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Unai Emery en 3D
Unai Emery est dans le dur. Paris n'a pas attendu le mois de novembre pour connaître sa première crise de l'année. Remis en cause après un début de championnat poussif, le coach espagnol et le PSG retrouvent ce soir à Sofia leur objectif initial cette saison : s'inscrire dans le gotha européen en se rapprochant le plus possible de la coupe aux grandes oreilles. Pour réussir à Paris, l'entraîneur basque n'a pas attendu d'être dans la tourmente pour appliquer la recette qui lui a permis de truster la Ligue Europa trois saisons de suite avec le FC Séville. Retour sur la méthode Emery. En 3D.
Avant de prendre place sur le banc du PSG cet été, le nouvel entraîneur parisien a réalisé ses principaux faits d’armes en Liga, à Valence puis à Séville. De l’autre côté des Pyrénées, le natif de Fontarrabia, à la frontière basque franco-espagnole, a donné l’image d’un coach qui ne laisse rien au hasard, obsessionnel et fidèle à sa ligne de conduite. Mais il n’y a pas qu’à Paris que l’entraîneur made in Euskadi (Pays basque en langue basque) fut à la mode cet été. On pourrait presque même parler d’une hype euskera (basque) sur les bancs espagnols. En commençant par le plus convoité de tous, celui de sélectionneur, puisque Julen Lopetegui, enfant d’Asteasu et gardien formé à la Real Sociedad, a pris la place de Vicente del Bosque en juillet dernier pour diriger la Roja. Au coup d’envoi de la Liga cet été, un quart des entraîneurs avaient comme point commun leur ascendance basque : Asier Garitano (Leganés), Ernesto Valverde (Athletic Bilbao), José Luis Mendilibar (Eibar), Enrique Martín (Osasuna), Gaizka Garitano (Deportivo) et le déjà limogé Pako Ayestarán (Valencia).
L’égal de Mourinho et Guardiola ?
Depuis son exil parisien, Unai Emery est peut-être celui qui symbolise le mieux cette réussite des entraîneurs basques au plus haut niveau. Pour Aitor Ayerza Iglesias, actuellement superviseur pour le CD Vasconia, club de San Sebastián, le successeur de Laurent Blanc et ses homologues basques se sont formés sur un seul et même socle : « le travail » . Pour lui, « ce sont des entraîneurs qui sont presque malades de football. Ils se donnent à fond dans leur travail, sans aucune retenue. Pour eux, ce métier, c’est du 24 heures sur 24. Et Unai Emery, avec son arrivée au PSG, démontre que cette capacité de travail hors norme peut conduire au sommet du foot européen. » Pour notre œil de lynx basque, c’est à force de labeur que le néo-technicien parisien est devenu presque l’égal de deux illustres collègues ibériques, Mourinho et Guardiola : « Emery a une conception du football très claire, assez proche de celle de José Mourinho, selon moi. Leurs équipes sont très fortes tactiquement, avec une base défensive importante et un jeu sur les côtés qui est fondamental dans leur jeu d’attaque. À Paris, Emery va imposer ses idées et, après le départ d’Ibrahimović, c’était vraiment le bon moment pour proposer un changement de style de l’équipe. Il est ce qui se fait de mieux comme entraîneur ibérique, avec Pep Guardiola bien sûr. Chacun dans son style, avec ses défauts et ses qualités. Tactiquement, Emery est pour moi le meilleur entraîneur du moment. Sur les matchs allers-retours, il est très fort, il adapte son équipe en fonction du rival, mais aussi de ses besoins. C’est un coach très pragmatique qui, en plus, a cette capacité à redonner confiance à des joueurs qui semblaient perdus comme Gameiro, Banega ou Rami. » Ne pas s’étonner, donc, si Edinson Cavani finissait la saison avec 40 pions.
