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Un homme, un stade : Pierre Mauroy
Souvent derrière le nom d’un stade, on trouve celui d’un homme. Une figure éminente de la ville ou du club. À Lille, c’est un homme du coin au destin national, qui restera fidèle toute sa vie à son Nord natal, qui a donné son nom au grand stade : Pierre Mauroy.
« C’est au Nord que je dois d’être l’homme que je suis » , a écrit Pierre Mauroy. C’est cet enracinement, cette volonté de l’homme politique de ne pas oublier ses origines, qui ont tant plu aux électeurs du Nord pendant vingt-huit ans. Cette fidélité aux terres qui l’ont vu naître l’a maintenu à la mairie de Lille, élections municipales après élections municipales de 1973 à 2001. 2001, c’est l’année qu’il choisit pour laisser les clés du beffroi à sa fidèle dauphine Martine Aubry. Mais plus qu’une carrière de maire et d’élu local, c’est un destin national qui s’est offert à Pierre Mauroy.
Quand « le gros quinquin » rencontre « tonton »
Pierre Mauroy est un Ch’ti du cru. Aîné d’une fratrie de sept enfants, il voit le jour le 5 juillet 1928 à Cartignies, à moins d’une centaine de kilomètres du futur stade qui portera son nom quatre-vingt-cinq ans plus tard. Petit-fils de bûcheron, fils d’instituteur, il est très tôt confronté aux problèmes qui touchent ceux qui l’entourent. « La couleur de mes convictions, c’est mon village, moi je suis un villageois. Jusqu’à l’âge de vingt ans, j’étais à la campagne et dans un village d’ouvriers, de sidérurgistes… alors là, j’ai pris conscience qu’il fallait être socialiste » , a-t-il écrit dans ses Mémoires.
C’est tout naturellement qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qu’il vécut dans son Nord natal après avoir tenté de suivre la route de l’exode, qu’il adhère aux Jeunesses socialistes. Diplômé de l’ENNA (École normale nationale d’apprentissage) et non de l’ENA, il devient professeur d’enseignement technique à Colombes et adhère au SFIO (Section française de l’internationale ouvrière). C’est en 1965 que le « Gros quinquin » fait la connaissance de François Mitterrand, qui en fera le premier socialiste de la Ve République à occuper Matignon seize ans plus tard. Mais avant de s’installer rue de Varennes, l’héritier spirituel de Jean Jaurès et Léon Blum accède à la mairie de Lille et à l’Assemblée nationale en 1973.
Le Premier ministre des grandes réformes
Le député du Nord joue un rôle central dans l’union de la gauche. François Mitterrand élu en 1981, Pierre Mauroy est nommé Premier ministre. Il est en charge de la mise en place des promesses de campagne de « Tonton » . Sur les 110 propositions, le maire de Lille se félicitera d’en avoir accompli 96. Et pas des moindres. C’est sous son égide que sont votées, pêle-mêle : l’abolition de la peine de mort, la création de l’ISF, la cinquième semaine de congés payés, la retraite à soixante ans, le remboursement de l’IVG, la création des radios privées locales, la régularisation des sans-papiers, les nationalisations… Le seul Ch’ti de Matignon a été le chef de gouvernement le plus fécond de la Ve République, avec 345 textes de loi votés sous son autorité. Même s’il a compris la nécessité de lier le socialisme à ce qu’il appelle « un humanisme non dogmatique » , Pierre Mauroy n’en reste pas moins un pragmatique qui adapte sa politique macro-économique aux circonstances. Poussé par la crise monétaire, la hausse du chômage et les problème d’inflation, il est contraint de mettre en œuvre « le tournant de la rigueur » , avant d’être remplacé par Laurent Fabius en juillet 1984. Après ces trois ans au sommet de l’État, le Nordiste conserve ses mandats locaux et devient pendant sept ans président de l’Internationale socialiste.
Pendant ses années de présence sur la scène nationale, il n’oublie pas pour autant son Nord adoré. Cet admirateur de Léo Lagrange garde un poids politique important dans son bastion de naissance. Maire de Lille, député puis sénateur du Nord, président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, président de la communauté urbaine de Lille, le socialiste a occupé toutes les fonctions possibles dans sa région de naissance. À sa mort en 2013, le Grand Stade Lille Métropole devient le stade Pierre-Mauroy. Et tant pis si Pierre Mauroy n’aimait pas le foot et allait très peu au stade. Tant pis aussi si Pierre Mauroy était opposé à la construction d’une si grande enceinte – « Le LOSC aura un grand Stade quand ce sera un grand club » , disait-il. Tant pis toujours, si nommer le stade Pierre-Mauroy, c’est renoncer aux trois millions d’euros d’un contrat de naming. Les élus lillois, Martine Aubry en tête, en ont décidé ainsi, et leur décision est pour l’instant irrévocable.
Comment aurait pu s’appeler le stade Pierre-Mauroy
Le stade Charles de Gaulle : Né à Lille où résidait la famille de sa mère, le général était un grand fan des célèbres gaufres Meert. Le stade Malaury Nataf : Comme le général de Gaulle, la célèbre Lola du Miel et les Abeilles est née à Lille. Attention au coup de vent. Le stade Line Renaud : Ch’ti de naissance, Line Renaud a fait partie de l’orchestre de radio Lille, avant de partir conquérir les cabarets parisiens. Le stade Louis Henot : Du nom du premier président du LOSC resté en poste quinze ans. Il était surnommé Louis XIX à cause de son autorité, et de son emprise sur les entraîneurs. Le stade Eder : Parce que tous les clubs n’ont pas la chance d’avoir dans leur rang l’unique buteur d’une finale d’Euro. Un homme, un stade : Santiago BernabéuPar Maeva Alliche