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Une passion cousue de fil blanc (et rouge)
Hier, les supporters de River Plate ont fait une démonstration de leur puissance et de l’amour qu’ils portent à leur club en déployant le plus grand tifo du monde. Récit de cette journée historique.
Une épaisse fumée s’échappe des immenses grilles installées depuis le début de la matinée dans le petit parc République Orientale d’Uruguay. L’odeur de saucisse grillée se répand dans l’atmosphère. En ce lundi férié, le quartier huppé de Recoleta est envahi par une horde rouge et blanche. Les fans chantent leur fierté, certains grimpent aux arbres pour avoir la meilleure vue, d’autres agitent leurs drapeaux. Les mélanges de vin et soda ou de fernet-coca circulent de main en main. Tous sont prêts à vivre un moment historique.
Cela fait neuf mois que ce projet a germé dans l’esprit d’une poignée de fanatiques millonarios. Il est enfin sur le point de voir le jour. Début 2012, le Frente Angel Labruna lance un appel insolite : ce groupe de supporters qui a dédié son nom au buteur historique de River Plate imagine la confection du plus grand tifo du monde et a décidé de réunir assez de tissu blanc et rouge pour relier l’ancien terrain du club, utilisé jusqu’en 1938, au Monumental, devenu cette année-là le théâtre des exploits millonarios.
Huit kilomètres de tissu
Au fil des mois, la bande d’illuminés a récupéré près de huit kilomètres de tissu (7829,74 m exactement, sur 4,5m de large), cousu à la main pièce par pièce. Ils ont réussi leur pari, entraînant dans ce rêve complètement fou des dizaines de milliers de passionnés, de la Quiaca (dans l’extrême nord de l’Argentine, à la frontière avec la Bolivie) à Ushuaia, tout au sud du pays. La fête s’annonce grandiose, d’autant que David Trezeguet (qui n’a pas marqué) et les siens n’ont fait qu’une bouchée de Godoy Cruz, la veille (5-0), mettant fin à une insupportable série de matches sans victoire dans leur antre du Monumental.
Sur le coup de 13h30, le signal est donné. Cela fait déjà quelques minutes que les fumigènes crachent des nuages rouges et que retentissent de gros pétards. Les pionniers de l’aventure ouvrent les barrières, se saisissent d’une des extrémités de l’immense tifo et se mettent en marche vers le quartier de Nuñez, tout au nord de la ville. Le Saint-Suaire – béni par le père Maxi de la Paroisse de San Marcelo de Don Torcutato – franchit la réplique du portique de l’ancien stade de la « Banda » .
Bientôt homologué par le Guinness Book
L’excitation et la sensation de prendre part à un événement historique se lit sur les visages de ces milliers d’hinchas invétérés. Perché sur le toit d’un immeuble et vêtu d’un maillot de San Lorenzo en guise de provocation, un énergumène subit les foudres des pèlerins millonarios sur la route du Monumental.
De retour parmi l’élite cet été, River Plate veut s’affirmer à nouveau comme « El Mas Grande » (Le plus grand) du pays. Voire du monde. Avec ce tifo, le club s’offre en effet le titre de détenteur du « plus long drapeau du monde » – qui devrait être homologué dans les prochains jours par le Guinness Book – en battant à plates coutures le record établi par 200 000 supporters de Rosario Central, qui avaient déployé un drapeau de 4.350 m de long, le 20 décembre 2009. Il paraît que les supporters de Boca Juniors sont restés bouche cousue face à ce défilé de « haute couture » .
Par Florent Torchut, à Buenos Aires