- CDM 2018
Une histoire de pénos… et de vidéo
Cela n'aura échappé à personne : ce début de Mondial a été placé sous le signe du coup de pied de réparation. Difficile d'y voir autre chose qu'une conséquence de l'intronisation de la VAR.
Nacho, Josh Risdon, Samuel Umtiti, Hordur Magnusson, Yussuf Poulsen, William Troost-Ekong, Kim Min-woo, Kyle Walker, Carlos Sánchez, Roman Zobnine. En plus de posséder des patronymes somme toute agréables à prononcer et de pouvoir disputer une World Cup cet été, tous ces gaillards ont un autre point commun : avoir provoqué un penalty contre leur pays. Une sacrée belle brochette multicolore déjà formée alors que l’on vient à peine de boucler le premier tiers de la phase de poules. Simple : avec dix coups de pied de réparation déjà accordés sur les pelouses russes en vingt rencontres (sur 64), c’est un rythme jamais vu dans l’ère du Mondial à 32 nations – dont le record est de 18 – qui se présente. Le 16 juin, troisième jour de tournoi, a fait péter les scores, avec pas moins de cinq fautes sifflées dans les seize mètres en seulement quatre parties. Si l’on ajoute à ça les pions sur coups francs et les CSC, marquer « proprement » dans le jeu devient presque une rareté.
Déjà 7 penaltys en 12 matchs lors de ce Mondial 2018.Le record ? 18 en 2002, 1998 & 1990.VAR.#WorldCup #SUECOR
— Кевин Джеффрис (@kevjeffries) 18 juin 2018
Au moins quatre pénos estampillés VAR
Évidemment, l’introduction, pour la première fois dans une Coupe du monde, de la très clivante video assistant referee n’est pas étrangère à tout ce boxon. Et lorsque l’on questionne des spécialistes du sifflet sur la question, ils n’ont qu’un seul mot à la bouche : vidéo. « On a eu des situations qui, sans la VAR, n’auraient pas donné lieu à des penaltys, explique l’illustre Joël Quiniou, ancien arbitre international aujourd’hui consultant pour RMC. Il y a eu au moins trois occasions claires qui ont amené un penalty grâce à l’appui de la vidéo-assistance : la faute de l’Australien sur Griezmann, celui obtenu par la Suède et la faute de Poulsen face au Pérou. » Sans compter celui de la Russie lors de son deuxième match de poules. Son homologue Bruno Derrien est du même avis : « L’action de Griezmann lors de France-Australie est la preuve de cet apport de la vidéo : dans un premier temps l’arbitre laisse jouer, parce que dans son esprit il n’y a pas faute, et au bout d’un moment il est interpellé par l’arbitre vidéo. » Ainsi, une forme de sécurité est désormais offerte aux arbitres dans ce genre de cas.
Tolérance zéro
Mais malgré les stats aberrantes de ce début de Mondial, il n’y a pas d’excès dans les décisions arbitrales générales selon Quiniou : « On ne peut pas dire non plus dire que les penaltys qui ont été sifflés soient scandaleux. Tous les penaltys relèvent de fautes qui sont claires, dans l’ensemble. Même si elles peuvent parfois relever de contacts relativement anodins, la faute est potentiellement sanctionnable dans tous les cas. Donc les arbitres ne peuvent pas être critiqués sur ce genre de situations. » Les fameuses bagarres dans les surfaces, durant lesquelles les ceinturages et accrochages de maillot sont légion et « qui font partie du jeu » de l’avis général, vont peut-être se faire plus rares au fil des joutes du Mondial puisqu’elles offrent désormais des cartouches tombées du ciel à l’adversaire. « En revanche, il y a également des penaltys qui auraient pu être accordés et qui ne l’ont pas été. Par exemple, Kane pendant Tunisie-Angleterre. Ça reste humain, il y aura toujours des erreurs et des polémiques » , ajoute Quiniou.
Avec la dernière tendance des hommes en noir internationaux à avoir le coup de sifflet facile ainsi que l’appui nouveau de la technologie, crier au scandale risque de devenir systématique pour les sélections. À l’image d’Hervé Renard s’en prenant à M. Geiger et invoquant l’écran magique après un contact musclé entre Nordin Amrabat et Raphaël Guerreiro, hier à Moscou lors de Portugal-Maroc. « Peut-être qu’il y a aussi tout simplement plus de fautes dans la surface qu’il y a quatre ans, déclare Derrien. Il y a peut-être aussi de plus en plus de vigilance vis-à-vis de ça. Par définition, une faute dans la surface, elle est sanctionnable. Après, il y a faute et faute, ça relève de l’interprétation. » À savoir, aussi, si les défenseurs défendent actuellement plus mal que d’habitude. Mais ça, c’est une autre histoire.
Par Jérémie Baron
Propos de JQ et BD recueillis par JB