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- Real Madrid-Bayern Munich (2-2)
Ulreich, portier disparu
Si le Bayern Munich est éliminé, c'est de sa faute. Un blanc cérébral face à Benzema pour précipiter les siens hors de Ligue des champions, et Sven Ulreich fera demain le tour des télés allemandes. Incompréhensible.
La vraie question est là : est-ce un suicide ou un assassinat ? Le cœur du peuple balance. Côté ventricule gauche, d’aucuns souligneront le ballon foireux délivré par un type qui avait pourtant aisément posé ses crampons au milieu de Kroos, Modrić et Kovačić. Bravo Tolisso, coupable d’avoir remis dans l’axe une passe banane vers Sven Ulreich, entraînant la glissade de ce dernier et le doublé de Karim Benzema. Côté ventricule droit, il n’y a qu’à voir les ralentis. Constater avec horreur cette 46e minute, si tant est que les vingt secondes consécutives au coup d’envoi de la seconde mi-temps entre le Real Madrid et le Bayern Munich puissent être considérées comme telle.
Un pressing haut de Toni Kroos, une passe en retrait probablement pas assez appuyée, et surtout, surtout, une cagade de portier disparu. « Je suis convaincu que nous irons à Kiev, disait encore Ulreich dimanche dernier en conférence de presse. Nous pouvons encore mieux jouer que ce que nous avons fait mercredi dernier. » Vrai. Ce que n’avait alors pas prévu le gardien allemand, c’est qu’il oublierait l’espace d’un instant les préceptes d’un loi vieille de 26 ans, et serait la principale raison de l’élimination d’un Bayern qui ne le méritait pas. L’ironie se pose d’ailleurs là : la seule chose qu’a emportée Sven Ulreich en glissant devant Karim Benzema, c’est l’ensemble de ses coéquipiers.
« Une expérience mentale que de ne pas perdre ses nerfs »
Voilà plusieurs semaines que la rumeur en bois devenait architecture bétonnée : et si c’était lui, le gardien de la Mannschaft pour la Coupe du monde ? Même Joachim Löw avait attisé le feu, préparant d’avance un retour hors de forme de Manuel Neuer : « Il est particulièrement fort dans les un-contre-un et s’est également amélioré footballistiquement. » L’ancien portier de Stuttgart (de 2007 à 2015) est un gardien qui touche beaucoup de ballons (35 par match en moyenne en Bundesliga) et qui sait surtout quoi en faire. Manque simplement l’expérience, certes, ce que semblait deviner il y a peu Jean-Marie Pfaff, gardien de la sélection belge et du Bayern entre 1982 et 1988 : « Le match retour au stade Santiago-Bernabéu, pour lui, sera une expérience nouvelle.
C’est une exigence mentale que de ne pas perdre ses nerfs. Il faut qu’il se prépare en connaissance de cause : le danger, on le sait, vient des coups francs, des centres… et lorsqu’il aura le ballon, il devra calmer le jeu, jouer la montre, surtout ne pas entretenir l’excitation. » Et encore moins provoquer la panique. Déjà pas totalement irréprochable sur le premier but de Benzema, pris dans le dos par un centre laser de Marcelo, le voilà donc à confondre passe en retrait volontaire et involontaire en demi-finale de Ligue des champions. De quoi s’en mordre les gants jusqu’à la chair.
Rêve de gosse
On peut aussi y voir le résultat d’un duel perdu face à Navas, de son côté bien sur ses appuis à l’approche du dernier quart d’heure sur une tête à bout portant détournée en corner. Pas d’erreur, et c’est déjà ça. Pas de quoi, non plus, envoyer balader ses performances des six derniers mois, et le statut de « deuxième meilleur gardien d’Allemagne » décernée officieusement par la presse du pays.
Les vidéos tourneront en boucle à Munich, mais l’homme de 29 ans gardera à coup sûr sa place dans l’avion vers la Russie. « Que Heynckes m’accorde sa confiance et me redonne confiance en moi a été d’une importance gigantesque. La confiance, c’est ce qu’il y a de plus important pour un sportif. Si quelqu’un m’avait dit, quand j’étais enfant, que j’allais disputer une demi-finale de Ligue des champions contre le Real, je ne l’aurais jamais cru » , affirmait-il il y a dix jours. Le problème des rêves de gosse, c’est qu’ils ont une fin.
Ulreich distraught and alone pic.twitter.com/28yaVTH7CL
— Rik Sharma (@riksharma_) 1 mai 2018
Par Théo Denmat