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Un Meunier dans la boue
C'était il y a maintenant un peu plus d'un mois. Le 1er mars dernier, le PSG venait arracher sa qualification pour les quarts de finale de la Coupe de France dans la gadoue de René-Gaillard, à Niort. Si Blaise Matuidi a parlé d'un terrain « injouable », Thomas Meunier, lui, était dans son élément. Retour aux sources.
Niort, une fin d’après-midi de mars. Les gouttes qui perlent sur le crâne vif de Bartolomeu Varela permettent de dessiner les contours d’un tableau assez triste. Pour l’occasion, le stade René-Gaillard de Niort aurait dû dégueuler de monde, mais le temps et le choix de faire jouer la rencontre un mercredi n’ont pas aidé. Alors ce huitième de finale de Coupe de France entre les Chamois et le PSG ne marquera pas forcément les esprits. Le lendemain, au moment de parler de la qualification de la bande à Emery, on présentera avant tout une image pour en faire le résumé. Le temps additionnel, Lucas Moura qui danse le long de la ligne de touche et n’a plus qu’à pousser le ballon dans le but vide, déserté par Arthur Desmas. Au bout, la frappe du Brésilien se fait scotcher par une mare de boue formée à quelques centimètres de la ligne de but. Pas dramatique, mais symbolique. Le PSG a assuré l’essentiel – une victoire (2-0) –, mais, en sortant de la pelouse, Blaise Matuidi n’hésite pas à se plaindre : « La pelouse était plus que délicate, c’était injouable. Dans ces conditions, il faut chercher à faire autre chose et on a démontré qu’on n’a pas seulement le talent, mais un état d’esprit irréprochable. » Unai Emery, lui, souhaite que « la météo ne soit pas une excuse » . Et voilà que Thomas Meunier débarque avec son large sourire. « C’est un retour aux sources, explique-t-il. Ça m’a fait plaisir de rejouer un match comme ça, comme dix ans en arrière, quand je jouais avec les copains. » Le latéral belge ne changera jamais. Il ne triche pas. Il dit ce qu’il pense. Et il prouve à cet instant qu’on peut admirer Les montres molles de Dali et adorer se rouler dans la boue. Sans pression.
« Au départ, c’était juste un squelette »
Pour comprendre cette facette de Thomas Meunier, il faudrait donc revenir aux sources. Sainte-Ode, la province de Luxembourg, voilà le script. Il y a d’abord eu le club du village, la Royale Union Sportive Sainte-Ode, puis Givry et un échec au Standard de Liège. C’est à cet instant, au milieu des années 2000, que Meunier décide de s’engager à Virton, alors qu’il a déjà gratté une cape internationale avec les U16 belges. Et Sébastien Grandjean arrive. « Je l’ai fait monter en équipe première lorsqu’il était avec les espoirs du club, replace l’homme, sans club depuis son départ du F91 Dudelange en mai 2015. À cette époque, il avait dix-sept, dix-huit ans. C’était un gamin qui arrivait chez les pros, qui avait faim, donc il ne regardait pas les conditions d’entraînement. Il n’avait pas le physique qu’il a aujourd’hui, c’était un grand échalas, juste un squelette. Bon, l’engagement n’était pas sa première qualité, c’était surtout sa technique, mais il avait une mentalité hyper intéressante, car il savait s’adapter à toutes les conditions. En Belgique, il pleut, et fatalement, on jouait souvent sur des terrains gras. Il faut s’arracher dans ces conditions-là. » Cet amour de la boue sur le visage s’expliquerait avant tout par les origines de Meunier. « C’est un Ardennais, reprend Grandjean. Un Ardennais ne lâche rien, il donnera toujours tout en fonction de ses capacités du jour. C’est des mecs durs à la tâche, avec des valeurs. Il n’a pas été élevé avec une cuillère en argent dans la bouche. C’est peut-être surprenant à Paris, mais pas surprenant à Virton ou Bastogne. Si on prend un Parisien et qu’on le met à Bastogne, on va rapidement voir qui est le Parisien. »
Logiquement, Thomas Meunier a rapidement explosé ensuite grâce à son caractère et à des qualités de finisseur rares. Luc Devroe trouvera les mots pour le faire venir à Bruges en 2011, où le latéral va notamment rencontrer quelques années plus tard la tête brûlée Michel Preud’homme. « C’est un garçon intelligent avant tout, détaille Sébastien Grandjean. Il a vécu des choses difficiles dans son enfance, mais il a un QI et une capacité intellectuelle au-dessus de la moyenne. Être intelligent, c’est avoir le bon comportement au bon moment. Il a toujours su s’adapter et le voir faire tout ça à Paris, c’est extraordinaire. » Un moment revient particulièrement à l’esprit de son ancien coach. Le premier jour, le premier match, la première entrée. « Il s’échauffe et je le fais entrer à un quart d’heure de la fin. Je lui dis qu’il va jouer derrière l’attaquant et qu’en situation défensive, il doit se replacer comme ça, comme ça. Il me tape sur l’épaule et me dit : « Vous tracassez pas, coach. » Je me suis retourné vers mon staff et je leur ai dit : « C’est un fou ! » Il n’est jamais impressionné, peu importe le terrain, peu importe le contexte. » L’art de s’arracher, avant tout.
Par Maxime Brigand
Propos de Sébastien Grandjean recueillis par MB.