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Un derby basque à l’accent catalan
Entraîneurs en vogue outre-Pyrénées, Eusebio Sacristán (Real Sociedad) et Ernesto Valverde (Bilbao) ramènent le Pays basque au centre du panorama de la Liga. Une réussite qui presse le FC Barcelone, club où ils ont été coéquipiers, à se pencher sur leur cas pour succéder à Luis Enrique.
Depuis longtemps, le derby basque se mue en montagne qui accouche d’une souris. Toujours attendues, toujours décevantes, les retrouvailles entre Athletic Bilbao et Real Sociedad se caractérisent par un spectacle navrant et une pluie de coups. Un constat qui, tout de même, prend du plomb dans l’aile depuis l’intronisation d’Eusebio Sacristán sur le banc txuri-urdin en novembre 2015. Depuis, les deux Euskal Derbia disputés, en basque dans le texte, accouchent de rencontres monstres après une série de quatre matchs nuls (à tout point de vue) consécutifs. Ce revirement de duels soporifiques vers des affrontements de haute volée tient pour principaux instigateurs les deux entraîneurs de l’Athletic et de la Real. Tout sauf une surprise puisque Ernesto Valverde comme Eusebio Sacristán, un temps coéquipiers blaugrana, prônent un football de mouvements et inculquent à leurs ouailles une philosophie commune, celle qu’ils apprennent au FCB. Les décideurs barcelonais, départ programmé en juin prochain de Luis Enrique oblige, s’apprêtent à scruter ce derby de près, eux qui placent ces deux maîtres tacticiens parmi les favoris pour occuper le banc du Camp Nou.
L’héritage de la dream team de Cruyff
La saison 1988/89 ne s’entame pas sous les meilleurs auspices pour le FC Barcelone. L’institution barcelonaise, qui traverse quelques mois plus tôt l’une des plus graves crises de son existence, sort en claudiquant du fameux Motin del Hesperia. Cet épisode clôt alors un chapitre de l’histoire du Mes que : face à l’intransigeance du président Nuñez, treize joueurs ainsi que l’entraîneur déguerpissent et, par ricochets, entraînent un gigantesque chantier au sein du vestiaire blaugrana. C’est donc dans cet environnement que débarquent, en même temps que leur nouveau mentor Johan Cruyff, Eusebio Sacristán et Ernesto Valverde, respectivement en provenance de l’Atlético de Madrid et de l’Espanyol. Deux saisons durant, les deux hommes vivent les prémices de la dream team de 1992 et se nourrissent des préceptes du Hollandais volant. Un cran plus faible que son cadet de deux mois, Valverde quitte le navire azulgrana deux ans après son arrivée pour retrouver du temps de jeu chez l’Athletic Bilbao. A contrario, Eusébio s’installe comme un inamovible du système cruyffien et reste jusqu’en 1995 sur les bords de la Méditerranée.
Sacristan a fait mieux que Guardiola et Enrique à la tête du Barça B
Cette longévité au sein du Barça permet au natif de La Seca, bourgade proche de Valladolid, de tisser d’étroits liens avec la direction sportive. Si bien qu’une fois ses crampons rangés en 2002, il intègre illico le staff de l’équipe première. Assistant de Frank Rijkaard, puis en charge de l’équipe réserve des Blaugrana, il connaît toutes les étages de l’institution, que ce soit avec les stars ou les joueurs issus du centre de formation. Il réussit l’exploit de faire mieux que Pep Guardiola et Luis Enrique à la tête du Barça B… Autant d’expériences différentes qui lui permettent de maîtriser l’almanach du parfait Culé.
Malgré une parenthèse moins riche du côté de la cité de Gaudi, Ernesto Valverde conserve dans son coaching une sensibilité des plus barcelonaises qu’il applique lors de ses expériences d’entraîneur. « La manière que Cruyff avait de voir le football a marqué de nombreux entraîneurs en activité aujourd’hui, martèle-t-il à l’annonce du décès du Néerlandais. Il était dur, exigeant et perfectionniste. Pour ma part, j’essaye de suivre ce credo. » Un filon qui marche, à en croire le parcours sans faute de l’actuel tacticien de Bilbao.
Supercoupe d’Espagne et meilleure saison de l’histoire
Considéré par Cruyff en personne comme le meilleur entraîneur espagnol de sa génération – hormis son fils spirituel Guardiola –, Ernesto Valverde réussit l’exploit de faire mieux que son prédécesseur Bielsa à la tête de l’Athletic. Abonné à la Ligue Europa, Bilbao glane même son premier titre du siècle après une victoire en Supercoupe d’Espagne face au Barça…
Quelques kilomètres à l’est, du côté de San Sebastián la bourgeoise, le bilan d’Eusébio frôle également la perfection. Appelé en pompier de service pour prendre la relève de David Moyes, il remet la tête de ses protégés à l’endroit jusqu’à réaliser, pour le moment, le plus bel exercice de l’histoire de la Real en Liga. À l’instar de son confrère basque, il applique la recette catalane, à savoir un jeu tout en mouvement accompagné d’un pressing haut et d’un apport considérable du centre de formation. Tous deux présents dans le trio de favoris pour succéder à Luis Enrique, ils devront déjà se départager lors de ce derby basque, même si la piste Valverde, dont la prolongation avec l’Athletic est au point mort, semble bien la plus chaude.
Par Robin Delorme