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Un Euro 2016 en béton ?

Par Nicolas Kssis-Martov
6 minutes
Un Euro 2016 en béton ?

Mercredi dernier, la billetterie de l'Euro a été ouverte. Une nouvelle quelque peu éclipsée par les secousses sismiques du FIFAgate et surtout le périple aérien et familial de notre Premier ministre entre Poitiers et Berlin. Mais promis, ce ne sont certainement pas ces vagues considérations mesquines et secondaires qui vont venir gâcher la belle fête promise à la France par son fils prodigue, notre héros national Michel Platini, en passe de sauver le foot mondial et le quinquennat de Hollande. Pourtant, le souvenir de 1998, liesse républicaine réconciliatrice et communion disco gay-friendly à la clé, peut difficilement dissimuler à quel point nous avons changé d'époque. L'Hexagone vit plus à l'heure des comptes que des lendemains qui chantent. Surtout avec David Guetta pour composer l'hymne de la compétition....

L’histoire a bon dos. Et les parallèles douteux aussi. Avant d’aller creuser du côté de 98, il serait déjà plus judicieux de remonter en 1984. Une France « socialiste » qui doute, une économie patraque qui ne digère toujours pas la crise, un chômage anxiogène, un déclin jugé irréversible. Sans oublier que l’équipe de France traîne encore sa gueule de bois post-Séville 82 et qu’elle s’est même pris une branlée amicale – un match au profit de l’UNFP, il fallait bien recourir aux bonnes œuvres en ces temps de disette – par la Pologne au parc des Princes, un petit 4-O. La victoire n’en sera, de ce point de vue, que plus jouissive deux ans plus tard. Mais, à ceux qui misent sur un dynamisme post-triomphe sportif, les leçons de cette glorieuse épopée qui accrocha le premier titre international au palmarès tricolore, devraient conduire à un peu plus de prudence dans les promesses vite balancées devant les micros. Malgré une organisation sans faille, un réel engouement populaire – un Vélodrome en feu notamment – et un scénario idéal pour les Bleus, avec juste ce qu’il faut de suspense en demies contre le Portugal, un mois à peine après la finale, Laurent Fabius récupère le poste de Premier ministre, imposant le tournant « droitier » de la rigueur. La branlée du PS en 86 démontra qu’on ne sauve pas un bilan avec une coupe. Coté symbolique, c’est guère mieux, le FN entre à l’Assemblée nationale. Niveau porte-monnaie, la situation ne s’embellit guère, et le redémarrage ne sera pas franchement au rendez-vous. François Hollande aurait bon goût de méditer cette leçon, y compris en cas d’une fort improbable réussite de nos joueurs. Au fur et à mesure que la date fatidique approche, les risques se révèlent finalement plus grands pour lui que les opportunités d’en tirer profit. En obtenant l’organisation de l’événement, la droite lui a peut-être même tiré, sans le savoir, une balle dans le pied. Au même titre que l’amour du Barça vient de faire trébucher un Manuel Valls sûr de lui et dominateur, la foi toute enfantine de notre président dans la beauté du football peut le faire chuter. Si cela est encore possible de descendre plus bas, bien entendu.

Adrénaline financière

Naturellement, tous les promoteurs et défenseurs de cette grande messe de l’UEFA qu’est l’Euro 2016 mettront en avant les effets attendus. L’ampleur d’un Euro en 2016 n’a plus rien de commun avec les aimables tournois des années 80. Construire des stades, avec les nouveaux cahiers des charges si exigeants de l’instance européenne, injecte forcément une bonne dose d’adrénaline financière, et autant d’emplois induits par la montée de l’extase économique. Avec en principal client, un puissant secteur du BTP, le seul qui arrive pour l’instant à s’enrichir dans le foot. Une bonne vieille recette keynésienne finalement, au cœur d’une ambiance si « libérale » , où l’argent public aurait pour vocation première de relancer la machine bâtisseuse comme aux heures cruciales de la reconstruction d’après-guerre. En outre, une compétition à 24 participants, en Europe qui plus est, c’est autant de supporters et touristes potentiels découvrant non seulement la beauté incomparable de notre capitale – certes pas franchement en manque de fréquentation ni de prestige – mais aussi le charme de Lens ou de Lyon. Et n’oublions pas le fameux bonus « moral au beau fixe » en cas de beau parcours des Bleus, dont désormais les espoirs, dans tous les sens du terme, se dénomment Fekir, Lacazette ou Ntep. Les éternels mauvais coucheurs expliqueront en retour qu’aucune étude sérieuse ne garantit un effet dopant sur l’économie nationale concernée, ou que de nombreux visiteurs par exemple avaient fui « Londres » lors des derniers JO par peur des désagréments et de la surenchère des prix des hébergements. Et surtout que bâtir des écoles, crèches et hôpitaux génèrent également son lot de CDD ou de CDI. Le bilan de l’Euro aura, de ce point de vue, quelques inévitables conséquences sur la candidature parisienne pour 2024.

