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Ultras : la relève est là

Par Julien Duez et Adrien Hémard
Ultras : la relève est là

La multiplication des incidents dans les stades en France et en Europe depuis le début de saison a contribué à ternir de nouveau l’image des supporters ultras. Pourtant, les jeunes sont toujours aussi nombreux dans les kops, et leurs parents jouent souvent un rôle prédominant dans cette transmission.

Article issu du n°78 de So Foot Club, toujours en kiosque

Le soleil se couche doucement sur Marseille en ce début de soirée d’automne. Il est 18h ; dans trois heures, l’OM affronte la Lazio au stade Vélodrome pour la 4e journée de Ligue Europa. Mais comme souvent, les supporters marseillais n’attendent pas de prendre place en tribune pour donner de la voix. Au pied du stade, le long du boulevard Michelet, une petite centaine d’ultras se chauffent les cordes vocales. Fumigènes, feux d’artifice et chants : les Phocéens révisent leurs classiques. Sauf que pour une fois, le capo – la personne chargée de lancer les chants – détonne : Mathis, 10 ans, assure sa mission perché sur les marches du parvis, assisté de son petit frère Arthur, 7 ans. « On était en vacances dans le Sud. On en a profité pour les emmener au Vélodrome. On organise souvent les vacances en fonction du calendrier de l’OM », témoigne Dominique, le père des deux bambins, tout en observant la scène avec son épouse. Amoureux de l’OM, ce commerçant de Besançon était même du voyage lors des finales de Ligue des champions 1991 et 1993. Mais il l’assure : il n’a jamais été ultra. Alors, comment ses fils sont-ils tombés sous le charme ? « C’est surprenant de voir les petits s’approprier tout ça, c’est rigolo, c’est beau ce qu’ils font à leur âge », apprécie le père, qui précise que c’est surtout par internet et les matchs au stade que ses fils ont appris les chants et symboles des virages du Vélodrome. « Ils préfèrent regarder les tribunes que le match. À la maison, les petits font des tifos, des drapeaux, des tambours, ils inventent des chansons. Un de leurs cousins plus âgé leur a appris les chants. Ils les chantent tout le temps. » Et voilà comment deux gamins de Franche-Comté deviennent petit à petit des ultras marseillais, alors même que leur père n’a jamais mis un pied en virage. Un exemple symptomatique d’une jeunesse qui est loin de se désintéresser du monde des ultras.

Un environnement à connaître

Reprenons depuis le début. Car avant d’aller s’égosiller dans le kop d’un stade et de se muscler les avant-bras en agitant un drapeau pendant une heure et demie, il y a une étape primordiale : s’intéresser un minimum au foot. Et pour cela, les parents jouent un rôle capital, parfois même sans s’en rendre compte. Dans le bassin minier, autour de Lens, Jérémy, membre des Red Tigers, est papa d’une petite fille de 5 ans, déjà amoureuse des Sang et Or. « Quand tu es supporter, ça se voit chez toi, quand tu vas au stade et que ta gamine te voit partir avec la tenue sur le dos. Elle me pose des questions sur le RCL depuis qu’elle a 3 ans. Et puis les enfants fouillent dans les affaires, détaille le Lensois, ému. Récemment, elle m’a dit qu’elle voulait faire du foot pour que je vienne la supporter comme à Bollaert. » Sans surprise, grandir dans une maison de footeux influe sur les goûts de l’enfant. À Reims, Laurent a ainsi indirectement transmis sa passion à son fils Damien par les posters, fanions et livres sur le Stade de Reims : « On regardait aussi les matchs à la TV, sans le forcer il a été amené tout doucement vers le foot. Pendant la Coupe du monde 2006, il a été marqué par l’effervescence dans la rue, par le côté ferveur. On a commencé à écouter les matchs à la radio, puis je me suis dit qu’il fallait que je l’emmène au stade. »

À la maison, les petits font des tifos, des drapeaux, des tambours, ils inventent des chansons.

