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Un homme, un stade : Auguste Bonal

Par Kevin Charnay
Un homme, un stade : Auguste Bonal

Souvent, derrière le nom d’un stade, se trouve celui d’un homme. Une figure éminente de la ville ou du club. Auguste Bonal quant à lui, n'est pas de Sochaux et a joué un rôle mineur au sein du FCSM. Et pourtant, c'est lui qui a donné son nom au stade sochalien, en hommage à son courage dans les usines Peugeot pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un vrai choc. Il y a un peu plus d’un an, l’histoire d’amour entre Peugeot et le FC Sochaux-Montbéliard prend fin. Une union longue de 87 ans, coupée nette par le rachat du groupe chinois Ledus. La marque au lion a décidé de lâcher le club juste après sa descente en Ligue 2. Un coup de poignard pour les supporters sochaliens, tellement persuadés de voir le groupe automobile et le FCSM liés jusqu’à la mort. Mais qu’ils se rassurent, il y aura toujours une trace de l’empreinte Peugeot, quoi qu’il arrive. Et cette trace, c’est Auguste Bonal, l’un des dirigeants de Peugeot pendant l’entre-deux-guerres, qui l’a laissé à tout jamais en donnant son nom au stade des Lionceaux. On est en 1925 quand l’ingénieur de vingt-sept ans débarque en Franche-Comté. « Il est né à Sèvres, en région parisienne, et n’avait aucune attache familiale dans la région de Sochaux. Il est venu ici exclusivement pour Peugeot » , explique Fabien Dorier, auteur de trois livres sur l’histoire du FCSM.

Directeur sportif un peu par hasard

Dans les années 30, la frontière est poreuse entre Peugeot et le club. Une majeure partie des cadres de la société se retrouvent quelque part liés au club.

Trois ans après son arrivée, deux collègues d’Auguste Bonal, Louis Maillard-Salin et Maurice Bailly, fondent le FC Sochaux, avec l’appui rapide de Jean-Pierre Peugeot. Bonal, comme tout les autres salariés de la société, se passionne rapidement pour le club de football, dont les résultats donnent vite satisfaction. « C’était quelqu’un de dynamique, qui aimait et qui faisait du sport » , raconte Fabien Dorier. En 1933, en parallèle de son poste de directeur d’usine, il entre alors au comité directeur du club du FCSM. « Dans les années 30, la frontière est poreuse entre Peugeot et le club. Une majeure partie des cadres de la société se retrouvent quelque part liés au club » , détaille l’auteur. Mais avant la guerre, Auguste Bonal ne semble s’impliquer pas concrètement dans le club. Son rôle paraît relativement symbolique. C’est donc véritablement pendant la Seconde Guerre mondiale que l’histoire entre Bonal et le FCSM s’écrit.

En 1942, il devient le directeur sportif du club, « parce qu’il fallait bien que quelqu’un s’y colle à ce moment-là » . Pour dépanner en temps de troubles, Bonal prend alors une autre dimension au sein du FCSM, pour maintenir le club en vie. Mais rapidement, il se trouve d’autres chats à fouetter du côté de Peugeot. L’usine se trouvant en « zone interdite » , elle est réquisitionnée en 1943 par les Allemands. Fini les voitures, Peugeot construit désormais du matériel de guerre et des chars d’assaut pour les nazis. Les alliés se rendent alors compte que l’usine Peugeot est devenue une pièce maîtresse pour les industriels allemands, et décident de la bombarder. Mais à l’époque, la frappe n’est pas chirurgicale, et de nombreux civils meurent dans ces bombardements. La résistance locale fait alors la promesse aux Alliés de saboter le matériel allemand, pour éviter d’autres victimes collatérales.

Sabotage et déportation

En tant que directeur de l’usine d’emboutissage, Bonal organise alors l’instruction lente des commandes pour être le plus improductif possible et le sabotage des machines. Fabien Dorier : « Les Allemands s’en sont rendu compte, alors ils l’ont convoqué, lui et d’autres directeurs d’usine, à de multiples reprises pour le menacer. Finalement, le coordinateur de tout ça, Ferdinand Porsche, a obtenu l’autorisation de les déporter. » Auguste Bonal et sept autres directeurs d’usine sont alors déportés en 1944. Baladé entre Besançon, Dijon et l’Alsace, il finit au camp de Schömberg, dans le sud de l’Allemagne. Le 18 avril 1945, pressés par les arrivées des Alliés, les Allemands vident le camp pour emmener les détenus vers l’Autriche. Lors de cette « marche de la mort » , il parvient à s’enfuir avec un compagnon d’infortune, mais est vite rattrapé. Ainsi, le 23 avril, il est fusillé à Bad Waldsee, à quinze jours de la capitulation officielle de l’Allemagne. Il est enterré sur place. Peugeot fait alors tout son possible pour retrouver et rapatrier le corps en France. À peine deux mois plus tard, en juillet, le stade de la Forge est rebaptisé stade Auguste-Bonal, en sa mémoire. Comme une évidence.

Comment aurait pu s’appeler le stade Auguste-Bonal :

Le stade Louis Maillard-Salin, du nom du fondateur et premier président du FCSM. Le stade Ryad-et-Marvin, parce qu’il n’y a rien de plus beau que l’amitié. Le stade Étienne-Mattler. Capitaine emblématique et double champion de France avec Sochaux dans les années 30, il a également été déporté pendant la guerre pour résistance. Sauf qu’il a réussi à s’échapper par la Suisse et à revenir au club pour devenir entraîneur-joueur. Costaud. Le stade Mickaël-Isabey. Plus de vingt ans de football dans les pattes, toujours en Franche-Comté. Le stade Jean-Claude-Plessis. Neuf ans, trois titres, deux finales, et des matchs de Coupe d’Europe. Beau bilan.
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