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Un inconnu nommé Génésio
Le 24 décembre, avant les SMS « Noyeux Joël », Bruno Génésio recevait ce texto d'un peu mystérieux « JMA » : « Toi devoir sauver Lyon ». Une courte missive, pour une lourde mission. Mais qui est exactement cet homme de l'ombre, qui va devoir s'improviser pompier de l'OL jusqu'à la fin de la saison ?
Qui croyait encore qu’Hubert Fournier débuterait 2016 à la tête de l’OL ? C’est plutôt cruellement que Jean-Michel Aulas a mis fin à ce faux suspense le jour du réveillon de Noël, en invitant son coach à préparer son baluchon et à quitter le banc de l’OL sans regarder derrière lui. Une annonce préparée par ce tweet en forme de teasing, posté par Aulas lui-même dans l’après-midi du 24, peu avant le communiqué officiel du club : « Je sais que vous êtes tous impatients d savoir:la décision è prise en mon âme é conscience pour reconquérir la CL. Joyeux Noël à tous » . Sauf à Hubert Fournier, du coup, qui quitte l’aventure avec le panneau « Premier entraîneur viré par Aulas au milieu de la saison depuis Guy Stéphan en 1996 » scotché dans le dos. Le communiqué de l’OL a au moins la décence de ne pas trop le charger, et insiste dès la première phrase sur les blessures de Grenier et de Fekir qui ont pénalisé l’équipe. Mieux, Fournier n’est même jamais cité, ni directement ni indirectement. Pas d’attaque frontale donc, pas de remerciements non plus, et le nom de Bruno Génésio qui apparaît comme par magie au détour d’une ligne, assez loin dans le texte, et à qui est confiée la tâche de faire briller à nouveau le blason des Gones. Une biographie du bonhomme de cinq lignes plus tard, et basta, le télégramme lyonnais est terminé, et arrivent les premières interrogations. Parmi elles, la plus simple : Bruno qui ?
Un simple poseur de plots ?
Au vu des premières réactions mitigées, voire carrément hostiles à sa nomination, Bruno Génésio a sans doute quelques défauts. Mais s’il est une qualité que l’on ne peut pas lui nier, c’est la fidélité. Né dans le 7e arrondissement de Lyon – celui du stade Gerland – il y a 49 ans, il mouille les chasubles des équipes de jeunes de l’OL depuis ses 5 ans et grimpe dans l’organigramme jusqu’à intégrer l’effectif pro pour une décennie, de 1985 à 1995. Ne sachant pas dire au revoir aux gens qu’il aime, c’est en tant qu’observateur, puis entraîneur adjoint qu’il revient à Lyon au milieu des années 2000. Après avoir assisté le quintet Houllier-Perrin-Puel-Garde-Fournier et préparé leurs séances d’entraînement, le voilà désormais à la barre. Le communiqué du club parlait d’un choix censé « privilégier l’unité institutionnelle » , un bel euphémisme, en somme. Le souci, c’est que les supporters de l’OL s’attendaient à un nom un poil plus rutilant, et que Jean-Michel Aulas le leur avait presque promis lorsqu’il déclarait à Eurosport au début du mois que « si nous devions changer d’entraîneur, nous nous tournerions vers un coach en réussite constante depuis quelque temps » . La grande valse des suppositions avait alors commencé. On voyait tournoyer les noms de Lucien Favre, de Marcello Lippi, et même de Leonardo pour les plus décomplexés. Résultat des courses, comme la tendance l’annonçait depuis quelques jours, Aulas a finalement pioché chez les régionaux de l’étape, et a dégoté un homme qui n’a jamais entraîné d’équipe au niveau professionnel. Et qui a même envoyé dans le mur tous les effectifs amateurs qu’on lui a confiés.
Plus Assurancetourix qu’assurance tous risques
Car Génésio s’est déjà prêté au jeu de l’entraîneur, une première fois en 1999 à Villefranche-sur-Saône, à 35km de Lyon, car il serait dommage de trop s’éloigner du centre de son monde. Bilan, une relégation en CFA2 en 2000, et la porte de sortie en 2001, alors que le club allait descendre en DH. Autre fait d’armes, un passage express de 5 mois sur le banc de Besançon, avant d’être gentiment raccompagné vers la sortie pour mauvais résultats. Et pourtant, sur le terrain comme sur le banc, Génésio traîne une réputation de meneur d’hommes, et a parfois été aperçu en train de crier sur les joueurs de l’OL à l’entraînement. De quoi donner des sueurs froides aux Gones, qui l’ont connu comme entraîneur de l’équipe CFA, à tel point que certains avaient déjà lancé une pétition contre lui avant même l’officialisation de son arrivée. Morceaux choisis : « La promotion de Bruno Génésio nous semble être une très mauvaise idée, d’un point de vue économique et sportif et aux antipodes du projet très ambitieux que vous avez réussi à mettre en place.(…)En CFA chez nous, il a pour lui le fait d’avoir développé le jeu le plus horrible de ces dernières années.(…)Bruno Génésio n’est tout simplement pas un bon entraîneur, c’est factuel. Il s’est planté absolument partout où il est passé en tant qu’entraîneur principal. » Le tout entrecoupé de passages l’accusant d’avoir saboté le travail de presque tous les coachs qu’il assistait, et de références à ses erreurs impardonnables, comme le fait d’avoir un jour affirmé de Nabil Fekir qu’il « atteindrait difficilement le niveau Ligue 1 » .
Une crémaillère à préparer
Le gars du cru n’arrive donc pas en odeur de sainteté, loin de là. Car si cette pétition, signée par un collectif se présentant peu modestement comme « Les supporters de l’Olympique lyonnais » , n’engage pour l’instant que les deux mille et quelques personnes qui l’ont signée, les réactions dans la capitale des Gaules restent très frileuses. L’OL, actuellement en pleine mission pour sauver sportivement sa saison, va donc devoir faire un travail pédagogique pour expliquer son choix. On entend ici ou là que Génésio pourrait appeler d’anciennes gloires du club pour l’assister, tels Cris, ou Sonny Anderson. On met en avant le fait qu’il soit réputé proche des Lyonnais du vestiaire, et donc d’Alexandre Lacazette, machine à marquer enrayée, qui aura besoin d’être cajolé dans la deuxième partie de saison. La grande explication devrait commencer dès ce lundi, avec la grande conférence de presse que tiendront Jean-Michel Aulas et Bruno Génésio à 16 heures pour présenter ce dernier et son projet. Le même jour, les Lyonnais reprendront l’entraînement, sous la houlette de cet homme qu’ils connaissent déjà et qui doit les guider « jusqu’à la fin de cette saison dans un premier temps » , comme l’indique le fameux communiqué de son arrivée. Avec comme première étape la préparation de la crémaillère du stade des Lumières, la réception de la lanterne rouge troyenne le 9 janvier prochain.
Par Alexandre Doskov