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United States of Normandie

Par Maxime Brigand
United States of Normandie

Il a dirigé pendant 25 ans l'un des plus gros employeurs du Havre et rêve aujourd'hui de faire revivre le club doyen. Depuis cinq mois, Vincent Volpe a repris le club à Jean-Pierre Louvel avec la volonté affirmée de retrouver la Ligue 1. Le tout avec Bob Bradley aux manettes, Christophe Revault à la direction sportive et un océan à remplir.

Il est assis, chemise blanche boutonnée jusqu’à l’avant-dernier bouton et regarde, fièrement, l’ensemble des actionnaires se lever et applaudir. À sa gauche, Jean-Pierre Louvel, président du Havre depuis quinze ans. Vincent Volpe a le sourire. L’assemblée du club doyen vient de l’adouber. « C’est l’histoire d’une opportunité. À la suite de ce qu’il s’est passé l’année dernière, je me suis lancé dans le projet. Un expert comptable a contrôlé les chiffres, on a présenté notre projet et il a reçu plus de 90% de réponses positives » , se souvient l’homme d’affaires américain. Le 4 juillet dernier, son projet de rachat du Havre a été adopté plus précisément par 92% des voix faisant de lui le nouveau président du club doyen. Soulagement général. Louvel a enfin réussi à vendre son club, Le Havre va pouvoir se relever, lui qui, depuis quelques années, tendait plus vers la chute libre. « C’était important, explique Alexandre Bonnet, débarqué en Normandie il y a six ans. L’an passé, on est passés par toutes les émotions. Personne ne croyait à ce qu’il se racontait, à Adriano, à Maillol. Aujourd’hui, on en rigole entre nous. »

Maillol, Houston et Dresser Rand

Cet épisode dont tout le monde parle, c’est bien sûr la story Christophe Maillol qui a tourné autour du Havre pendant plus de cinq mois. Une histoire de flirt qui a mal fini avec en fil directeur la mise en scène d’une fausse arrivée d’Adriano en Normandie. C’était en octobre dernier, devant les caméras, à l’hôtel de ville. « Au quotidien, tout ce qu’il s’est passé, c’était difficile à vivre. Il ne faut pas oublier que derrière tout ça, il y a des salariés, des hommes » , détaille aujourd’hui Christophe Revault, l’autre divin chauve et gardien historique du HAC devenu progressivement directeur sportif du club. Pendant ce temps, dans la ville, un Américain lorgne sur ce qu’il se passe et prépare le terrain pour une offre. Il s’appelle Vincent Volpe, dirige l’antenne havraise de Dresser-Rand, une société fabriquant des équipements rotatifs dans le secteur du pétrole. Après Caracas, New York, Tokyo, l’homme d’affaires a débarqué en Normandie en 1990 et y a rencontré sa femme, Christine, originaire de Dieppe.

Entre-temps, Volpe devient PDG de la société, emploie 12 000 salariés et pèse plus de 3,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires. « Je me suis rapidement attaché au Havre, c’est une ville magnifique. Maintenant, je partage mon temps entre la Normandie et Houston. Dresser-Rand a été racheté en août dernier par Siemens, donc j’ai quitté la société. Mais en 25 ans en France, j’ai eu le temps de m’adapter » , explique aujourd’hui le nouveau président du Havre, en direct des États-Unis. Il ne revient que pour les matchs, où il s’installe en tribunes avec sa fille et sa belle-mère. Reste qu’aujourd’hui, ce libéral convaincu détonne dans le milieu du foot français, sans se plaindre d’une réglementation qu’il estime parfois « difficile à vivre » . Le HAC est devenu progressivement un doyen à deux têtes avec Volpe pour la présidence, Arnaud Tanguy pour la direction générale, ce qu’il faisait déjà à Lorient. « Dès qu’il est arrivé au Havre, Vincent Volpe a cherché rapidement un DG pour s’occuper du club la semaine et pour avoir une expertise sur le plan sportif. On s’est rencontré mi-juillet. Il m’a demandé de gérer le club avec la volonté de garder une âme française et locale » , complète Tanguy.

Les sièges vides d’Océane

La volonté est globale. La doublette veut faire remonter le plus vite possible Le Havre en Ligue 1. Cet été, quelques beaux chèques ont déjà été signés sur l’expérience de Mathieu Duhamel, Ghislain Gimbert ou encore Grégoire Puel. D’autres mouvements sont attendus, même si, cet hiver, le club devrait se montrer plutôt discret. « On sait qu’en janvier, c’est compliqué. On recrutera seulement s’il y a une belle opération à faire. On en a parlé cette semaine avec Bob Bradley et Arnaud Tanguy. On pense qu’on a déjà la matière grise pour jouer la montée, il ne reste que des ajustements à faire » , confirme Volpe. L’envie est également de se tourner vers l’académie, un projet durable et d’investir sur « un site de vie » à part entière. Le tout autour d’un coach formateur, tête pensante du projet longue durée qui s’installe en Normandie : Bob Bradley, l’ancien sélectionneur des États-Unis et de l’Égypte. Un coach choisi dans une pile de 50 CV reçus après le départ de Thierry Goudet fin septembre. « Au départ, je ne le connaissais que de réputation. On a voulu changer d’entraîneur pour installer pleinement notre projet. On cherchait un coach expérimenté, qui parle français, ce qui n’était pas le cas de Bob. Ce qui a joué pour lui, c’est qu’il avait un adjoint français et qu’il s’est rapidement montré intéressé par le projet » , justifie Vincent Volpe qui, depuis son arrivée, à largement diminué le conseil d’administration du club.

Reste un autre défi, au-delà de la Ligue 1, peut-être plus important pour la survie d’un club pro : remplir son stade. Car trois ans après son inauguration, le stade Océane est pour le moment un échec industriel. Sportivement, le HAC n’y a remporté qu’une trentaine de rencontres, soit moins de la moitié. Cette saison, on tâte une moyenne d’à peine 6 000 personnes dans un stade qui peut en contenir 25 000. Et ce, alors que Le Havre n’est qu’à deux points du podium. « On a dépensé beaucoup d’argent pour ça, donc c’est sûr, qu’on y pense, confirme l’adjoint au sport de la mairie du Havre, Sébastien Tasserie. Pour l’instant, notre plus belle affluence, c’était pour les féminines. Il y a un long travail à faire. » Un travail que Volpe décrit comme socio-économique, lui qui adore le foot et qui compte se servir du développement du soccer dans son pays. Pour le moment, quand il n’est pas en France, le président regarde les matchs « sur mon tapis, là où je fais mon jogging. L’autre jour, je regardais le Barça-La Corogne, ça m’a fait penser à notre match à Nîmes où on mène 2-0 et on se fait remonter à 2-2. J’aime le beau foot, je ne me fixe pas de limites » . Le Havre attend ça depuis six ans.

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