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Une dernière loi pour la route ?

Par Nicolas Kssis-Martov
7 minutes
Une dernière loi pour la route ?

Cette nouvelle n’a pas fait les gros titres. Une dernière grande loi en faveur du sport professionnel vient d’être adoptée à la quasi-unanimité. Et donc, forcément, le football en bénéficiera. Malgré son joli nom orné de belles valeurs (l’éthique etc.), il y est en effet surtout question d'argent, et de la meilleure façon de rendre nos clubs compétitifs. Pas sûr que cela s’avère suffisant, ni même nécessaire.

C’est assez rare pour être souligné. Pour une fois, tout le monde applaudit une loi. Les ligues professionnelles de basket, de cyclisme, de volley, de handball, de rugby et de football se sont ainsi officiellement réjouies que la loi « visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs [ait été] adoptée à l’unanimité par les deux chambres du Parlement » .

Il faut se souvenir que les choses avaient plutôt mal commencé entre l’actuelle majorité, qui vit ses derniers jours, et le foot pro. Notamment à l’occasion d’une taxe à 75% dépeinte comme une odieuse agression, avec en retour une menace de grève portée par Frédéric Thiriez qui claironnait la mort du foot en France. Pour une fois, le bras de fer tourna court, surtout parce que personne n’a jamais perdu une seule voix en s’en prenant à des millionnaires à crampons. Depuis, les relations étaient redevenues beaucoup plus fluides. L’arrivée de Thierry Braillard au poste de secrétaire d’État, un proche de Jean-Michel Aulas, ancien avocat de certains joueurs, y avait grandement contribué. Un Euro plus tard, de pimpants stades offerts en grande partie avec l’argent public, le remplacement de la taxe sur les spectacles par une TVA à 5,5% sur la billetterie, ou encore la réforme du contentieux sportif, avaient favorisé également l’embellie entre l’Élysée et le petit monde du ballon rond. Voici donc désormais, en guise de cadeau d’adieu et de cerise sur le gâteau, ce texte législatif taillé sur mesure format package un peu fourre-tout. Il prétend néanmoins mettre un peu d’huile dans le moteur d’un foot pro tricolore qui ne cesse de se clamer poussif et incapable de rattraper les grosses cylindrées de la Liga ou de la Premier League.

La logique de départ Elle s’inscrit dans la suite de l’affaire Karabatic. Les boulons ont été davantage resserrés. Désormais, les sportifs ne pourront plus parier sur l’ensemble des matchs de leur discipline (jusqu’alors, seules leurs compétitions étaient proscrites). Pour le coup, l’actualité semble donner raison aux députés et sénateurs : des joueurs de Viry-Châtillon sont soupçonnés d’avoir parié sur leur propre défaite à l’occasion d’une banale rencontre de Coupe de France contre Le Poiré-sur-Vie. Certes, nous sommes loin des transferts de fonds occultes orchestrés par les triades, mais il faut bien commencer quelque part.

Autre dimension à cheval sur l’esprit sportif La volonté de promouvoir le développement et la médiatisation du sport féminin, qui revêt également un caractère économique. Désormais, par exemple, il sera possible de contrôler deux sociétés sportives dans le même sport, pour peu que la seconde soit dédiée au beau sexe. Le foot semble peu concerné, privilégiant les « sections » , cela peut néanmoins permettre à certains petits pensionnaires de L2 ou National de miser sur le foot féminin. Cependant, vous l’aurez compris, ici nous sommes davantage dans le décorum. Le fond, l’essentiel, résulte de la maturation du travail accompli lors de la « grande conférence sur le sport professionnel » d’octobre 2015. La première inquiétude qui en était ressortie touchait au besoin de stabiliser et d’assurer le « fond de commerce » du club pro. En ce sens, grâce à cette loi, ce dernier aura le droit d’usage du numéro d’affiliation – dont l’association est seule détentrice – pour une durée comprise entre dix et quinze ans, qui viendra s’inscrire dans l’actif de la SAOS. Voilà pour l’acte de propriété, reste à savoir comment rétribuer le personnel et bâtir les murs. C’est ici que vient resurgir le vieux serpent de mer du DIC (droit à l’image collective), aboli sous Nicolas Sarkozy, désormais ressuscité sous une forme altérée et restreinte. Un club pourra de nouveau verser, en plus du salaire, une redevance liée à l’utilisation commerciale de l’image du joueur. Le point crucial réside évidemment dans le fait qu’elle ne sera taxée qu’à hauteur de 15,5%, alors que la rémunération classique comporte 30% de cotisations patronales (pour les émoluments mensuels à cinq chiffres). Inutile de préciser que l’intention s’avère clairement d’aider les pensionnaires de L1 à appâter des « stars » et rapatrier les internationaux exilés. On voit mal la L2 vraiment concernée.

