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Un homme, un stade : L’abbé Deschamps

Par Gaspard Manet
Un homme, un stade : L’abbé Deschamps

Souvent, derrière le nom d’un stade, se trouve celui d’un homme. Une figure éminente de la ville ou du club. Ou parfois les deux, comme c’est le cas pour le célèbre abbé Deschamps. Figure charismatique d’Auxerre et de l’AJA, club qu’il a fondé avant de, logiquement, donner son nom au stade à sa mort.

Raphaël aime chanter que dans cent cinquante ans, on s’en souviendra pas. Et pourtant, il y a 148 ans, naissait un homme qu’aucun Auxerrois n’est près d’oublier. Nous sommes donc en 1868, lorsque Ernest-Théodore Valentin Deschamps voit le jour à Villiers-sur-Tholon, dans l’Yonne. Fils du boucher du village, le petit Ernest est alors très loin de suivre la voie religieuse, son père étant un socialiste radical pour le moins anticlérical. Pourtant, il acceptera que son fils soit baptisé et même qu’il honore sa première communion à l’âge de douze ans. Mais si le fiston a, semble-t-il, déjà un faible pour la religion, il n’empêche que le paternel l’oblige à suivre une scolarité classique. Et brillante. Bon élève, sérieux et appliqué, Ernest obtient son baccalauréat au collège d’Auxerre avant d’opter pour des études de droit. Diplôme en poche, celui qui n’est pas encore abbé se retrouve à exercer en tant que clerc de notaire à Auxerre, puis à Joigny avant de partir travailler chez un notaire d’Argenteuil, en banlieue parisienne. La voie professionnelle du jeune homme semble alors toute tracée. Sauf qu’en 1896, à la mort de son père, Deschamps décide de tout arrêter pour réaliser une vieille envie : entrer dans les ordres. C’est ainsi qu’il fait son entrée au grand séminaire de Sens avant d’être ordonné prêtre le 24 juin 1900.

Garder le stade au milieu du village

Nommé vicaire à la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre, Ernest Deschamps n’en oublie pas pour autant l’une de ses grandes passions : le sport. Soucieux de voir les jeunes de sa commune pratiquer une activité sportive, il crée en 1905 l’Association de la jeunesse auxerroise. Une association qui voit le jour quelques semaines après le vote du parlement pour adopter la loi de séparation entre l’Église et l’État, l’abbé craignant alors que l’État intervienne de façon négative dans les actions éducatives de l’Église à Auxerre. Au sein de l’AJA, on vient de tous les milieux sociaux et, surtout, on pratique tous les sports : de la gymnastique à l’escrime en passant par la boxe. Et le foot, évidemment. Dès le début du siècle, l’abbé avait d’ailleurs senti l’intérêt grandissant de la jeunesse pour ce sport. Mais l’homme se retrouve quelque peu isolé dans son combat. La municipalité auxerroise de l’époque, fortement hostile au clergé, ne perçoit pas d’un bon œil l’émergence de l’AJA et refuse même de lui céder des lieux publics pour le bon déroulement de ses activités. Mais peu importe, l’abbé Deschamps ne baisse pas les bras. Jamais. Il se débrouille, souvent seul, pour trouver des terrains d’entraînement. La section foot de l’AJA atterrit ainsi sur le terrain de l’Ocrerie. Jusqu’en 1918, date à laquelle l’équipe est priée de faire ses valises, un an après sa participation à la première Coupe de France de l’histoire. Mais là encore, l’abbé Deschamps va trouver une solution. En effet, l’homme d’Église avait acheté, quelques années auparavant, des parcelles de terrain en bordure de l’Yonne, route de Vaux. Avec l’aide de bénévoles il a, au fil du temps, réussi à construire un stade. Assez rustique, certes, mais suffisant pour voir la section foot de l’AJA jouer librement. Inauguré le 13 octobre 1918, le stade prend alors le nom tout simple de Stade de la route de Vaux. Et voilà que le club se retrouve donc propriétaire de son propre stade. Bien avant l’heure. Au fil des années, le stade s’agrandit à mesure que l’équipe progresse.

Du couloir de la mort à la cathédrale d’Auxerre

En 1920, le club se retrouve affilié à la Fédération française de football. Et devient même champion de l’Yonne en 1929. De son côté, Ernest Deschamps continue sa progression cléricale. Et en 1934, il est même nommé archiprêtre de la cathédrale d’Auxerre. Trop pris par ses fonctions au sein de l’Église, l’homme doit peu à peu céder sa place à la tête de l’AJA. De façon provisoire seulement, car son successeur se retrouvant mobilisé au front en 1940, l’abbé décide de reprendre du service pour que le club continue de prospérer, même sous l’Occupation. À côté de ça, il est également chargé d’une tâche moins amusante : accompagner les condamnés à mort vers leur ultime demeure. Peu de temps après la guerre, le 1er décembre 1949, l’homme s’éteint après plusieurs malaises cardiaques. À Auxerre, l’émotion est palpable, et près de 10 000 personnes assisteront aux obsèques. C’est dire l’importance de l’abbé au sein de sa commune. L’homme sera même, à sa demande, inhumé au sein de la cathédrale d’Auxerre, un honneur qui n’avait plus été accordé depuis près d’un siècle. En revanche, ce n’est pas sur sa demande, mais sur une volonté collective des habitants de la commune et des dirigeants du club que le stade qu’il a lui-même construit se voit rebaptisé, peu de temps après sa mort, le stade de l’abbé Deschamps. Un hommage on ne peut plus logique à un homme qui restera, pour toujours, associé au club de l’AJA. Son club.

Comment aurait pu s’appeler le stade de l’abbé Deschamps :

Le stade Guy-Roux. Avec du matériel bon marché. Ne jamais cracher sur un coupon de réduction. Le stade François-Brochet. Avec une de ses œuvres imprimée en grand sur la tribune présidentielle. Le stade Bernard-Diomède. Marquer le but du titre à Guingamp en 1996, ça laisse une trace, forcément. Le stade Jean-Claude-Hamel. Quarante-six ans de présidence au sein de l’AJA, ça laisse une trace, forcément. Le stade Paul-Bert. Un homme né à Auxerre et mort à Hanoï.
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Un homme, un stade : Auguste Bonal
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