- C1
- Bordeaux/Lyon
V.Clerc : «Bordeaux n’a plus rien à perdre»
Tout le monde s'en fout mais dimanche prochain, deux formations françaises se rencontreront en quart de finale de coupe d'Europe : le Stade Toulousain et le Stade Français. En grand habitué de ces rencontres européennes entre clubs français, l'ailier toulousain Vincent Clerc a accepté de donner aux Bordelais et au Lyonnais tous les tips pour aborder ce genre de match.
Tu as joué pas mal de matchs franco-français en coupe d’Europe avec Toulouse (deux finales remportées contre Perpignan en 2003 et le Stade Français en 2005, ndlr). Qu’est-ce qu’on ressent lorsqu’on apprend que l’on va jouer une équipe française ? La déception de ne pas faire un vrai match européen ?
Non, il n’y a pas de déception. Ce qui prend le pas, c’est l’enjeu d’un quart de finale, d’une finale de coupe d’Europe. Après, c’est vrai qu’on aime bien jouer contre des équipes étrangères qu’on n’a pas l’habitude de jouer. Une fois passé ce côté un peu moins sympa pour les joueurs et pour les supporters, on se remet vite dans le contexte de la coupe d’Europe et on oublie l’adversaire.
Est-ce que la recette est la même que pour un match de championnat normal ?
Non, je ne sais pas pourquoi, ça doit être dans l’inconscient, mais tout le monde hausse le niveau. C’est beaucoup plus exigeant en termes de discipline, d’intensité. On a vu Lyon et Bordeaux la semaine dernière, pour nous c’est pareil.
C’est aussi la différence entre un match de championnat et un match de coupe, à élimination directe. Ça peut se rapprocher de la Coupe de France ou de la Coupe de la Ligue pour les footballeurs.
Un match de coupe d’Europe a quand même un niveau plus élevé. Il y a l’arbitrage, le contexte, l’enjeu. C’est vrai que moi je ne connais pas les coupes nationales, que le championnat, la coupe d’Europe et les matchs internationaux. Donc, en tout cas, c’est un ton au-dessus du championnat.
Au match aller Lyon-Bordeaux, on a vu un Bordeaux fébrile et un Lyon sur de lui. Est-ce que c’est lié au fait que l’OL joue la Ligue des Champions depuis une dizaine d’années, alors que Bordeaux est plus novice ?
Oui, parce qu’il y a un côté match couperet, match à enjeu. C’est compliqué d’arriver dans les phases finales de coupe d’Europe, Lyon avait cette expérience-là et peut-être que ça a joué. Après, c’était aussi à Lyon, à domicile. Il va falloir voir ce que ça va donner à Bordeaux, parce que Bordeaux n’a plus rien à perdre. Ils ont tout à jeter dans ce dernier match pour renverser la tendance.
Au rugby, les matchs à élimination directe se jouent sur une partie, il n’y a pas d’aller-retour. Qu’est-ce que ça change, psychologiquement ?
Je pense qu’il n’y a pas de calcul à faire. Déjà, en phase préliminaire, on essaie de se qualifier pour jouer le match à domicile. Ensuite, il nous est arrivé de jouer des quarts ou des demis à l’extérieur, il n’y a pas de calcul à faire, il faut sortir le match parfait, on n’a pas le droit à une deuxième chance. C’est vrai que le match aller-retour laisse, entre guillemets, le droit à l’erreur, alors qu’en élimination directe, il faut être très bon au moment T. Les footballeurs ont cette chance-là, et en même temps je pense que j’aurais du mal à gérer un match aller-retour au rugby. Il y a beaucoup plus de points. Au foot, on peut calculer avec un ou deux buts, mais calculer au point près au rugby serait vraiment très compliqué. Et on n’a vraiment pas l’habitude de ces matchs aller-retour.
Dimanche, Toulouse joue contre le Stade Français en quart de finale de coupe d’Europe mais personne n’en parle. Est-ce que ce n’est pas un peu frustrant qu’on parle toujours plus du foot ?
(Rires) Non, ce n’est pas frustrant. Là c’est la semaine, on en parlera peut-être plus ce week-end. Le foot a toujours eu une place plus importante que le rugby, même si le rugby est monté. Nous, on intéresse plutôt quand on approche de la demie, de la finale. C’est vrai que les rencontres franco-françaises intéressent un peu moins, mais pour nous, il n’y a pas de différence, c’est aussi important.
[page]
C’est peut-être aussi lié au fait qu’il y a déjà eu seize rencontres franco-françaises en coupe d’Europe de rugby alors que c’est quasiment inédit en foot.
C’est vrai qu’on a la chance d’être souvent dans les quarts de finale, alors que c’est beaucoup plus rare en foot, à part Lyon ces dernières années. Donc c’est normal que cela reste exceptionnel, et un peu un exploit.
Mais pourquoi les Français s’intéressent-ils davantage au foot qu’aux sports où ils gagnent, comme le rugby ou le hand ?
Le foot est un sport beaucoup plus populaire, joué par beaucoup plus de monde, dans beaucoup plus de nations. Aussi parce que c’est un jeu plus simple à comprendre. Le rugby et le hand sont plus difficiles d’accès pour des gamins, qui ne pourront pas y jouer dans la rue, en plus. Après, petit à petit, le rugby et le hand prennent leur place, mais le foot est le sport le plus accessible au monde, pour tout le monde. Tous les joueurs de rugby et de hand ont joué au foot aussi, même encore maintenant à l’entrainement. C’est LE sport mondial.
Il y a eu une grosse polémique au moment de la main d’Henry contre l’Irlande. Toi, tu as déjà marqué plein de fois de la main contre l’Irlande et tout le monde s’en fout. T’es pas jaloux ?
Franchement, moi je l’ai défendu parce que ça fait partie du jeu. Il n’a pas calculé qu’il allait mettre une main et tricher pour faire marquer un but. Pour moi, c’est un fait de jeu, et l’arbitre ne l’a pas vu. La roublardise fait partie du sport. Résultat, il qualifie la France pour la Coupe du Monde, ce qui est quand même le principal. Ça fait toujours râler quand on est en face et qu’on subit une erreur d’arbitrage mais quand on est du bon côté, on ne peut que s’en réjouir, sans pour autant en être fier ou dire que c’est bien.
T’es originaire d’Echirolles, à côté de Grenoble. Toi aussi, tu as honte de dire que tu supportes le GF38 aujourd’hui ?
(Rires) Non, je n’ai jamais honte. Je n’ai pas l’habitude de tourner avec le vent. J’étais content que Grenoble soit à ce niveau-là, notamment parce que j’y ai des amis comme Nicolas Dieuze. Après, je suis déçu que ça se soit passé comme ça, qu’ils aient enchainé les défaites alors qu’ils avaient fait une saison très correcte l’année dernière. C’est aussi un problème de moyens. Ce n’est quand même pas évident de s’installer en Ligue 1, c’est pareil au rugby. C’est difficile d’être promu et de s’installer sur le long terme. J’espère qu’ils remonteront vite.
Par