- Mondial 2023
- France
Une ministre n’est pas une consultante télé
La nouvelle ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, a inauguré sa prise de fonction par deux grosses bourdes sur Twitter traduisant sa méconnaissance du foot féminin. Pour autant, ce n'est pas sur ce genre de sortie que l'on doit juger un serviteur de l'État.
Parmi les principaux arguments qui avaient été avancés pour remplacer certains membres du gouvernement lors du dernier remaniement figurait en bonne place le manque de notoriété. Un critère jugé rédhibitoire en 2023. La nouvelle ministre déléguée en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, a largement réussi à rattraper son retard, mais de la pire des façons. Alors que les Bleues avaient livré une piètre prestation face à une Jamaïque héroïque (0-0), elle a tenu quand même à les féliciter : « Bravo aux Bleues, qui tiennent tête aux joueuses jamaïquaines. » Au regard de la mission de son administration, un quelconque conseiller a dû l’inciter à s’aventurer en ces terres inconnues pour elle. Bad buzz automatique en retour sur les réseaux sociaux. Un piège qui l’a contraint à effacer immédiatement sa faute de frappe, devant les moqueries et attaques – parfois, nous ne sommes plus à un paradoxe près – empreintes de sexisme.
Les limites de la récupération
Après tout, sa méconnaissance du foot féminin est malheureusement largement partagée. Cela dit, tenter de produire de la com politique avec le ballon rond s’avère toujours un exercice périlleux dans la grande foire démagogique qui règne sur l’ « X » d’Elon Musk. Surtout quand, par précipitation, on enchaîne sur un second message qui fleure bon le carton rouge : « Comme le rappelle Corinne Diacre, il n’y a jamais de groupe facile. Les Bleues méritent tout notre soutien. Face aux Jamaïcaines, il y a eu de nombreuses occasions. » Pour qui a suivi un peu l’actualité, la référence à l’ancienne entraîneure de la sélection nationale, poussée dehors par la fronde de certaines cadres et la chute de Noël Le Graët, constitue une gaffe de débutante. Il y a sûrement un CDD de community management à prendre rapidement…
On ne le répétera jamais assez, les politiques ne gagnent rien à s’improviser experts, consultants ou pseudo-passionnés. La tentation est forte, d’autant plus au regard de l’importance acquise par ce sport dans notre société, un sujet incontournable. Ce serait toutefois oublier en retour que le rôle et la fonction d’un président de la République, d’un gouvernement et d’un ou d’une ministre ne consistent pas à se substituer à la presse spécialisée, ou encore aux consultants de plateau télé. La ministre a sûrement dû imaginer profiter d’une aubaine, la Coupe du monde féminine, pour exister, mais également de son devoir de répondre finalement à une demande populaire : « parle-nous ballon ». Jupiter n’avait pas à consoler Kylian Mbappé sur une pelouse à Doha, pas davantage à l’appeler pour le convaincre de rester au PSG. En matière de foot féminin, la nouvelle ministre déléguée, en accord avec le cahier des charges de son portefeuille, devrait d’abord se concentrer sur les nombreux dossiers en attente sur son bureau : égalité salariale, accès aux terrains, à l’espace public (city stade, cours de récréation), etc. La liste des chantiers qu’elle peut évoquer avec son homologue des sports, Amélie Oudéa-Castéra, est longue comme le bras. Et à ce propos, il faudra la juger sur ces chantiers républicains et non pas sur sa capacité à évaluer les performances des Bleues, ce dont 99% de ses critiques assis devant leur ordi ou avec une main libre sur leur smartphone sont tout aussi incapables. Le foot est politique. Mais la politique n’est pas foot.
Par Nicolas Kssis-Martov