- Un jour, un transfert
- Épisode 6
Un jour, un transfert : Lucas Barrios, un Hérault à mi-temps
Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. Pour ce sixième épisode, retour en 2014, quand Lucas Barrios pose ses crampons à Montpellier. Venu pour retrouver un sens du but égaré dans des destinations exotiques, l’ancien attaquant de Dortmund sera un intermittent du spectacle, mais permettra au MHSC de finir à une inattendue septième place.
« Un attaquant énorme, physiquement, mentalement et techniquement, qui a envie de revenir au plus haut niveau et prouver qu’il fut l’un des meilleurs attaquants d’Europe. » C’est ainsi que Rolland Courbis annonce la possible recrue du MHSC pour la saison 2014-2015 en conférence de presse. Le thermostat, déjà très haut en ce 7 août, grimpe un peu plus au domaine de Grammont ; Lucas Barrios est annoncé sur le chemin de la Mosson. L’ancien goleador de Colo-Colo et du Borussia Dortmund est en perdition depuis deux saisons. Il est parti s’égarer en Chine, au Guangzhou Evergrande, et a manqué son retour en Europe au Spartak Moscou. « Sur la saison très moyenne qu’il venait de faire, c’était très bien pour nous qu’il veuille venir, mais aussi très bien pour lui que Montpellier s’intéresse à lui », révèle huit ans plus tard Rolland Courbis, entraîneur du MHSC à cette époque-là.
Cette arrivée est la conjoncture de plusieurs facteurs. « Il a envie de jouer en Europe, si possible en France et si possible géographiquement dans le sud de la France. Et comme nous sommes des gens intelligents, on a dit : « Mais ça ne serait pas notre situation ça ? » Et voilà, notre intelligence a pris le dessus », lâche le coach face à la presse en cette intersaison 2014. « On l’a pris sur les conseils de Delio Onnis, le meilleur numéro 9 que j’ai rencontré, précise Courbis aujourd’hui. Il le connaissait comme sud-américain. Et quand Delio nous a dit qu’on pouvait le prendre les yeux fermés, c’est évidemment ce que l’on a fait. Quand tu n’as pas d’argent, tu es obligé de faire des paris. Et ce n’était pas très très cher par rapport à la réputation. » Dernier élément pour définitivement envoyer l’international paraguayen (36 capes) dans l’Hérault, les conseils de son coéquipier en Russie et ancien joueur de Montpellier, le milieu Tino Costa. Le 11 août, le prêt d’un an à Montpellier est officialisé.
Ici c’est la panade
À 29 ans, Lucas Barrios vient pour se relancer aux côtés de Kévin Bérigaud, Anthony Mounier ou Joris Marveaux, qu’il doit tirer vers le haut. Le MHSC a tremblé la saison précédente, finissant quinzième de Ligue 1, deux ans seulement après avoir touché le Graal. Rémy Cabella parti dans la grisaille de Newcastle, Montpellier cherche un fer de lance pour son attaque. L’opportunité semble idéale, Rolland Courbis est ravi. « Je le suivais sur les quatre ou cinq saisons d’avant, notamment celles où il plante à Dortmund. Quand je regardais les images, je me disais : « Putain si un jour je pouvais avoir ce genre d’attaquant, ça me ferait énormément plaisir ! » » Ce jour est arrivé. Mais ses 19 et 16 réalisations des saisons 2010 et 2011 avec le BvB semblent bien lointaines quand Lucas Barrios enfile le maillot orange et bleu.
