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United-Chelsea, les amants de l’ennui
Ce dimanche, Manchester United accueille Chelsea à Old Trafford pour la première journée du championnat d'Angleterre. Loin derrière le trio composé par City, Liverpool et Tottenham au sein de la liste des favoris pour le titre, les Red Devils et les Blues semblent nimbés d'une aura morose, alors que leur affrontement passionnait les foules il y a encore peu quelques années. La faute à un flou intégral au sein de la stratégie sportive des deux clubs : tandis que Chelsea semble à bout de souffle, United navigue au hasard Balthazar.
Il y a de cela quelques années encore, Manchester United-Chelsea aurait été une rencontre qui aurait déchaîné les passions. Depuis quelques temps cependant, et a fortiori en ce début de saison, la rencontre de deux des géants des années 2000 et 2010 ne fait plus forcément rêver et semble nimbée de flou, voire de doutes. Tandis que les nouveaux grands d’Angleterre que sont Manchester City, Liverpool et Tottenham ont fait depuis quelques années le choix de la continuité, tant en termes de management que d’effectifs, United semble au contraire naviguer à vue, au hasard des changements d’entraîneurs et des investissements douteux. Quant à Chelsea, ses incessantes mutations et ses nombreuses tensions semblent épuiser les Blues.
Oh, people said that you were virtually dead
De continuité, il n’en a en effet pas vraiment été question à Manchester ces dernières saisons. Les directives économiques, commerciales et financières destinées à renforcer la marque du club dans le monde semblent avoir pris le dessus sur les dynamiques sportives depuis le départ de Sir Alex Ferguson en 2013. Les changements fréquents d’entraîneurs (Moyes en 2013, Giggs puis Van Gaal en 2014, Mourinho en 2016, Solskjaer en 2018) s’accompagnent d’investissements difficilement lisibles et qui ne tiennent pas compte des nécessités sportives. Ainsi, aux criants besoins défensifs, s’est substitué un empilement de stars à vocation offensive (Di Maria en 2014, Martial en 2015, Pogba en 2016, Lukaku en 2017, Sanchez en 2018). Sur le terrain, la qualité de jeu, peu aidée par les styles frileux de Van Gaal et Mourinho, a laissé l’impression d’une équipe en déréliction, tout en renforçant l’adage qui voudrait que, si United reste le club est le plus cher d’Angleterre, il n’en est pour autant plus le meilleur.
Du côté des Blues, le problème est différent, si ce n’est inverse. Dans un club qui s’est construit et imposé dans un climat de mutations permanentes, les nombreux changements à tous les échelons depuis le triomphe européen de 2012 ne peuvent avoir le même impact par rapport à une institution qui a connu le même guide pendant plus d’un quart de siècle. De fait, les Londoniens sont toujours capables de grands résultats sportifs, à l’image des soudains succès en championnat en 2017 ou en Ligue Europa la saison dernière. Reste que c’est une même absence de hype qui colle à la peau de Chelsea et si elle ne prend pas forcément l’apparence d’un flottement comme à Manchester, elle se pare plutôt d’une certaine forme d’essoufflement. Les tensions intestines dans le vestiaire (avec Kepa et Sarri la saison dernière en guise exemple symbolique), le départ de joueurs emblématiques (Hazard ou Luiz notamment), les modifications incessantes de projet de jeu, renforcent ce sentiment. L’interdiction de transferts, qui a été l’outil principal de la réussite de Chelsea, le parachève.
There is a light that never goes out
A cet égard, l’intersaison de Chelsea et Manchester United a été ambivalente. D’une part, les mouvements des deux clubs peuvent renforcer ces impressions de flou. Manchester a beaucoup dépensé sur deux profils qui comblent, certes, un besoin, mais dont les prix d’achat questionnent : 87 millions pour Maguire, qui ne vaut probablement pas autant, et 55 millions pour Wan-Bissaka, un jeune latéral qui a encore beaucoup à prouver. Dans le même temps, les Red Devils ont vendu leur buteur, Lukaku, et ont perdu un milieu précieux en la personne d’Ander Herrera. Reste encore le dossier Pogba : s’il part, comme il le souhaite, Manchester s’en trouverait grandement affaibli au milieu de terrain. Mais s’il reste, il n’est pas dit que le champion du monde s’investirait complètement. Du côté de Chelsea, l’interdiction de recruter a fait son œuvre et même si les Blues ont pu recruter Pulisic et piocher dans leur immense vivier de joueurs prêtés, ils ont perdu Hazard, Luiz et Higuain. L’arrivée de Lampard, qui n’a rien montré au plus haut niveau, peut également faire craindre le pire.
D’autre part, il pourrait tout aussi bien s’agir d’une inflexion dans la politique des deux formations, qui ont toutes deux choisi de mettre sur le banc des légendes de leur histoire respective. Solskjaer semble désormais avoir la confiance du board pour les prochaines saisons car il n’a plus la pression du résultat obligatoire. Il en va de même pour Lampard, qui aura pour lui la tolérance liée à l’interdiction de recrutement. De même, les lacunes de l’effectif pourraient permettre de faire émerger de nouveaux talents, dont certains seront probablement à l’oeuvre ce dimanche : Rashford est destiné à devenir le leader d’attaque de Manchester quand Abraham pourrait être celui de Chelsea. McTominay, Greenwood, ou Tuanzebe d’un côté, Hudson-Hodoi, Mount ou Tomori de l’autre, pourraient aussi éclore. En d’autres termes, tout converge pour que s’installe un nouveau projet à long terme : la route vers les sommets du classement pourrait être longue, mais comme le chantait Morrissey avec les Smiths, « There is a light that never goes out » . Et même s’il avoue ne plus suivre le football aujourd’hui, il est bon de se souvenir que son club de cœur reste Manchester United.
Par Valentin Lutz