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Une reprise sous le signe du mal nécessaire pour le championnat d’Allemagne
Ce week-end, la Bundesliga reprend ses droits dans une ambiance quelque peu timorée après deux mois et demi d’interruption. L’occasion de faire un petit point sur ce qu'il s’est passé outre-Rhin, pendant ce long confinement.
Il s’appelle Heiko Herrlich, et vous ne le connaissez pas. Pas si le football allemand ne vous passionne que depuis l’annonce officielle de la reprise de la Bundesliga le 6 mai dernier, en tout cas. Heiko Herrlich a été nommé entraîneur d’Augsbourg le 10 mars 2020, soit deux jours après la dernière journée de championnat jouée dans son intégralité. Depuis, le football allemand, comme (presque) partout ailleurs, a été confiné avant que la Ligue n’autorise les différents clubs professionnels à reprendre progressivement l’entraînement.
Heiko Herrlich aurait donc dû se réjouir que le jour J arrive enfin, d’autant plus que ses joueurs sont empêtrés dans les profondeurs du classement avec un match crucial à disputer face à Wolfsburg. Mais Heiko Herrlich ne verra finalement pas son banc, pour son baptême du feu. Et pour cause, le technicien est sanctionné pour avoir brisé la quarantaine imposée à tous les effectifs une semaine avant la reprise en quittant l’hôtel dans lequel Augsbourg était installé… pour aller s’acheter du dentifrice, et de la crème pour les mains. Une annonce faite en toute décontraction pendant la dernière conférence de presse d’avant-match et un dernier couac venu enrayer une machine pourtant bien huilée, mais qui ne cesse de continuer à diviser les forces en présence outre-Rhin.
Le cœur et la raison
Fallait-il en effet recommencer, même à huis clos, la compétition alors que le spectre du Covid-19 continue de peser sur la terre entière ? Oui, selon les organisateurs de la Bundesliga. Rapidement rejoints par les différents présidents de clubs, lesquels pointaient le risque de se retrouver en grand danger financier en cas d’arrêt définitif de la saison. Pourtant, du côté de la base – celle des athlètes, et de leurs encadrants –, le son de cloche est parfois quelque peu différent. Comme si les deux mois et demi de pause leur avaient fait prendre conscience qu’il y a plus important dans la vie que de se maintenir en quarantaine pour valider le paiement de la dernière tranche des droits télé, et éviter que les comptes de leurs clubs respectifs ne se retrouvent dans le rouge. C’est ainsi que le capitaine du Fortuna Düsseldorf, Oliver Fink, devenu père pour la première fois le 4 mai dernier, a quitté ses partenaires ce lundi soir « pour raisons familiales » et cassé la quarantaine pour retrouver sa femme et son nouveau-né, le privant ainsi d’une rencontre face à Paderborn tout aussi cruciale que celle des Augsbourgeois. Un duel qui pèsera lourd, dans la lutte pour le maintien.
En haut du tableau ? Trois équipes sont encore à la lutte pour le titre : le Bayern, Dortmund et le RB Leipzig. Et aucun des dirigeants du trio de tête ne compte abandonner la guerre pour le Meisterschale. Sur le terrain, leurs hommes jouent la carte de l’union sacrée. Après avoir disputé un entraînement sur la pelouse de l’Allianz Arena pour se préparer au mieux au déplacement qui l’attend à Berlin ce dimanche face à l’Union, David Alaba confiait avoir remarqué « à quel point tout le monde se réjouit de ce moment. On sentait à l’entraînement comme chacun était affamé ». Même son de cloche du côté de Julian Nagelsmann, qui voit ce marathon de neuf matchs à disputer en seulement sept semaines comme « une sorte de mini-Euro que nous voulons gagner ». Beau retournement de veste quand on sait que le Wunderkindlipsien déclarait au début du mois de mars se fier à l’avis des scientifiques, au même titre qu’« on ne demande pas aux virologues la tactique à adopter avant un match contre Wolfsburg ! »
Berlin, capitale du lol
Trouver de vrais avis divergents relève presque de la mission impossible : il faut croire que seuls quelques joueurs n’ont pas leur langue dans leur poche. Neven Subotić regrette par exemple que « les joueurs soient dans une position de faiblesse ». Et le défenseur de l’Union Berlin de déplorer que ses coreligionnaires n’aient été informés des décisions prises en haut lieu qu’« après que tout a été décidé », ce qui le pousse à dénoncer l’absence de représentants des joueurs à la table des débats. De quoi augmenter un peu plus encore son capital sympathie auprès des supporters berlinois. Au contraire du gardien Rafał Gikiewicz qui, après être devenu LA star du confinement en publiant chaque jour une vidéo le présentant en train de garder la forme de manière loufoque, a fini par annoncer qu’il ne prolongerait pas son bail à l’Union faute d’avoir trouvé un terrain d’entente financier avec les Eisernen.
Wiosłujemy #zostanwdomu pic.twitter.com/zaiKkUq81d
— Rafał Gikiewicz (@gikiewicz33) April 2, 2020
Alors qu’il est pressenti pour signer du côté d’Hambourg, il lui faudra déjà valider le maintien de l’équipe qu’il a contribué à faire monter en Bundesliga. Sans sentir sur sa nuque, heureusement, le souffle chaud de ses désormais ex-supporters. Reste que pendant la dizaine de semaines écoulées, l’ensemble des acteurs du football allemand s’est montré relativement discret. Il fallait donc un clown de service pour venir égayer cette situation inhabituelle. Sans surprise, le Hertha Berlin ne s’est pas fait prier pour remplir cette mission. Alors que tous les clubs lançaient une série de tests en prévision de la reprise, Salomon Kalou s’est fendu d’une vidéo hallucinante dans laquelle il zappe un à un tous les gestes barrières avant de feindre l’incompréhension devant la baisse de son salaire à la lecture de sa fiche de paie.
Lehmann s’annonce, les fans s’absentent
Suspendu depuis, l’attaquant ivoirien, en plus d’être devenu tricard, gardera l’étiquette de l’homme qui a failli faire capoter une reprise qui ne tenait qu’à un fil. Comme si ça ne suffisait pas, l’Alte Dame, déjà ridiculisée par le passage-éclair de Jürgen Klinsmann sur son banc, s’est de nouveau distinguée par l’arrivée d’un certain Jens Lehmann fraîchement nommé au Conseil de surveillance.
Sa première déclaration ? Fracassante : « Le coronavirus ? Je ne crois pas que ce soit un problème pour de jeunes hommes en bonne santé et avec un fort système immunitaire. Tant que les symptômes ne sont pas trop graves, je pense que les joueurs doivent y faire face. » Bref, on continue comme si de rien n’était. Reste à voir la tronche qu’aura cette parodie de fin de saison. De leur côté, les supporters ont déjà jeté l’éponge : ce sera sans eux. Pas de bol, ce sont justement ces mêmes gens qui apportent la plus grosse valeur ajoutée au spectacle de la Bundesliga…
Par Julien Duez
Propos de NS recueillis par Deutschlandfunk, ceux de JL par beIN Sport