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Un (or)ange dans le ciel
Le speaker lorientais Didier Le Botmel s'est éteint ce vendredi à 64 ans. Le club breton perd sa voix légendaire. Lettre à toi, Didier.
« Ah mais oui, je vois qui c’était, c’est lui qui parlait sur le terrain. » Il y a des messages, Didier, qui ne trompent pas. C’est le cas de celui que j’ai reçu de la part d’une amie juste après l’annonce de ton décès dans une conversation groupée sur internet. Une copine qui prête autant d’attention au ballon rond que ce que j’en accorde à l’œuvre de Maître Gims. Une preuve de ta grande popularité du côté de Lorient.
Didier Le Botmel s’est éteint. Le FC Lorient ne t’oubliera jamais Didier ! pic.twitter.com/AdPUIR5Zbe
— FC LORIENT Officiel (@FCLorientOff) May 13, 2016
On ne s’est jamais parlé ni même vraiment croisés, mais j’ai quand même l’impression d’avoir perdu quelqu’un que je connaissais. Il faut dire qu’on a maté ensemble un paquet de matchs de notre équipe préférée.
Sprints, extinctions de voix et frissons
Pendant près de vingt piges, c’est ta voix, parfois cassée, que j’entendais lorsque je marchais pressé et excité dans les couloirs du stade pour ne pas louper le coup d’envoi et ton fameux : « Madame, mademoiselle, messieurs, supporters lorientais, est-ce que vous êtes prêts à encourager votre équipe ce soir ?! » Il y avait du boulot, hein, quand on sait à quel point le Moustoir est un frigo… Dans la torpeur de la mi-temps, tu m’as souvent bien fait marrer à courir comme un dératé, ton manteau orange sur le dos, aux côtés de la mascotte Merlux, du paquet de chips BRET’S ou de la boîte de haricots verts géante. Quitte, parfois, à glisser. Pas évident de gambader sous la flotte sur ce fichu synthétique.
Purée !! Didier le Botmel est décédé :/T’étais le meilleur speaker, Kenavo ! #FCL pic.twitter.com/bhpqTs7PuA
— Fafar (@FafarCMoi) May 13, 2016
Je me souviens aussi du ton très solennel que tu prenais quand tu lançais le traditionnel : « Temps additionnel, quatre minutes minimum… » Une phrase prononcée avec toute la dramaturgie que le moment requérait, que les Merlus empochent, ou pas, les trois points. Ta voix, enfin, me faisait méchamment vibrer lorsque tu annonçais le nom du buteur lorientais. « But pour le Football Club de Lorient par Kevin Gameeirooooo ! » Paye tes frissons.
« Le football, c’est la fête »
Sympa, modeste, tu ressemblais à ce club qui ne gagnera, certes, jamais le championnat de France, mais qui s’installe durablement dans l’élite et prône le beau jeu. Même s’il n’y parvient pas toujours, on est d’accord. Dans une Ligue 1 parfois trop fermée, Lorient détonne. C’était aussi ton cas. « J’y vais avec tout mon cœur, avec mes tripes. On aime gagner, mais le foot doit rester un jeu, un plaisir, toujours dans le respect de l’adversaire » , expliquais-tu en 2010 au quotidien Ouest France. Comme pour mieux rappeler la passion et les valeurs qui t’animaient.
Reportage de J+1 sur Didier Le Botmel, speaker… par FCLorient
Depuis ton accident en juin dernier, ta voix ne planait plus sur le Moustoir le samedi soir. C’était bizarre, car tu faisais partie des meubles. Tu resteras d’ailleurs une madeleine de Proust pour tous les footeux lorientais qui ont eu la chance de voir le FCL éclore. Comme le 4-4-2 de Christian Gourcuff, le gars qui hurlait « Ah cacahuètes, demandez pralines cacahuètes ! » , le tee-shirt mythique Bonjour la D1, Kenavo la D2, comme les mines de Stéphane Pédron, les cuisses de Jean-Claude Darcheville ou le pantalon d’Angelo Hugues. Des souvenirs qui valent de l’or et qui marquent peut-être plus que les titres. Tu pars la veille de la dernière journée de championnat et d’un match à domicile. Loin de la Bretagne, je ne serai pas là pour rendre hommage au quadruple vainqueur du micro d’or de la LFP. Mon cœur y sera. Sache, en tout cas, Didier, que je garderai en tête, comme tous les Lorientais, ta maxime la plus emblématique : « Le football c’est la fête, la fête, c’est le football. » Merci et Kenavo.
Par Jacques Besnard