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Unai Emery, l’inadapté

Par Alexandre Aflalo
Unai Emery, l’inadapté

Après sept matchs consécutifs sans victoire et une nouvelle déconvenue à la maison contre Francfort jeudi soir en C3, Unai Emery a été remercié par Arsenal. À 48 ans, le Basque repart de Londres la tête basse.

De ses années parisiennes et londoniennes, on aurait aimé se souvenir de ses titres. De ses victoires. De ses triomphes. Et il y en a eu. En France, Unai Emery a tout gagné. Puis, il a emmené Arsenal jusqu’en finale de la Ligue Europa, sa compétition, au terme de sa première saison au club. Au lieu de ça, ne restent au milieu des décombres que ces quelques vidéos, enrobées de moqueries. Une conférence de presse où on le voit manipuler des bouteilles d’eau, des extraits moqueurs, des compilations de ses « good ebening » maladroitement lancés dans la langue de Shakespeare. Après une série de sept matchs sans victoires, Unai Emery n’est plus l’entraîneur d’Arsenal. Et s’il était arrivé avec l’image d’un entraîneur ambitieux, auréolé de trois C3 remportées avec Séville et d’une expérience au Paris Saint-Germain qui lui a apporté de la visibilité, celle qui lui colle désormais à la peau est celle d’un homme en galères, laissant derrière lui un héritage aussi pauvre que son niveau d’anglais.

Un nouvel espoir

Il n’y avait pourtant que de l’optimisme, à l’été 2018, au moment de découvrir l’identité du successeur d’Arsène Wenger. Malgré la fin en eau de boudin de son aventure au PSG, le costard d’Unai Emery est encore cintré, élégant : l’Espagnol passe pour être un entraîneur jeune, moderne, un fin penseur du football avec des idées et l’envie de les appliquer. Certes, il a trébuché sur le star-system parisien, sans doute trop gros pour lui. Mais on jure qu’il aura, à Arsenal, plus de marge pour imposer sa vision du football à un effectif qu’il pourrait façonner à son image. Pour Emery, Arsenal représente un nouveau départ bienvenu après deux saisons de bashing quasiment incessant en France, surtout à la suite de l’infâme remontada. Un homme brisé pour récupérer un club brisé : après 22 ans de Wengerisme, Arsenal doit tourner une lourde page, à l’heure d’entamer sa deuxième saison de rang sans Ligue des champions. Sous ses airs d’outsider, le club londonien rêve de faire une croix sur les dernières années galères et un retour au premier plan façon success story.

Et les débuts ont de quoi séduire : malgré deux défaites inaugurales en Premier League contre deux gros poissons (Manchester City et Chelsea), Unai et son Arsenal bombardent ensuite une série de 22 matchs sans défaite, durant laquelle ils feront notamment exploser l’ennemi juré Tottenham (4-2). Le 7 octobre, alors qu’Arsenal étrille Fulham à Craven Cottage (5-1), certains supporters se laissent même aller à entonner « We’ve got our Arsenal back » , comme pour témoigner du retour d’un Arsenal façon belle époque. Mais la suite donne rapidement un sentiment d’incertitude. Tactiquement, Emery bricole des solutions pour agencer de façon optimale son effectif limité, surtout défensivement, mais ne trouve pas vraiment la bonne. En coulisses, la mutation d’Arsenal, qui verra bientôt le départ du directeur exécutif Ivan Gazidis, ne lui laisse quasiment aucune marge de manœuvre pour recruter et se renforcer comme il le voudrait. Au fil de la saison, l’Arsenal d’Emery fait le yo-yo, capable aussi bien de coups d’éclat et de prestations abouties que d’inexplicables revers. Dans une Premier League larguée derrière les insaisissables Liverpool et City, les Gunners finissent par échouer à la cinquième place, à un point de cette C1 qui les fuit encore. Un premier échec majeur pour Emery, qui ne peut même pas se rattraper avec une quatrième médaille d’or glanée en Ligue Europa : face à Chelsea dans la nuit de Bakou, à des milliers de kilomètres de Londres, Arsenal ne peut se contenter que d’un argent teinté de doutes.

« Un club de football, c’est comme les quatre pieds d’une table »

Des doutes symboles de l’Arsenal 1.0 d’Unai Emery : fort avec les faibles, faible avec les forts (seulement trois victoires en 13 matchs face au reste du top 5 toutes compétitions confondues). Puis cette saison, malgré un mercato enfin ambitieux, arrive une sensation amère d’être aussi faible avec les faibles. Une première alerte à Watford, le 15 septembre, où Arsenal laisse filer deux points malgré un avantage de deux buts. Puis rebelote le 27 octobre contre Crystal Palace, date qui marque le tournant des derniers jours d’Emery à Arsenal. Les Gunners laissent une nouvelle fois s’échapper une avance de deux buts et perdent leur capitaine Granit Xhaka sur un incident qui a marqué les dernières semaines de l’Espagnol sur le banc londonien. C’est le premier des sept matchs sans victoire qui ont amené à son licenciement, ce vendredi matin. Dans les tribunes, les pancartes « Emery Out » fleurissent, les mêmes qui avaient accompagné les derniers jours d’Arsène Wenger. Dans la tempête, Emery tente en vain de remobiliser des troupes qu’il n’a jamais donné l’impression de fédérer. Sur la fin, il paraissait même bien seul.

Ce vendredi, alors que le Suédois Freddie Ljungberg a pris le relais d’Unai Emery, Arsenal est 8e de Premier League, avec son plus petit total de points dans l’ère de la Premier League (1992) et une différence de buts négative. Les Gunners doivent encore se reconstruire et l’Espagnol part la tête basse en incarnant ses échecs récents. Prendre la relève d’Arsène Wenger était une montagne qu’il n’a pas su gravir. Alors que les moqueries résonnent encore et que les supporters d’Arsenal jubilent de voir le Basque laisser sa parka d’entraîneur à une légende du club, difficile de ne pas se dire que, tout fin tacticien qu’il soit, Unai Emery n’avait peut-être pas sa place dans un club majeur comme Paris ou Arsenal, qu’il ne saurait s’épanouir qu’en Espagne où on le jugera plus sur sa maîtrise du football que de la langue. Dans El Maestro, la biographie d’Unai Emery signée par le journaliste Romain Molina, on retrouve la citation suivante, datée de temps plus tranquilles lorsqu’il officiait à Alméria : « Un club de football, c’est comme les quatre pieds d’une table : l’un correspond aux joueurs, le second aux dirigeants, le troisième aux fans et le quatrième à la presse. Si l’un d’eux se casse la figure, l’équilibre tremble. Si on en perd trois, on tombe. » À Arsenal, Emery a réussi à casser tous les pieds. La noyade était donc inévitable.

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