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Un homme, un stade : Antonio Vespucio Liberti

Par Ali Farhat
Un homme, un stade : Antonio Vespucio Liberti

Souvent, derrière le nom d'un stade, se trouve celui d'un homme. Une figure éminente de la ville ou du club. Président à cinq reprises de River Plate, Antonio Vespucio Liberti a tout donné à son club de cœur. Visionnaire, il lui a donné ses bases actuelles, dont son stade. Dépensier, il a claqué tellement d'argent que River est devenu le club de « Los Millionarios ». Pour le meilleur et pour le pire.

« La passion est encore ce qui aide le mieux à vivre » , disait Émile Zola. Et quand on regarde la vie d’Antonio Vespucio Liberti, on se demande bien ce qu’il aurait fait s’il n’y avait pas eu le Club Atlético River Plate dans sa vie. Un club pour lequel il sera joueur, puis dirigeant. Un club qu’il dirigera à cinq reprises en l’espace de trente-quatre ans. Un club auquel il fera dépenser des fortunes, parfois pour le bon, parfois pour le moins bon, mais toujours pour son bien, jamais pour lui nuire. Un club pour lequel il construira une maison, qui finira par porter son nom huit ans après sa mort.

Un stade dans un coin paumé

De sa création en 1901 jusqu’à la fin des années 30, le club de River Plate erre de stade en stade dans Buenos Aires comme une âme en peine. D’abord dans le quartier de La Boca – car River vient du même quartier que son plus grand rival –, puis à Sarandi, dans le grand Buenos Aires. Puis de nouveau à La Boca, avant de s’établir à l’Estadio Alvear y Tagle, une enceinte de 40 000 places située à Recoleta, dans le centre de la capitale, et ce, pendant plus d’une décennie (1923-1937). Seulement, Antonio Vespucio Liberti rêve de plus grand pour son club de toujours. Arrivé à la présidence en 1933, ce fils d’immigrés génois veut quelque chose d’unique pour ce qu’il considère être un club unique. Il se met alors à prospecter dans les différents coins de la capitale argentine ; ironie du sort (ou pas), Antonio Vespucio Liberti décide que la future enceinte du club se trouvera dans le quartier de Belgrano, dans le secteur du Bajo Belgrano. Une terre gagnée sur le Rio de la Plata, mais très humide et sujette à de nombreuses inondations. Les autres dirigeants du club traitent leur président de fou, mais Liberti reste ferme : c’est là ou rien. Le 8 octobre 1934, River acquiert 8,5 hectares pour y construire son stade. Le 25 mai 1935 (le jour des trente-quatre ans du club), la première pierre est posée. Commence alors un chantier « Monumental » , qui donnera son nom au stade quelques années plus tard.

Los Millionarios, La Maquina et puis… plus rien

Cette acquisition est d’abord un cadeau empoisonné pour Liberti, qui n’est pas réélu à la tête du club, en 1936. Seulement, son successeur, José Degrossi, le suit dans ses plans. River contracte un prêt et se lance dans la construction d’un stade de 150 000 places. Mais la Seconde Guerre mondiale approchant à grands pas, le club est obligé de revoir ses plans. Finalement, c’est un stade en forme d’arc de cercle qui verra le jour, et qui sera inauguré le 25 mai 1938 (le jour des trente-sept ans du club). Une rencontre contre le club uruguayen de Peñarol, devant 70 000 spectateurs, que River Plate remportera 3-1 grâce notamment à des buts signés Carlos Peucelle et Bernabé Ferreyra.

Peucelle et Ferreyra, respectivement arrivés en 1931 et en 1932 à River, font alors partie des plus grandes stars du pays. Et s’ils ont signé à River plutôt qu’ailleurs, c’est grâce à Antonio Liberti. Dirigeant, mais pas encore président, le bonhomme avait convaincu ses pairs de faire venir les deux joueurs coûte que coûte. Et quand on aime, on ne compte pas : Peucelle signera contre 10 000 pesos, Ferreyra pour 30 000. Des sommes folles à l’époque, mais qui donneront un surnom au club pour l’éternité : « Los Millionarios » . Quelques années plus tard, la célèbre « Maquina » se met en place, un formidable quintette mêlant jeunes du cru (José Manuel Moreno, Adolfo Pedernera, Angel Labruna, Felix Loustau) et recrues bien senties (Juan Carlos Muñoz). Une équipe qui remportera notamment quatre championnats d’Argentine (1941, 1942, 1945, 1947) et dont le jeu, basé sur le dynamisme et la rotation des joueurs, sera considéré comme un des modèles du football total des Pays-Bas quelques années plus tard. De la joie pure pour Liberti, qui récolte sur la durée les fruits de son labeur. Et son successeur, Enrique Pardo, verra River remporter quatre autres titres de champion (1953, 1955, 1956, 1957). Seulement, rien n’est éternel. Le dernier titre de 1957 du CARP est le dernier avant un bon bout de temps. En 1960, Liberti est de nouveau élu à la tête du club, avec l’espoir que les titres finiront par revenir. Le président, qui entame là son cinquième mandat, fait alors ce qu’il sait faire de mieux : investir de l’argent. Les titres ne venant toujours pas, il décide de tenter une folie et de mettre trente-trois millions de pesos sur le défenseur uruguayen Roberto Matosas. Rien, pas de titre. Arrivent alors sur les bords du Rio de La Plata des joueurs comme l’Espagnol Pepillo (ex-Real Madrid) ou encore les Brésiliens Moacir (ex-Flamengo) ou Delém (ex-Vasco). Nada. Cette pénurie de titres durera jusqu’en 1975. Liberti, lui, partira avant, laissant le club dans une situation financière compliquée, et le cœur meurtri. « Dieu ne m’a pas donné la possibilité d’avoir des enfants. Mais il m’a donné une autre opportunité, et River occupe pour moi cette place. » Une phrase qu’il aura sûrement en tête jusqu’à son dernier souffle, le 28 novembre 1978.

Comment aurait pu s’appeler le stade Antonio Vespucio Liberti ?

L’Estadio Angel Labruna : la figure de proue de « La Maquina » a été huit fois champion d’Argentine et a inscrit 293 buts pour River. L’Estadio Alfredo Di Stéfano : à l’époque de « La Maquina » , Di Stéfano n’était qu’un figurant. Ce serait de la récupération pure et simple, en fait. L’Estadio Amadeo Carrizo : premier gardien à utiliser des gants, premier gardien à quitter sa surface. Visionnaire. L’Estadio Enzo Francescoli : cinq championnats, une Copa Libertadores et une Supercopa pour El Principe. Sauf qu’il est uruguayen. Pas sûr que tous les fans de River soient d’accord avec ça.
Un homme, un stade : Louis II

Par Ali Farhat

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