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- Caen-Lens (0-2)
« Une interdiction de stade, ça me ferait chier quand même »
Pour Gaëtan, la défaite de Caen face à Lens (0-2), ce samedi, était celle de trop. Ce ras-le-bol, cet habitué de la tribune Borrelli l'a exprimé à sa manière, en toute fin de match : en pénétrant sur la pelouse de D'Ornano et en tapant un sprint de 70 mètres pour adresser un bon vieux doigt d'honneur à Rui Almeida, l'entraîneur normand. Le jeune homme de 25 ans, supporter du Stade Malherbe depuis l'enfance, revient sur ce qui restera comme l’action la plus aboutie de ce samedi après-midi, côté caennais.
Qu’est-ce qui t’a poussé à descendre sur la pelouse ?Franchement, ça s’est fait sur un coup de tête. Quand les Lensois ont marqué le deuxième but, j’en ai vraiment eu ras le bol. Ça fait trois ans que ça se passe comme ça. J’étais en tribune Borrelli (du nom de Luc Borrelli, gardien de but de Caen de 1995 à 1998, décédé en 1999 dans un accident de la route, N.D.L.R.). Au début, j’étais au milieu du kop, et, petit à petit, je me suis rapproché du grillage. En fait, l’idée a commencé à germer dans ma tête pendant le match. Ce n’est pas un pétage de plomb, j’ai juste voulu marquer le coup, afin qu’ils se bougent un peu.
Tu n’y avais jamais pensé avant ?À chaque fois, on leur dit de se bouger, de manière différente, mais ça ne marche pas, donc je me suis dit : « Pourquoi pas essayer ça ? » Le MNK 96 (le principal groupe de supporters de Caen, N.D.L.R.) parle un peu avec les joueurs, mais je n’en sais pas plus.
Une fois sur le terrain, comment est-ce qu’on se sent ?
Ça fait bizarre, parce qu’on entend les supporters crier, applaudir. Mais sur le coup, on n’a pas trop le temps d’y penser, on pense surtout à esquiver les stadiers ! J’ai quand même réussi à aller jusqu’au bout, faire demi-tour, et à en dribbler deux !
Dans ta bio Twitter, il est indiqué que tu as pris de vitesse Jonathan Rivierez…(Il se marre.) On chambre un peu Rivierez, parce qu’il fait beaucoup de boulettes en ce moment, et qu’il est assez lent. Donc c’était juste pour le chambrer. En fait, le seul qui a essayé de m’attraper, c’est Sankoh. Il n’était vraiment pas content… Je peux le comprendre, je suis conscient que pour eux aussi c’est difficile.
Le doigt d’honneur à Rui Almeida, il était prémédité ? C’était vraiment dans l’instant. Le geste, je le regrette quand même, mais si ça peut les faire bouger…
le meilleur supporter #SMCRCL pic.twitter.com/FmFaMgJWJ8
— Sendo (@BrandonRivers78) September 21, 2019
Pourquoi Rui Almeida en particulier ? C’est lui, avec son système de jeu, là… Il place mal les joueurs, il force sur un système qui ne fonctionne pas. Pour moi, il faudrait partir sur une défense à quatre, et surtout remettre les joueurs à leur poste, comme Gonçalves, qui est un super joueur, mais joue arrière droit. Il faudrait le remettre en six, mais non : il insiste à le remettre derrière.
Es-tu de ceux qui souhaitent déjà son départ ? À un moment donné, si ça ne fonctionne pas, il faut changer. Je ne sais pas ce qu’il lui faut pour passer à autre chose.
Le président caennais a dit n’avoir aucun doute sur le talent individuel et sur l’envie des joueurs. Tu es d’accord avec lui ? Je suis d’accord pour dire qu’il y a du potentiel, qu’on a des super joueurs, mais ça ne fonctionne pas. Les joueurs ont envie, oui, mais ce n’est pas suffisant. Il y a beaucoup trop de maladresse.
Tu conviendras que dans la période actuelle, ce geste, ce n’est pas la meilleure des publicités pour les supporters…C’est sûr que ce n’est pas de la bonne pub, j’en suis conscient. Mais personne, parmi les supporters caennais, ne m’a fait de reproche, parce que dans l’ensemble, ils sont d’accord. Ça n’empêche que ce n’est pas non plus le truc à faire, c’est vrai.
Comment s’est passée ton interpellation ?Ils ont vu direct que je coopérais, qu’il n’y avait pas de problème, que je n’étais pas agressif, donc ça s’est bien passé. Ils étaient assez sympas.
Tu as écrit sur Twitter avoir été ovationné par le commissariat, c’est vrai ?Ovationné, c’est un grand mot, mais les flics disaient : « De toute façon ça ne fonctionne pas… » On a un peu parlé de foot, ils m’ont gardé 1h30, le temps de faire la déposition, et d’appeler le procureur. Je leur ai simplement dit que je suis un amoureux du club qui a mal de voir la situation dans laquelle se trouve Malherbe en ce moment.
Ils ont été compréhensifs. À présent, je suis convoqué le 4 octobre au tribunal pour un rappel à la loi.
Caen reçoit Châteauroux ce jour-là. Tu y seras ? Si je n’ai pas d’interdiction de stade, oui ! En plus, c’est un match important pour le maintien. (Il se marre) Ah, il faut pointer au commissariat les jours de match ? C’est un peu gênant, ça ! Je n’étais pas au courant, surtout que j’habite à 40 minutes de Caen, donc pour suivre les matchs, ce n’est pas évident. Mais je ne pense pas me faire interdire de stade : sur la convocation, ce n’est qu’un rappel à la loi, je n’ai pas de casier judiciaire, c’est ma première grosse bêtise. Une interdiction, ça me ferait chier quand même, même si les matchs ne sont pas terribles.
Globalement, quel regard portes-tu sur la situation actuelle du Stade Malherbe de Caen ? Depuis l’arrivée de la nouvelle direction, c’est une catastrophe. Ça a commencé avec le changement de président, en 2018. Depuis, on n’a aucun résultat, aucun fonds de jeu. On a fait de bonnes recrues cette année, mais on a aussi perdu pas mal de joueurs. Gilles Sergent a voulu prendre la présidence comme un hobby, mais il ne connaît rien au football, ça ne se passe pas comme ça. Il s’en est rendu compte au bout d’un an. Trop tard… On vit une descente aux enfers depuis trois ans. On peut perdre, ça arrive, mais on n’a aucun fonds de jeu. Zéro tir cadré hier, c’est inacceptable. Il y a eu un tir cadré ? À quelle minute ? Ah, j’étais déjà parti.
Propos recueillis par Simon Butel