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Un homme, un stade : Jean-Claude Bauer
Le Red Star n'y joue plus depuis sa dernière montée en Ligue 2, en 2015, faute d’infrastructures aux normes du monde professionnel. Pour tout le monde, l'enceinte située à deux pas des puces de Saint-Ouen, officiellement nommée stade de Paris, c'est « Bauer », du nom de la rue qui la borde. Celle du docteur Jean-Claude Bauer, un résistant communiste fusillé en 1942.
La ville de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, n’attendra pas la fin de la Seconde Guerre mondiale pour honorer la mémoire du docteur Jean-Claude Bauer. Après délibération du comité local de Libération, Alexandre Bachelet, le maire membre de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière), change les plaques de la rue de la Chapelle, qui devient celle du docteur Jean-Claude Bauer en octobre 1944. L’homme a été exécuté deux ans auparavant par la police française, à seulement trente-deux ans.
Évasion et presse clandestine
Avant de s’établir en tant que médecin généraliste en 1937 à Saint-Ouen, Bauer, originaire des Vosges, milite durant la guerre d’Espagne au sein de la Centrale sanitaire internationale, une organisation créée par la CGT, chargée de coordonner les actions d’aide médicale engagées par plusieurs pays en faveur de la République espagnole. Adhérant au Parti communiste depuis 1934, le jeune homme n’est installé dans ce qui deviendra le 9-3 que depuis deux ans, lorsqu’il est mobilisé, dès 1939.
Fait prisonnier en juin 1940, il s’évade et retourne auprès de Marie-Jeanne, son épouse, reprendre son activité de médecin à Saint-Ouen. Et surtout, forme des comités d’intellectuels communistes, comme le Parti, dont il intègre l’appareil technique central, le souhaite. Il participe alors aux lancements de deux revues clandestines : La Pensée libre en février 1941, et Le Médecin français, dont il assure l’édition à partir de mars 1941. Dans le même temps, Marie-Jeanne, qui exerce en tant qu’infirmière, milite dans un service chargé de l’organisation des dépôts de matériel de propagande du Parti.
Coupable d’être « juif communiste »
C’est alors qu’il se rend à un rendez-vous avec Jacques Solomon, coordinateur des comités d’intellectuels, qu’il est arrêté par la Brigade spéciale de la préfecture de police de Paris. Interné à la prison de la Santé, Jean-Claude Bauer reste muet durant les séances de torture qui lui sont infligées. Il est finalement fusillé le 23 mai 1942 au Mont-Valérien, en tant que « juif communiste » . Marie-Jeanne est quant à elle déportée à Auschwitz, d’où elle sera libérée en janvier 1945. À titre posthume, le docteur Jean-Claude Bauer recevra la Légion d’honneur et la Croix de guerre avec palmes. Ainsi que quelques jolis chants lancés depuis le stade qui porte officieusement son nom.
Comment aurait pu s’appeler le stade Bauer :
Le stade Olympic, du nom du bar qui se trouve en face de l’entrée du stade. Parce qu’elles sont là, les actions les plus spectaculaires. Le stade Pierre-Chayriguès. Portier du Red Star de 1911 à 1925, Chayriguès est considéré comme la première star du football français. En 1913, il refuse même une offre de Tottenham, qui lui propose un salaire de 40 000 francs par an. Le stade Steve-Marlet. Formé au Red Star, l’international en est aujourd’hui le directeur sportif. La 9-3 Arena. Parce qu’avant d’être l’équipe de Saint-Ouen, le Red Star est avant tout celle de tout un département. Le stade « chef, sur ma vie, je peux pas faire moins » . Parce qu’on est quand même très près du marché aux puces.Par Mathias Edwards