Un soir de 2008, Laurent emmène donc son fiston voir un obscur Reims-Dijon en Ligue 2. Et là, c’est le coup de foudre : « D’entrée de jeu, il était plus attiré par les ultras qui chantaient en tribunes que par le match. C’était son truc, c’était limpide. » En moins d’un an, Laurent et son fils migrent vers le kop : « Je n’ai rien fait de volontaire pour le rapprocher des ultras, c’est lui qui a été séduit tout de suite par cet aspect du foot. » Dans ce cas, c’est même le fils qui a initié le père au monde ultra : « Je suis le Stade de Reims depuis 1978, mais je ne suis Ultrem que depuis 2012. Si lui n’avait pas été attiré par le kop, je n’aurais pas insisté pour l’y emmener. C’est plus lui qui nous en a rapprochés. » Un exemple pas si surprenant, même si la majorité des enfants présents dans le kop le sont parce que les parents en sont des habitués, ou s’y sont rencontrés. À l’image du Lensois Jérémy : « Nos enfants, on les fait rentrer avec les stadiers, ils ne payent pas. Ils sont trop petits pour prendre un abonnement. » Pour l’instant, le Red Tiger se contente d’amener sa fille aux matchs de futsal de son groupe ultra, pour l’habituer petit à petit : « Elle connaît les tribunes, elle sait ce que c’est, maintenant elle veut être en Marek (le kop lensois, NDLR). Elle a déjà fabriqué ses drapeaux. Elle a déjà le bob, l’écharpe et le drapeau. Un jour, elle va aller à Bollaert, elle me le demande, mais elle est encore trop petite à mes yeux. » D’autres n’hésitent pas à franchir le pas, comme Mathieu Jacquot, capo des Ultras Auxerre, qui a emmené sa première fille dans le kop dès ses 3 ans : « On se mettait sur les côtés, un peu éloignés du noyau, il n’y avait pas de danger. Et puis progressivement, on s’est rapprochés du centre. Elle est déjà venue sur la nacelle avec moi, elle a aussi vécu son premier déplacement, un truc « safe », au Paris FC. » Un peu plus à l’est, à Strasbourg, Grégory Walter a attendu encore moins longtemps pour faire découvrir la Meinau à ses bambins : « Je les emmène au stade depuis qu’ils ont 15 jours. On a commencé à l’écart du kop pour s’en rapprocher progressivement et aujourd’hui, on est dans la partie basse du virage, juste en dessous des ultras. En revanche, en déplacement, on est en parcage », détaille ce mordu du Racing, pour qui il a parcouru l’équivalent de presque treize tours du monde et écrit deux ouvrages afin de raconter sa passion.

Se pose alors une autre question : devenir parent change-t-il sa façon d’aller au stade ? Pas pour Grégory et son épouse, qui se sont justement rencontrés à la Meinau et qui restaient sur dix ans de Grand Chelem (un défi de supporter qui consiste à assister à tous les matchs de la saison, à domicile comme à l’extérieur) avant d’accueillir leur premier enfant. « Ce n’est que progressivement qu’on s’est mis à faire quelques déplacements avec Robin, et comme ça s’est bien passé, on les a tous fait ensuite et on a continué après l’arrivée de sa sœur Charlotte. Mais avant, un déplacement sur deux, c’était compliqué de rentrer parce qu’on avait une poussette », resitue le Strasbourgeois. « Aujourd’hui, on n’a plus ce problème et aller voir jouer le Racing, c’est devenu quelque chose qui rythme notre vie de famille. Les déplacements ne se font plus à l’arrache, on prend le train, on réserve à l’hôtel, ça nous fait une activité tous ensemble. » Pour les ultras plus investis, l’arrivée d’un enfant peut aussi marquer le début d’une prise de recul sur la vie du groupe : « Quand la paternité te tombe sur le coin du museau, tu dois réorganiser certaines choses, pour passer plus de temps avec ta famille et tes enfants. Mais ça ne signifie pas pour autant qu’il faille oublier d’où tu viens et laisser tomber quelque chose qui te tient à cœur et dans lequel tu es engagé depuis longtemps », témoigne Mathieu, le capo auxerrois.

