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Un clean sheet, s’il vous plaît
Quatre jours après avoir pris un coup sur la tête au Stade de France, les Bleus ont plutôt intérêt à gagner ce mardi après-midi contre la Russie (17h50). Et pour marquer le coup et oublier la vilaine prestation défensive de vendredi soir, ramener un clean sheet de Saint-Pétersbourg serait une sacrée bonne idée.
Le français est une langue assez riche pour que l’on puisse choisir entre cinq ou six mots pour désigner la même chose. Mais le dictionnaire regorge aussi de mots qui ont beaucoup trop de définitions, et qui peuvent qualifier tout et n’importe quoi. Allez expliquer le concept du « vers » à quelqu’un qui apprend la langue de Molière depuis quelques mois. Est-ce qu’on parle d’asticots pour la pêche ? De poésie et d’alexandrins ? Ou bien faut-il aller vers tel ou tel endroit ? Le sac de nœuds est total. Le mot « perdre » , lui, est plus simple à comprendre. Concept universel qui n’a pas besoin d’un vocabulaire trop complexe pour être expliqué, la défaite se contente de peu. Quand on perd, on perd. Point. Une tête baissée, quelques coups dans une porte pour se défouler, et on rentre à la maison. Mais heureusement pour la marche du monde, les choses ne sont jamais toutes noires ou toutes blanches et il existe des nuances partout, même quand il s’agit de perdre. Par exemple, on n’envoie pas le même message en tombant les armes à la main après un combat acharné qu’en mangeant un 2-3 alors qu’on menait 2-0 au bout de 25 minutes. Sauf que ce postulat s’applique aussi dans le sens inverse, quand on doit gagner. En effet, on ne lève pas les bras sur la ligne d’arrivée de la même manière selon qu’on l’emporte comme un champion ou comme un patachon.
Jukebox
Vendredi dernier, les Bleus sont passés pour une belle bande de pipes en laissant les Colombiens leur en coller trois de suite. Sur le premier but, on se demande encore ce qu’a voulu faire Lloris. Sur le deuxième, c’est Kanté qui se fait avoir bêtement. Quant à Umtiti, il a osé jurer sur Téléfoot en parlant du penalty qu’il a provoqué : « Pour moi, je touche le ballon et je n’ai pas la sensation de toucher sa cheville » , alors qu’il reste encore des petits morceaux de la jambe d’Izquierdo sur les murs du stade de France.
Entre-temps, en début de deuxième période, une perte de balle abominable de Varane aurait très bien pu en coûter un de plus. La dernière fois que l’équipe de France avait pris trois buts ou plus, c’était en juin 2015 contre la Belgique. À un an de l’Euro, on ne s’était pas inquiété plus que ça pour un gentil petit match amical pré-vacances d’été. Sauf qu’une contre-performance à trois mois d’une Coupe du monde, ça la fout mal. Les Bleus ont une charnière composée du défenseur titulaire du Real et du défenseur titulaire du Barça, et ils ne sont pas foutus de dégager la moindre assurance. La suite logique comme après chaque faux pas, c’est la relance des débats sans fin sur les choix du sélectionneur, comme si chaque but encaissé était une pièce de plus dans le jukebox.
Message fort
Laurent Koscielny n’a pas joué une seule seconde contre la Colombie, alors il a le bon rôle, celui du type qui ne s’est pas mouillé. Suffisant pour le remettre en selle et pour qu’une partie de l’opinion publique demande son retour dans le onze. Pas très propre sur l’ouverture du score, Lloris a lui aussi droit à sa volée de bois vert. Et comme à chaque fois que l’ancien Lyonnais est un peu moins bon, la machine pro-Mandanda se remet en branle pour propulser son Steve adoré entre les poteaux. Une bien belle débauche d’énergie inutile. Car tout le monde sait que Didier Deschamps est un pragmatique, voire même un conservateur pour ceux qui aiment les grands mots. Umtiti et Varane ont beau n’avoir été alignés ensemble que cinq fois par DD, ils ont huit chances sur dix de composer la charnière qui commencera les matchs au Mondial.
Ne parlons même pas d’Hugo Lloris qui a lui onze chances sur dix d’être gardien titulaire. Si on ajoute Sidibé, là contre la Colombie et quasiment assuré d’être le latéral droit numéro 1 à la Coupe du monde (il a été le joueur le plus utilisé par DD lors des éliminatoires), la conclusion est peu rassurante : les Bleus ont pris trois buts en jouant avec 80% du bloc défensif qui sera le leur en juin. Seul manquait Benjamin Mendy dont le couloir était occupé par Lucas Digne face à la Colombie et qui devrait revenir dans les prochaines semaines. Alors même si Deschamps fait tourner ce soir et qu’il décide d’utiliser Pavard, Hernandez ou Kimpembe, il enverrait un message fort en s’offrant un clean sheet. Un anglicisme qui ravira même ceux qui défendent la richesse de la langue française.
Par Alexandre Doskov