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Unai et mérites

Par Maxime Brigand
Unai et mérites

Il ne lui aura fallu que douze ans. Un peu plus d'une décennie pour souffler sa révolution, toucher les sommets et tabasser les cœurs. En débarquant à Paris, Unai Emery a apporté avec lui l'espoir : celui de ses idées et de ses méthodes. Entre vidéo, tableau noir et prise aux tripes.

Unai Emery ne s’est jamais assis sur une glacière. Il n’a jamais eu, non plus, l’allure d’un gendre idéal. Son truc n’est pas de courir derrière une ligne blanche, ni de s’enfoncer sur un banc. Définir celui qui est né il y a plus de quarante ans à Fontarrabie par l’image est impossible. Car il est difficile à cerner, à décrypter et qu’il faut plutôt regarder derrière la silhouette qui bouge frénétiquement dans sa zone technique pour la comprendre. Emery est un homme de mots et de gestes. Il faut remonter le temps, se repasser les scènes et gratter la source d’un entraîneur qui explique lui-même que « dans son sang coule le football » . Puis il y a la mémoire et ces instants où sa parole a bousculé l’histoire. Comme ce soir de mai dernier, dans le silence de la nuit du Parc Saint-Jacques de Bâle. Une soirée où son FC Séville s’était présenté une première fois, sur les coups de 20h45, pour le premier acte de sa troisième finale de Ligue Europa d’affilée. Après Benfica et Dnipropetrovsk, Liverpool faisait alors face à cet « obsédé de la gagne » et menait 1-0 à la pause. Alors, le Basque a fait taire ses hommes et a parlé. Avec les couilles, comme souvent. Le milieu argentin, Éver Banega, évoquera après la rencontre « un discours émotif » . L’histoire raconte qu’Emery a alors demandé à ses joueurs de faire comme si la rencontre se jouait à Sánchez Pizjuán, le stade sévillan, où ils sont « guidés par une force spéciale avec le soutien du public » , selon l’entraîneur espagnol. Dix-sept secondes plus tard, Kevin Gameiro égalisera avant que Coke n’inscrive un doublé. Séville et Emery remportent alors leur troisième trophée européen de rang. Unai a une nouvelle fois gagné. Comment ? En ayant appelé son groupe à « écouter son cœur et aimer le football. Vous ne gagnez pas seulement grâce à la tactique. Il doit toujours y avoir l’union de la tête et du cœur. D’abord, les sentiments, ensuite, la tactique et les connaissances » , comme il l’expliquait il y a quelques mois dans un long entretien offert à Tuttosport. Ou comment Paris s’est replongé soudainement dans les bras de ce qui a longtemps fait son charme : l’identification par les sentiments.

Le bon, la brute et le boulimique

Le sacre de Bâle n’est qu’un exemple parmi la multitude qui jalonne la route d’Emery, de ses débuts de joueur à la Real Sociedad en 1990 au banc du PSG où il a été nommé il y a maintenant quelques semaines, et avec lequel il s’apprête à disputer sa première rencontre officielle. Sur son chemin, les mots qui reviennent sont souvent les mêmes. On parle alors de « passion » , de style, d’un « homme de goût » avec un penchant affirmé pour la fête – il a notamment été vu un soir de 2012 à Moscou, entre deux blondes, quelques heures après une défaite contre le CSKA alors qu’il était coach du Spartak –, mais surtout d’un mec qui n’a peur de personne. Et encore moins de se planter. Adoubé partout en Europe pour le football qu’il propose depuis ses débuts sur un banc, à Lorca en novembre 2004, Unai Emery a toujours juré par son jeu aventureux. D’une défaite historique contre le Real avec le FC Séville (3-7, le 30 octobre 2013, ndlr), il se défendait en juin dans les colonnes de France Football en expliquant préférer « cent fois perdre 7-3 en ayant produit du jeu que perdre 1-0 en restant derrière » . Non, Emery ne s’est jamais courbé. Et il ne le fera jamais.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est convaincu par ses idées, la liberté de son système offensif basé sur les permutations permanentes, mais aussi parce qu’il prévoit et contrôle tout. Depuis toujours. D’autant plus depuis qu’il a mis l’accent sur la préparation vidéo dans son travail. « Mon staff et moi étudions les quatre derniers matchs de notre adversaire : ceux à domicile lorsque l’on se déplace, ceux à l’extérieur quand on reçoit. Puis, on prépare les séquences à analyser avec l’équipe : une heure la veille, et vingt minutes le jour du match. Je tâche d’illustrer des concepts, des mouvements et des schémas collectifs. » , détaillait-il récemment. Lorsqu’il était à Almería, Emery organisait même des rendez-vous quotidiens autour de la vidéo et de la tactique où il posait des questions à ses joueurs devant un tableau. On parle là d’un boulimique, d’un touche-à-tout qui cite comme références Guardiola, Bielsa et Simeone, et qui s’appuie sur son adjoint de longue date, Juan Carlos Carcedo, pour imprégner ses joueurs.