Aller voir jouer le Racing, c’est devenu quelque chose qui rythme notre vie de famille. On prend le train, on réserve à l’hôtel, ça nous fait une activité tous ensemble.

Un rôle protecteur envers les jeunes

Puis vient le jour J : celui où l’ultra vibre aux côtés de sa progéniture dans le kop. « Avoir une passion commune père-fils, c’est le top. Il n’y a pas mieux, savoure Laurent le Rémois. Forcément, la maman doit être un peu jalouse des fois, mais elle trouve ça génial aussi de voir son mari avec son fils. Et puis plus jeune, ça la rassurait de savoir que j’étais avec lui dans ce mouvement ultra, qu’il n’y était pas seul. » Jérémy confirme sobrement : « Il n’y a rien de plus beau. » Pour le Lensois, le stade est avant tout un outil éducatif majeur : « Je suis fier de lui montrer que dans un stade, on est tous pareil, qu’on n’a pas de différences. Le stade a un côté populaire, humain. Les médias en général retiennent le mauvais, mais le monde des tribunes porte de belles valeurs d’entraide, de solidarité, de fidélité, de respect malgré les rivalités… Ce sont des valeurs qu’on essaye d’inculquer à nos enfants tous les jours. Le monde des tribunes fait grandir nos enfants. »

De belles valeurs qui n’empêchent pas les mouvements de foule, insultes et violences qui peuvent dissuader les parents de laisser leurs enfants gambader en tribune ultra. « Tes gamins, c’est ta chair, donc tu fais deux fois plus attention quand tu les emmènes. Mais les gars du noyau sont aussi hyper protecteurs, ils se découvrent un rôle de maman-poule », assure Mathieu des Ultras Auxerre. Un rôle protecteur qui vaut aussi pour tous les jeunes – souvent des ados – qui se rapprochent du kop sans les parents. Car ce sont eux la relève, et il faut en prendre soin, comme le font Jérémy et les Red Tigers : « On a beaucoup de jeunes qui arrivent dans le groupe d’eux-mêmes. On sent un gros boom. Ils sont séduits par ce côté bloc, le fait d’être tous ensemble avec les drapeaux, fumis, tifos. Un kop, ça chante, ça bouge, ça a un côté festif. On a parfois des jeunes un peu paumés, ça leur fait du bien d’être quelqu’un dans un groupe. »

Tous les petits que je vois de 10-11 ans au stade, avec de grands yeux quand on chante, saute… on sait que dans 3-4 ans, ils seront là avec nous.

Pour les anciens, l’important est alors d’éduquer les jeunes aux codes de la culture ultra : le répertoire de chants, la gestuelle en tribune, comment confectionner et agiter un drapeau, bien tenir un fumigène, se comporter en déplacement… « La transmission de la culture ultra passe par l’exemple, les discussions. Les petits, on les fait venir au local, il faut les intéresser, leur montrer qu’ils existent », explique Jérémy. C’est ainsi que la relève se prépare, loin du prétendu désintéressement des jeunes pour le foot : « Chez les Ultrem, quand tu as plus de 25 ans, on te voit déjà comme un ancien ! » se marre ainsi Laurent. Jérémy ne cache pas non plus son optimisme : « On a de plus en plus d’encartés. Les gens s’engagent. Tous les petits que je vois de 10-11 ans au stade, avec de grands yeux quand on chante, saute… on sait que dans 3-4 ans, ils seront là avec nous. L’avenir du mouvement ultra est assuré. »

Retrouvez ici le sommaire du n°78 de So Foot Club
Dans cet article :
Roberto De Zerbi craînt davantage Strasbourg que Lyon
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Par Julien Duez et Adrien Hémard

Tous propos recueillis par AH et JD

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