« Sur les trois premiers mois, ça a été très moyen, il a eu beaucoup de mal à s’intégrer et à retrouver le rythme », déplore son ancien coach. Arrive novembre, et l’attaquant vedette n’a pas fait se lever une seule fois le stade de la Mosson. Louis Nicollin ne peut évidemment pas rester de marbre. « Courbis m’a dit que c’était l’affaire du siècle, pour le moment, c’est le casse du siècle », lâche-t-il en novembre 2014. Pas de quoi perturber le technicien. « Disons que quand on vient à Montpellier, on connaît le Loulou, se marre Courbis. Ce n’est pas nouveau, c’est une réflexion à la Loulou. » Alberto Costa, lui, oublie visiblement de parler de la grande gueule du président à son ancien coéquipier… Le Paraguayen ne prend pas cette sortie avec autant de légèreté et pense sérieusement à quitter le Languedoc quelques semaines après son arrivée. « Bien sûr, quand j’ai vu l’article dans la presse, ça m’a surpris, avouera-t-il à la fin de la saison. Après avoir vu tous les commentaires, toutes les déclarations, je suis allé voir le club et je leur ai dit : « Si vous pensez que je suis un poids, je pars. » Le Borussia que je porte dans mon cœur était dernier en Bundesliga. J’ai appelé Klopp et je lui ai dit que s’il y avait besoin d’un coup de main, j’étais prêt à dépanner Dortmund. Il m’a dit qu’il me remerciait pour ce geste et qu’on restait en contact. »
Quatre mois de folie
Klopp ne le rappellera jamais. Une aubaine pour Montpellier. Le 6 décembre à Rennes, Lucas Barrios est enfin décisif, avec une passe décisive pour Jonas Martin et un but. S’ensuivent une réalisation contre Lens et un triplé à Metz… Lucas Barrios enchaîne les pions, Montpellier se rapproche des places européennes et l’avant-centre retrouve même la sélection paraguayenne après presque quatre années d’absence. « C’est la confiance de l’attaquant. Il est passé d’une extrémité à l’autre. Pendant trois mois, il a tout raté, puis tout lui réussissait. Il était plus intégré, il avait retrouvé le rythme, dans ses déplacements il était beaucoup plus tranchant. Là, c’était un gars très intéressant. J’étais déçu au début, mais j’étais doublement content, car Loulou l’était aussi », se souvient l’ancien Toulonnais. Son aisance dans le jeu aérien, sa puissance, son jeu dos et face au but font des dégâts dans les défenses de l’Hexagone. Entre ce match en Bretagne et celui qui se déroule quatre mois plus tard face à Bastia, Barrios plante à onze reprises et donne trois passes décisives, avant une nouvelle période de disette longue de neuf rencontres. Mais l’essentiel est ailleurs : Montpellier assure tranquillement son maintien et finit à une étonnante septième place.
Alors, Lucas Barrios, affaire du siècle ou casse du siècle ? « Ni l’un ni l’autre. On a été contents de son passage, c’est tout », dira simplement Rolland Courbis. Montpellier n’essaie pas de garder l’avant-centre qui partira au Brésil, à Palmeiras. « Il ne voulait pas rester, se remémore le Marseillais. Il était très enthousiaste de retourner chez lui en Amérique du Sud. On a été très heureux de l’avoir malgré des débuts difficiles. Ça a été une affaire positive, donc tout le monde était content. » « J’ai gardé en moi une affection énorme et particulière pour le MHSC, a répondu le buteur pour le site du club. J’étais très heureux à Montpellier, j’y ai passé une très belle saison. J’en garde un très bon souvenir.(…) Montpellier est un club très familial, qui te fait te sentir bien, qui a été à mes côtés pour m’aider à passer le cap de mon adaptation difficile au football français à mes débuts. » Il est toujours bien présent dans la mémoire des supporters, ravis eux aussi de sa venue. En plus d’avoir vu un joueur de calibre international jouer pour la Paillade, ils trouvent en lui le premier à véritablement succéder à Olivier Giroud à la pointe de l’attaque. Depuis son départ du club argentin de Patronato fin mai, Lucas Barrios est aujourd’hui sans club, et ne devrait cette fois-ci pas solliciter Jürgen Klopp pour trouver un nouveau point de chute.
Par Loïc Bessière
Propos de Rolland Courbis recueillis par LB, sauf mentions.