lars. Connaît rien au foot africain, Lars. L’aura pas trop le temps de mettre en place l’équipe des Super Eagles, Lars. Pas grave ! C’est comme ça que ça se passe au Nigeria. Déjà, à la Coupe du Monde 2002, la fédé avait remplacé Amodu à quatre mois du Mondial par Festus Onigninde. Avec, bien sûr, élimination au premier tour.
Le grand gâchis
Ceci dit, y’a pas que le Nigeria qui marche sur la tête. Le Nigérian Stephen Keishi, considéré comme un très bon technicien africain, avait qualifié le tout petit Togo pour la Coupe du Monde 2006. Un exploit. Sauf qu’il fut débarqué à quatre mois du Mondial pour “résultats insuffisants” à la CAN 2006, remplacé par le mercenaire Otto Pfister qui ne permettra pas aux Eperviers de passer le premier tour. A ce propos, le bon Stephen s’est fait jeter lui aussi le mois dernier, juste avant Amodu. Coach du Mali depuis seulement avril 2008, il a payé brutalement les deux éliminations des Aigles au Mondial 2010 et au premier tour de la CAN angolaise. Keishi et Amodu cadavérés. On n’allait quand même pas en rester là…
Le cas du Bénin apparaît comme anecdotique. Dans le grand chambardement au sein de la Fédé béninoise qui a suivi la CAN 2010, la situation du sélectionneur Michel Dussuyer était de fait menacée. Bingo ! Cadavéré lui aussi ! Remplacé par l’inconnu français Michel Sorin ! Bravo ! Mais il fallait bien que la ronde macabre entraîne aussi d’autres victimes expiatoires. Alain Giresse cadavéré ! Le bon Gigi qui avait pourtant qualifié les Panthères du Gabon à leur première CAN (2010) et frôlé les quarts. Le bon Gigi, arrivé en 2006, adoré de ses joueurs… Cadavéré. Et tant pis pour les quatre années de bon boulot foutues en l’air. A la place, le sympathique Gernot Rohr. Il devra quasiment tout reprendre à zéro avec les Panthères. Il a signé pour deux ans a priori tranquilles, vu que le Gabon est qualifié d’office à la prochaine CAN 2012, co-organisée par le Gabon et la Guinée Equatoriale. Pas d’éliminatoires. Ouf ! Ceci dit, tout est “a priori” tranquille, because pour X raisons (une banale défaite, mauvaise humeur d’un dirigeant,…) Gernot peut sauter à n’importe quel moment. Bienvenue en Afrique… Allez ! On est content pour José Cobos, adjoint de Rohr : bonne chance, les gars.
Vahid, “coach émissaire”
Et on en arrive au gros morceau. Halilhodzic cadavéré… On savait coach Vahid menacé après la défaite de la Côte d’Ivoire en quarts de la CAN 2010 face à l’Algérie (3-2 a.p.). Et le couperet est tombé. Railler Vahid après ce nouveau coup de lose ? Non. Là, c’est pas drôle : « C’est terrible, je suis dégoûté, profondément atteint par la nouvelle. J’ai connu une défaite en 24 matches, et voilà… C’est incroyable. Je suis sacrifié. C’est invraisemblable. C’est purement politique… J’avais eu beaucoup de joueurs au téléphone, ces derniers temps. Comment est-ce possible ? » . Toute la détresse du Bosniaque qui s’y voyait déjà, qui espérait découvrir sa première Coupe du Monde comme sélectionneur, cet été en Afrique du Sud (11 juin/11 juillet). Eric Gerets, fortement pressenti puis approché, a décliné l’offre qui le tentait pourtant grandement, mais il devait au préalable se libérer du contrat qui le lie au club saoudien d’Al-Hilal… Aux dernières nouvelles le nom de Guus Hiddink, l’éternel recours du foot mondialisé, revenait avec insistance. Évidemment, au cas où le bon Guus accepterait, ce ne serait que pour y effectuer une pige, vu qu’il doit prendre en main la sélection de Turquie le 1er août 2010… Pas grave ! A l’heure où les tensions politiques se réveillent en Côte d’Ivoire, il fallait vite trouver un bouc émissaire (coach émissaire) pour évacuer l’immense déception causée par l’élimination des Éléphants, co-favoris de cette maudite CAN 2010. La détresse d’entraîneurs sacrifiés du jour au lendemain compte peu. Alors il faut déplorer l’instabilité chronique à la tête des équipes nationales, l’un des pires fléaux du foot africain. Amodu, Keishi, Dussuyer, Giresse et Halilhodzic : des types honnêtes, sincèrement investis dans leur boulot, plutôt appréciés de leurs joueurs, carrément aimés pour certains. Des années de (bon) boulot foutues en l’air… Paul Le Guen, un temps menacé, semble avoir sauvé sa tête chez les Lions Indomptables. “Semble”, parce qu’en Afrique rien n’est jamais certain…
PS : Pour plus de détails sur le sort des sélectionneurs en Afrique, voir aussi l’article de sofoot.com du 6 février dernier, Amodu cadavéré.
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