Les éléphants blancs

Car le seul paramètre connu pour le moment demeure l’explosion, au fil des exercices comptables, du coût annoncé au départ – comme c’est toujours le cas pour ce type de grands événements sportifs. Si l’État a su encadrer son engagement direct (un peu plus d’une petite centaine de millions d’euros) en ponctionnant un CNDS censé subventionner les associations de quartier, les collectivités locales et territoriales, elles, n’ont pas fini de cracher au bassinet. Et notamment celles qui ont opté pour des PPP (partenariats privé-public). Ainsi, Marseille aura rénové sa mythique enceinte à hauteur de 534 millions quand, du côté de Bordeaux, l’addition clignote à 350 bâtons. Et même l’OL land, vanté pour son abondement « tout privé » , fut accompagné de frais (transports, etc) annexes frôlant les 200 millions. Évidemment, ces dix stades, faits ou refaits à neuf, vont permettre au foot tricolore de rattraper son retard en matière d’infrastructures – vieille complainte de la LFP de môssieur Thiriez. Il sera donc difficile ensuite pour ce dernier de se plaindre de l’ingratitude du contribuable, qui en déboursant environ 2,5 milliards d’euros (à en croire l’estimation du site « Hexagones » ), aura pour le moins jouer son rôle de douzième homme. La taxe à 75% semble bien loin, et à ce tarif, tout résident français peut réclamer, nouveau-né compris, une place gratuite… Aux clubs de L1, ou de L2 (tel le RC Lens), de remplir leur tribunes, sans quoi ils pourraient se trimbaler ces fameux « éléphants blancs » . Soit d’immenses stades vides, qui feraient mauvais genre dans le panorama d’un foot français qui aime tant vanter son sens de la mesure.

La boutique « platinienne »

Nulle inquiétude néanmoins. Aucun sursaut « citoyen » , comme aime le croire et l’invoquer une gauche de gauche toujours convaincue que le bon peuple est juste mal informé, ne réclamera de justice « sociale » ou juridique, en soulignant au stabilo jaune les abus en tout genre qui ont permis ce joli gonflement de l’enveloppe. Alors même que les collectivités sont invitées à réduire la voilure dans tous les services, aussi vitaux soient-ils… Pas plus que l’exonération fiscale dont bénéficiera la « pauvre » UEFA durant la compétition (sauf pour la TVA, ndlr) n’empêchera grand monde de dormir. Soyons juste, la boutique « platinienne » va malgré tout reverser 20 millions aux villes qui accueillent sa compétition (Alain Juppé avait haussé le ton cela dit, comme quoi nos politiques savent se faire écouter, ça fait plaisir). Des chiffres à reporter au milliard de droits télés qu’elle espère engranger l’an prochain. À côté, Jack Warner passe aisément pour un mendiant pris la main dans la poche d’un quidam. L’UEFA ne tombera pas cette fois donc, même si de vilains journalistes essaient de gâcher la fête. Les affaires qui, par exemple du côté de Lille, sont en cours d’investigation ne devraient pas non plus provoquer de tsunami anti-corruption dans un pays où chacun sait qu’on ne fait pas « ce genre de choses » . L’Euro 2016 est en béton, celui de Bouygues, Vinci et Eiffage.

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