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Wahi-Lens, et maintenant ?
Présenté sur les hauteurs d’un Bollaert ensoleillé en août 2023, Elye Wahi, recrue la plus chère de l’histoire du RC Lens, va quitter le Nord un an plus tard.
L’histoire avait commencé comme dans un rêve de gosse : un début de soirée d’été, du soleil, un stade plein, un maillot levé frappé du numéro 9, des milliers de gens qui hurlent. Au fond, que demander de plus quand on a 20 ans ? Pas grand-chose, si ce n’est, peut-être, que tout ça ne brouille pas les regards posés sur soi et que l’on reste avant tout ce qu’on est : un jeune loup qui continue d’apprendre, sortant alors de sa deuxième saison complète en Ligue 1, et ce, dans un tout autre contexte. On le sait, le foot ne fonctionne pas comme ça, et en signant à Lens, le 20 août dernier, juste avant un Lens-Rennes (1-1), Elye Wahi, recrue la plus chère de l’histoire du club nordiste (30 millions d’euros), qui était pisté par un paquet de belles écuries, n’a tout à coup plus été tout à fait quelqu’un, mais quelque chose. À savoir : ni plus ni moins que le porte-flingue en chef d’une meute venant de terminer brillamment juste derrière le PSG, s’apprêtant à disputer sa première phase de poules de Ligue des champions depuis 20 ans et venant de céder son ravageur de défenses, Loïs Openda, à Leipzig, après seulement une saison en France. Pas une petite mission, donc, d’autant qu’il ne faut pas oublier que Wahi est arrivé dans le 62 dans un contexte interne aussi agité qu’annonciateur de soucis futurs.
Grégory Thil, spécialiste du poste de tueur de surfaces et alors directeur technique du RC Lens, a galéré à boucler le dossier du remplaçant d’Openda et n’était pas convaincu par le profil du jeune attaquant français, dont le prix a d’abord été très loin des standards du club. L’arrivée d’un actionnaire majoritaire (Side Invest), la reprise du dossier brûlant par le directeur général Arnaud Pouille et, surtout, la grande urgence de la situation ont finalement fait pencher la balance, même si, rapidement, Joseph Oughourlian, le big boss nordiste, dira à France Bleu Nord : « Ce qu’il se passe à la fin de l’été, c’est qu’on doit décider de faire un dépassement de budget substantiel. Ce n’est plus de l’ordre de la direction technique, c’est une décision du club. Est-ce qu’on prend des risques financiers ? J’étais à New York, il était 4h du matin, on s’est parlé avec Arnaud… La question est simple : le club va-t-il dépenser ce type de montant pour Elye Wahi ? C’est une décision qui revient à l’actionnaire. Dans mon esprit, je sais que le club doit passer une marche pour devenir un outsider du top 8. On est alors sur le point de jouer la Ligue des champions, on ne pouvait pas la jouer sans un attaquant digne de ce nom. C’est la décision qu’on doit prendre, […] mais je n’aurais pas pris ce risque financier sans cette injection de capital. […] On a peut-être sous-estimé l’impact de la transaction d’Openda. En le vendant à un prix aussi élevé, nous avons créé une espèce d’anticipation de la part des clubs qui voulaient nous vendre des attaquants. Et cela nous a freinés dans le recrutement d’un numéro 9. »
Toujours un jeune loup
Un peu moins d’un an plus tard, voilà le tableau : Wahi vient d’être officiellement placé sur le marché par le club sang et or, 7e de la dernière Ligue 1 et qui a décidé de changer de projet, Oughourlian sifflant en début de semaine le retour à « plus de rigueur financière » et voulant « retrouver l’intelligence sportive perdue depuis le départ de Florent Ghisolfi (à l’automne 2022) ». Naturellement, l’un des plus gros salaires du vestiaire (210 000 euros brut mensuels, soit autant que Brice Samba, international A) a été visé et pour plusieurs raisons. Elye Wahi reste, d’abord, un jeune attaquant avec des qualités fortes, loin d’être fini, qui doit, bien sûr, régler pas mal de choses, notamment dans son jeu sans ballon, ce qui est logique à son âge et ce qui lui permet de conserver aujourd’hui une belle réputation dans le circuit alors que son contrat court jusqu’en juin 2028. Ensuite, le RC Lens nouveau, qui a acté l’échec de ce transfert compte tenu de son timing et de l’argent investi, ne peut plus du tout se permettre d’avancer avec des roues aussi chères et lundi, Joseph Oughourlian ne s’en est pas caché, confiant dans le même temps que cette lourde étiquette n’avait pas du tout aidé Wahi dans son intégration.
Attention, 12 buts et 4 passes décisives en 36 matchs disputés toutes compétitions confondues reste très correct, d’autant plus si on ajoute le fait que le natif de Courcouronnes a été le 3e joueur français le plus précoce dans l’histoire à dépasser les 40 buts en Ligue 1 derrière Karim Benzema et Kylian Mbappé. À ça, il faut ajouter qu’Elye Wahi aura su sortir quelques belles copies (face à Arsenal, en C1, à Strasbourg, à Lyon ou contre Montpellier), qu’il aura été décisif dans les derniers mètres de la saison, qu’il n’aura jamais posé les armes malgré les sifflets souvent entendus à Bollaert, cet hiver notamment, et que Franck Haise l’aura toujours protégé. Le fait est qu’aujourd’hui, alors que Thierry Henry ne l’a pas inclus dans sa préliste pour les JO, le futur ex-Lensois est, comme son club, à un virage qu’il sera clé de négocier, dans le calme, avec un regard posé sur lui qui sera certainement plus conforme à ce qu’il est : encore et toujours un jeune loup qui continue d’affûter ses griffes.
Un PSG-Lens particulièrement sous tensionPar Maxime Brigand