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Un Mondial sauce Poutine

Par Adrien Candau
Un Mondial sauce Poutine

Si le match d’ouverture entre la Russie et l’Arabie saoudite ne soulève pas l'enthousiasme des foules, il constitue un véritable achèvement pour Vladimir Poutine, qui a tout orchestré pour que l’obtention du Mondial 2018 soit perçue comme son succès personnel. Sans oublier dans le même temps de mettre en arrière-plan sa relation et ses liens avec l’équipe nationale russe. Un paradoxe de plus pour le maître du Kremlin, qui entretient un drôle de rapport avec le football.

Pour quelqu’un qui n’aime pas le football, il y consacre une énergie qui peut sembler démesurée. Un signe qui ne trompe pas ? Vladimir Poutine aurait pris de son temps pour rencontrer 13 des 22 membres du comité exécutif de la FIFA, à qui revenaient la responsabilité d’attribuer les Mondiaux 2018 et 2022. Un lobbying intense, qui a fini par payer : alors que le Mondial débute ce jeudi, Vladimir Poutine, qui n’est pourtant pas passionné de football, a réussi à ce que la Russie redevienne associée dans les esprits de chacun au ballon rond.

Le grand réformateur

Entre Poutine et le football, l’histoire commence en 2002. Élu depuis deux ans à la présidence, le maître du Kremlin dégaine déjà une ambitieuse réforme nationale du sport russe. « C’est très important, car on est au début de son histoire politique, pose Régis Genté, journaliste basé à Tbilissi, auteur de Futbol. Le ballon rond de Staline à Poutine. Une arme politique (éditions Allary). Cette transformation du sport russe, il va la nommer « Rossiya – sportivnaya derjava » (Russie – Puissance sportive en VF, N.D.L.R.), le mot « derjava » étant un vieux mot russe qui servait à désigner la puissance des tsars. Tout ça aboutit à ce que Poutine s’intéresse au financement du football, en demandant aux oligarques de prendre en charge divers clubs du pays. »

Les intentions sont là et les résultats suivront. Sous le mandat de Poutine, Gazprom rachète le Zénith en 2005, alors que Roman Abramovich se met à sponsoriser le CSKA dès 2004, en s’engageant à dépenser 45 millions d’euros sur les trois prochaines saisons. Bilan : les deux clubs remportent la C3 en 2008 et 2005. La suite sera moins idyllique, alors que le football russe, qui n’a pas de stratégie de développement à long terme, sera plus en retrait à partir des années 2010. « Poutine a alors développé un regard plus critique vis-à-vis du football russe et des oligarques » , précise Régis Genté. Illustration en octobre 2014, quand Poutine dézingue le patron du Zénith Saint-Pétersbourg, un club qui ne met pas assez en avant à son goût les joueurs russes : « Huit étrangers courent sur le terrain au Zénith » , reproche-t-il alors.

Back in the USSR

Le président russe se rend bien compte que le niveau de la sélection est inquiétant. Ce qui explique le rapport distancié qu’il entretient avec la Sbornaya : « Poutine parle peu ou pas de la Sbornaya, car c’est difficile de la mettre en avant, au vu de son niveau. Le faire, c’est risquer d’être humilié, si elle se rate lors du Mondial » , explique Régis Genté. Plutôt que de valoriser l’équipe nationale, le chef du Kremlin a donc misé sur l’obtention de l’organisation du Mondial 2018. « Comme Staline avant lui, il veut prouver la supériorité du modèle russe à travers le sport. »

Seule différence, Poutine ne met pas en scène cette supériorité de façade à travers la Sbornaya, mais en mettant en avant la capacité de Moscou à organiser à la perfection le Mondial sur ses terres. Un pari gagnant. « L’image de la Russie, en tant que pays organisateur du Mondial, c’est ce qui imprime le plus les esprits, juge Régis Genté. C’est important pour Poutine, qui est conscient que la Russie est une puissance pauvre. En matière de PIB par personne, rappelons qu’ils sont au-delà de la 60e place mondiale… Alors, il leur faut bluffer sur le symbolique. » Des symboles comme ces clichés de Mohamed Salah bras dessus-bras dessous avec Ramzan Kadyrov, le controversé dirigeant de la Tchétchénie : « Ces images de Salah avec Kadyrov, c’est une manière de rendre acceptable cette république qui est un régime autoritaire, tyrannique… C’est aussi, pour le Kremlin, une façon d’envoyer un message au monde musulman, en présentant la Russie comme une terre d’accueil protectrice. »

De fait, si Poutine n’est pas parvenu à faire décoller la compétitivité du football russe, il n’en a pas moins réussi à faire du ballon rond un puissant vecteur de contrôle social. Le club tchétchène du Terek Grozny, qui bénéficie de généreuses aides financières de Moscou et est en sous-main contrôlé par Ramzan Kadyrov, en est un exemple édifiant. « La Tchétchénie est une région imprégnée par l’islam et l’idée du pouvoir russe est d’orienter les jeunes vers les stades plutôt que vers les mosquées, notamment celles qui sont soupçonnées de connivence avec les réseaux salafistes, poursuit Régis Genté. Quand le Terek se déplace pour jouer dans toute la Russie, ça véhicule aussi un message aux Tchétchènes, à savoir qu’ils sont des citoyens russes à part entière, qui peuvent exprimer leur fierté à travers leur club. »

Le maître du Kremlin a fait également preuve d’une habileté certaine à l’heure de se frotter au mouvement ultra russe, qu’il a bien pris soin de ménager, voire de flatter à l’occasion. « Poutine était allé se recueillir sur la tombe d’Egor Sviridov (un supporter du Spartak assassiné en 2010, N.D.L.R.) après une réunion avec des ultras. C’est rare de le voir se plier à une demande issue de la société civile… Le pouvoir russe surveille de près les groupes ultras, car leur idéologie nationaliste pourrait déborder le Kremlin, qui veut garder tout ça sous contrôle. D’ailleurs, les ultras devraient se tenir à carreau pendant la Coupe du monde. » Un signe supplémentaire que, quels que soient les résultats de la Sbornaya, Vladimir Poutine, lui, a probablement déjà réussi sa Coupe du monde.

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Par Adrien Candau

Propos de Régis Genté recueillis par AC. Pour aller plus loin, lire « Le ballon rond de Staline à Poutine. Une arme politique » de Régis Genté et Nicolas Jallot (éditions Allary)

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