- Allemagne
- Sankt-Pauli/Aachen
Une soirée à Sankt-Pauli
A Hambourg, impossible d'esquiver le quartier de Sankt-Pauli, ainsi que d'ignorer les nombreux badauds qui se baladent avec des pulls à tête de mort, leurs tatouages et leurs piercings. Mais l'habit ne fait pas le moine: sous cette apparence a priori pas rassurante, se cachent des fans uniques en leur genre. Normal, pour un club lui aussi très particulier.
91 jours qu’ils attendaient ça. Un peu plus de trois mois après la correction 1-8 donnée par le Bayern, les supporters du FC Sankt-Pauli revenaient dans leur stade du Millerntor pour le compte de la 3ème journée de 2.Bundesliga. Pour le moment, ça se passe bien pour le Kiezclub: une victoire, un nul, et les voilà qu’ils reçoivent à la maison Aix-la-Chapelle (Aachen en VO), actuelle lanterne rouge. Apparemment, c’est chaud pour obtenir des places; c’est tellement chaud qu’il y en a qui montent dans le grand bunker derrière le stade pour regarder le match. Facile à deviner, personne ne s’amuse à rester en haut d’un bâtiment avec un drapeau noir à tête de mort pendant une heure et demie. Mais le bonheur existe, et il se trouve dans la Südtribüne: bien que celle-ci ne soit pas comparable avec celle de Dortmund, c’est elle qui fait le spectacle et qui réveille le stade par ses appels. L’un des premiers chants, d’ailleurs, fait sourire: il s’agit du fameux « Aux Armes » made in Marseille, repris par toute la populace; ce manque d’originalité peut parfois paraître un peu désolant, mais il faut avouer que lorsque des Allemands le chantent avec une pointe d’accent, ça fait presque rêver. Surtout qu’il y en a plein qu’ils ne savent pas ce qu’ils chantent. Mais bon, l’originalité est là, une fois de plus: après tout, on parle d’un club où l’on trouve d’énormes chiens qui se baladent dans les bureaux, des drapeaux à tête de mort en guise de poteaux de corner, une petite maisonnette surélevée en guise de loge privée, avec un petit train qui apporte des Currywurst aux privilégiés. Sinon, avant les travaux d’aménagement (critères de la 1.Bundesliga et critères économiques obligent), il y avait même du gazon dans la tribune sud. Celle-ci a été enlevée, au grand dam des fans.
Que dire du match? Ça commence très mal pour Pauli, qui se prend un but dès la 7 ème par Feisthammel. Mais dix minutes plus tard, Max Kruse, le buteur maison, qui profite d’une mésentente entre Mario Erb et le gardien Waterman: 1-1. La chanson deux de Blur peut résonner, reprise par plus de 20 000 Paulianer. Par la suite, le match se ferme, les pertes de balle se succèdent, rien à se mettre sous la dent, jusqu’à quelques secondes de la mi-temps: Florian Bruns s’écroule dans la surface, et transforme le pénalty qui s’en suit. 2-1. La joie et la bonne humeur règnent tellement au sein du Millerntor qu’il devient très vite difficile de refuser le nectar local, l’Astra, ainsi que les clopes proposées par cette jolie jeune fille qui ne paye pas de mine comme ça, mais qui n’hésite pas à donner de la voix à chaque nouveau chant. En seconde mi-temps, Sankt-Pauli presse pour en mettre un troisième, mais n’y arrive pas. Le match prend une tournure presque tragique, les joueurs tombant les uns après les autres comme des mouches: il faut dire que la chaleur n’aide pas, il fait au moins 25 degrés à l’ombre. Oui, à Hambourg. Le stade s’énerve un peu après l’arbitre: il a oublié de signaler une main d’un défenseur d’Aachen dans la surface; mais trente secondes plus tard, les applaudissements succèdent aux sifflets, quand le portier de Pauli, Tschauner, rentre un dribble à un attaquant adverse, un dribble digne d’un Fabien Barthez de la grande époque.
La fin du match est difficile: Pauli subit, plie mais ne rompt pas. La chance fait même son apparition, quand un joueur d’Aachen est expulsé. Le stade pousse son équipe, appelle les trois autres tribunes à se lever, à applaudir tous ensemble pour soutenir leur club préféré. Les joueurs du Kiezclub reprennent confiance, Saglik touche la barre à la 90ème, avant que Kruse, encore lui, ne mette les siens définitivement à l’abri, suite à une contre-attaque. 3-1, score final. La tribune sud chante à la gloire du club, et applaudit en toute franchise les arbitres et les adversaires du jour. Marco Stiepermann, qui s’est pas mal fait chahuter par le public, est bluffé de se voir ainsi honoré par l’adversaire, et les applaudit à son tour. On a la classe ou on ne l’a pas. Quand aux héros du jour, ils sont remerciés par un « You’ll never walk alone » bien mérité, histoire de rappeler qu’à Sankt-Pauli, on aime bien tout ce qui est anglo-saxon, d’où cette forte amitié avec ceux du Celtic. A la sortie du stade, les plus courageux se rendent au Jolly Roger, pour enchaîner les Astra. Ils y resteront jusqu’au bout de la nuit. Jusqu’au bout tout court, de toute façon, vu le nombre de bars qui sont ouverts 24h/24. De toute façon, il y a des choses à fêter, la victoire, bien sûr, mais aussi la défaite 3-1 de l’ennemi intime, Hambourg SV, à Dortmund. Et rien que pour ça, ça vaut le coup de passer encore du temps à faire le fou sur la Reeperbahn…
Ambiance après le match (crédit: BMCcuda)
Ali Farhat
Par