Le puzzle, les livres et la dimension

Encore plus impressionnant, la manière avec laquelle Unai Emery arrive à se convaincre autant que son auditoire. Le directeur sportif du FC Séville, Monchi, aime par exemple raconter sa rencontre avec Emery, début 2013, dans un hôtel de Valence. On parle d’un rendez-vous qui se serait étiré sur six heures et au terme duquel l’entraîneur avait affirmé qu’il poserait Séville dans un drap de « champion » . Ce qu’il a fait. La clé du succès d’un groupe façonné de ses mains se situe dans un critère simple : que ses joueurs aiment le football autant que lui. Il aime le répéter à l’envie et c’est aussi ce qui, un moment donné, a cassé lors de son passage à Valence. Le reste n’est que préceptes et travail. Emery, lui, parle d’un « puzzle. J’aime partir ligne par ligne : les quatre défenseurs, les milieux, les attaquants. Ensuite, j’unifie le tout. » En 4-2-3-1 pour un « football proactif » , voire en 4-3-3. Sinon ? « Le 4-4-2 est le top pour défendre et contre-attaquer. » Voilà le système dans lequel devrait se retrouver au maximum le PSG cette saison : dans un 4-2-3-1 où un Pastore positionné derrière Cavani devrait avoir les clés du jeu et la confiance d’Emery. Histoire de couper définitivement avec les années Blanc et ce football de possession que Paris ne pouvait appliquer avec une expression maximale, mais en ayant toujours le souci d’un pressing haut où le tacticien espagnol devra impérativement retrouver son « Banega » .

Vivre sous Emery est une épreuve. Depuis sa prise de fonction au PSG, les discours vont également dans ce sens avec des joueurs qui expliquent « retrouver du plaisir » , tout en y apposant le mot « souffrir » . Cette étape est également un test énorme pour un entraîneur qui n’a désormais plus aucune limite, et qui va pouvoir se jauger dans un club au budget illimité, le tout sans se faire à l’idée de devoir se séparer de ses meilleurs éléments chaque été comme cela avait été le cas à Valence ou Séville. C’est aujourd’hui un homme attendu, celui qui doit marquer la bascule du PSG dans cette « nouvelle dimension » si chère à Nasser, tout en faisant progresser certains joueurs comme il a su transformer Juan Mata ou Jordi Alba par le passé. Cela passera par le jeu, par des risques – à son arrivée à Séville, il avait expliqué à Estadio Deportivo préférer « gagner 4-3 que 1-0 » -, mais aussi par une certaine dose de culture. Oui, de culture. Unai Emery est un grand lecteur qui aime offrir des livres à ses joueurs. Dès que Serge Aurier aura terminé son exemplaire des Frères Karamazov, la grande histoire pourra commencer.

Dans cet article :
Aurier, le miraculé
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Par Maxime Brigand

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