Valence n’a qu’à moitié validé
Pour Aitor, l’entraîneur basque du PSG pourrait se résumer en un mot, « Emery es pura devoción » (Emery c’est la dévotion à l’état pur) : « Il se donne corps et âme dans son métier. Pour moi, cet aspect est quelque chose d’admirable chez lui. » L’admiration, ce n’est pourtant sans doute pas le premier sentiment qu’évoquerait un certain nombre de supporters valencienistas suite au passage d’Emery sur le banc du club (2008-2012). Comme l’explique Halima Benyahia, supportrice depuis toujours des Murciélagos (les chauves-souris) et titulaire d’un master en scouting : « Lorsqu’Emery arrive au club, c’est un inconnu qui débarque d’Almería dans un grand club comme Valence, et donc sans aucune référence dans un club du même standing. Il a également été l’entraîneur le plus jeune de l’histoire du club. Ces éléments n’invitaient pas forcément les supporters à être très optimistes dès le départ de l’histoire. »
Son bilan va rapidement parler pour lui. « Beaucoup critiquent son passage au club, mais Unai a eu beaucoup de mérite en qualifiant trois fois de suite l’équipe pour la Ligue des champions, alors que, chaque année, les meilleurs joueurs partaient pour subvenir aux besoins économiques du club, poursuit Halima Benyahia. Son bilan est donc plus que satisfaisant. Mis à part la première saison, au terme de laquelle le club termine sixième, durant les trois suivantes, il a donc atteint l’objectif réaliste qui était de finir premier derrière les deux cadors que sont le Real et le Barça. » Sa relation avec les supporters de Valence a donc souvent été conflictuelle, car « nombreux sont ceux qui pensaient qu’il n’avait pas réussi car le club ne gagnait pas de titres. Et c’est pourquoi on a entendu à Mestalla des » ¡Unai vete ya ! » (Unai pars maintenant). Mais tous les supporters ne partageaient pas le même point de vue. Certains, comme moi, ont apprécié son travail au club et ses résultats. Bon, après, lors de son retour à Valence avec le FC Séville, il a fait cette fameuse célébration sur le but de M’Bia qui qualifie son équipe (3-1, en demi-finale retour de la Ligue Europa en 2014)… C’est sûr que ça n’a pas aidé à pacifier les choses ! »
« Ses conférences de presse étaient une torture »
Pour elle, le trait de caractère qui convient le mieux à Emery est sa détermination, « es un entrenador decidido » (c’est un entraîneur déterminé). Une caractéristique essentielle qui lui a permis en grande partie de réussir à Valence malgré un contexte parfois hostile. Du côté de Séville, José Antonio Rivero, journaliste pour Estadio Deportivo, ne démentira pas que cette détermination est l’une des caractéristiques qui sied le mieux au désormais ex-entraîneur sevillista : « Dans mon métier, j’ai souffert avec Emery. La plupart du temps, ses conférences de presse étaient une torture. C’est un entraîneur qui parle beaucoup, qui aime cet exercice, mais qui peut ne rien dire au final, si c’est son envie du moment et qu’il l’a décidé ainsi. Faire un direct avec lui, ce n’est vraiment pas évident. En plus, il avait souvent pour habitude de fixer les conférences d’avant-match le samedi aux alentours de 14h30, car c’était son choix. Cet horaire inhabituel m’a souvent valu de trouver la salle de presse vide ! » Quand Emery décide quelque chose, rien ne semble pouvoir le détourner du chemin qu’il a tracé.
En revanche, d’un point de vue sportif, les résultats du club pendant ses années à Séville n’ont pas été source de souffrance, loin de là : « Ces trois années au club ont été tout simplement extraordinaires. Si je devais lui mettre une note pour l’ensemble de son œuvre, je lui mettrais un 9 sur 10 ! Il a su faire du FC Séville une des équipes les plus compétitives d’Europe, alors qu’il a toujours eu le handicap de devoir s’adapter à un effectif profondément chamboulé à chaque intersaison, avec la perte de ses meilleurs joueurs. » En effet, la capacité d’adaptation semble être l’une des nombreuses cordes à l’arc du nouveau coach du PSG : « Lors de son arrivée, il avait plutôt l’étiquette d’un entraîneur incompris et qui avait été mal traité à Valence. Ici, à Séville, il s’est impliqué et a su comprendre la spécificité des supporters du club, cette forme d’idiosyncrasie vraiment particulière auxSevillistas. Au début, sa relation avec le public n’a pas été facile, notamment parce qu’une partie du stade ne souhaitait pas sa venue. Mais, petit à petit, surtout à partir de sa deuxième saison sur le banc, il a su se mettre les supporters dans la poche. » Car une fois encore l’adjectif qui correspond le mieux au Basque dans son travail commence, dans la langue de Cervantes, par un D. Selon José Antonio, « Emery es diligente » , c’est-à-dire très appliqué, extrêmement soigneux : « C’est un travailleur-né, très méticuleux. C’est presque maladif… »
Du Pays basque à Séville, en passant par Valence, la marque de fabrique d’Unai Emery se résume donc en 3 D : devoción, decidido et diligente. Passionné, déterminé et appliqué. Le tout poussé à l’extrême. En signant à Paris, le coach espagnol est entré dans la quatrième dimension : celle du « Dream bigger » (slogan du PSG). Et cette nouvelle dimension passera forcément par des résultats probants en Ligue des champions.
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