Toutefois, si ce nouveau dispositif fera sans conteste le bonheur de Balotelli ou de Dimitri Payet, peu de chance qu’il soit globalement suffisant au vu des écarts initiaux de traitements – ou même de palmarès – avec ce qu’il se pratique par exemple outre-Manche. « Clairement, la partie de loi relative aux droits à l’image est un vrai coup de pouce pour la compétitivité des clubs français, explique l’économiste du sport Bastien Drut. Mais cela n’est clairement pas suffisant pour que les clubs français, autres que les trois ou quatre gros clubs de L1, deviennent subitement compétitifs au niveau européen. » Le taux d’imposition a toujours bon dos quand, souvent, le problème se révèle d’abord de construire sur le long terme de véritables « entreprises » .

Le second volet C’est peut-être d’ailleurs le souhait caché derrière ce second volet : la possibilité offerte aux collectivités territoriales de se porter caution sur les prêts contractés par les clubs quand ils désirent faire construire, racheter ou rénover une infrastructure. Cette virgule juridique vise à résoudre une espèce de quadrature du cercle qui empoisonne notre football hexagonal. La jurisprudence ne cesse en effet de réduire la possibilité d’aider directement les clubs pros, alors que dans le même temps, le recours aux PPP (partenariat public-privé) alourdit considérablement la facture qui pèse sur les épaules des villes ou des conseils départementaux. Le bilan des stades de l’Euro 2016 se révèle de ce point de vue de plus en plus calamiteux (avec finalement des enquêtes judiciaires à Nice et à Lille, ainsi qu’un conflit larvé entre l’OM et la mairie de Marseille). L’idée est bel et bien de pousser cordialement nos FC et nos AS à enfin adopter une posture d’entreprise et un peu moins notabiliaire. « À mon sens, le fait d’autoriser les collectivités locales à garantir les emprunts pour la construction/rénovation d’équipements sportifs est une bonne idée, car cela permet aux clubs d’acquérir leur propre stade et de développer leurs propres activités sans avoir directement recours à de l’argent public, poursuit Bastien Rut. Actuellement, les stades appartiennent quasiment tous aux collectivités locales et il y a sans doute une meilleure utilisation de l’argent public. Toutefois, on peut déplorer que cette possibilité arrive après l’Euro 2016. En ce sens, l’Euro 2016 constitue un énième rendez-vous manqué pour les grands clubs de foot français. » Le texte arrive donc bien tard. Pour preuve, un amendement voté en première lecture par le Sénat, qui interdisait aux collectivités territoriales et leurs groupements de financer plus de 50% des dépenses de nouvelles constructions – afin de limiter la casse style Le Mans –, a été bazardée vite fait à l’assemblée. Histoire de rassurer tout le monde, y compris en L2. On va pouvoir continuer à manier la truelle avec l’argent du supporter-contribuable encore longtemps.

Les services secrets de la DNCG Enfin, dernier point largement rajouté pour démontrer que la puissance publique ne renonce pas à son rôle de régulateur, la DNCG aura la liberté de venir renifler les finances des agents de joueurs. Profession qui attire de plus en plus de critiques, Football leaks obligent. De même, l’institution aura également le loisir de se prononcer sur les opérations de rachat, ce qu’elle s’applique déjà à faire aujourd’hui, mais a posteriori seulement. La vraie question restera de savoir de quelle manière elle compte vérifier la situation des agents basés à l’étranger. Il faut bien laisser un peu de boulot au prochain chef de l’État…
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Par Nicolas Kssis-Martov

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