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U20 : Un précédant inquiétant pour les JO de Paris
L’élimination piteuse des U20 français en Argentine ne s’avère en soi guère réjouissante. Elle révèle surtout la faiblesse de ces tournois face au pouvoir des clubs. Et cela n’augure rien de rassurant dans la perspective de Paris 2024.
Le sacre des U20 français en 2013, emmenés par Paul Pogba, ne connaîtra donc pas de successeur de sitôt. En dépit d’une victoire à 10 contre 11 (3-1) face au Honduras, les défaites contre la Corée du Sud (1-2) et la Gambie (1-2) avaient de fait déjà scellé le sort des Bleuets. Une élimination dont la cause principale reste évidemment le refus de nombreux clubs de laisser leur joueurs (33 fins de non-recevoir à en croire le sélectionneur) rejoindre l’Argentine. Un blocage tout à fait légitime, puisque cette compétition de la FIFA n’était pas inscrite dans les dates FIFA.
Dans son interview post-Bérézina à L’Équipe, Landry Chauvin n’a pas mâché ses mots, et a surtout mis dans la balance la place privilégiée de l’Hexagone dans le marché international du joueur. « On est prisonniers de l’excellent travail fait par les centres de formation en France, car les jeunes jouent en professionnel plus vite. Je n’en veux pas aux clubs qui sont dans leur droit, mais plutôt à la FIFA. Il suffisait de décaler la compétition de 15 jours, et ça n’aurait embêté personne. » En gros, nos footballeurs sont trop bons trop tôt, voire titulaires, dans les effectifs des divers championnats européens, qui naturellement sont peu enclins à laisser partir leurs poulains à l’autre bout du monde, alors que les saisons ne sont pas terminées. Cela d’autant plus qu’un Mondial U20 n’a malgré tout ni l’aura ni la dimension bankable sur le mercato de son aîné.
Mbappé et les autres
Pour ce qui concerne nos sélections nationales, cet échec inquiète alors que se profile le tournoi – masculin – des JO de Paris 2024 (qui se dérouleront du 26 juillet au 11 août 2024). Personne n’a oublié le fiasco de Tokyo et le long calvaire de Sylvain Ripoll dans l’indifférence quasi générale. Certes, la FIFA s’est construite contre le CIO, et sa Coupe du monde avait d’abord pour ambition en 1930 de saborder les épreuves olympiques du ballon rond. De ce fait, le palmarès des anneaux récompensa surtout les équipes du bloc socialistes et ses faux amateurs soviétiques, yougoslaves ou est-allemands. Par la suite l’acceptation des pros puis enfin celle d’un quota de « plus de 23 ans » tentèrent de rehausser l’intérêt sportif et l’attrait populaire pour cette compétition de seconde zone. Une telle démarche a pu fonctionner occasionnellement, notamment lorsque Neymar a réussi à décrocher à domicile, à Rio, une médaille d’or au Brésil, son seul titre (avec la Coupe des confédérations) avec la Seleção. D’ailleurs, Kylian Mbappé avait lui aussi souligné sur le plateau de Tout le sport son désir de « participer aux jeux olympiques » qui « est un rêve pour [lui] et encore plus ici à Paris ». Il a depuis fortement nuancé son enthousiasme, notamment durant un raout caritatif de l’association Premiers de cordée : « Il y a un club aussi, il y a une équipe nationale, parce qu’il y a un Euro avant, donc il faut discuter… »
Donc, pas davantage que pour les U20, il est impossible de connaître aujourd’hui l’effectif qui viendra défendre nos couleurs sous les anneaux défiscalisés du CIO. Et parmi les principales menaces, il faut se souvenir que l’Euro en Allemagne se tiendra peu de temps avant (14 juin-14 juillet). Les clubs penseront peut-être d’abord au repos ou au retour à l’entraînement de leurs joueurs plutôt qu’à participer à la quête tricolore vers le podium. Qui peut prédire quel maillot portera alors l’actuel parisien et s’il aura la possibilité d’imposer un rapport de force aussi favorable qu’avec le PSG ? La décision officielle de repousser en 2024-2025 le début de la Ligue 1 et de la Ligue 2 au 16 août 2024 minimum a été pensée du côté du ministère afin de faciliter au maximum le boulot de conviction auprès des employeurs de nos héros en crampons, sans garantir que les pensionnaires de Premier League ou de Liga se révéleront sensibles à nos arguments patriotiques… Au prix des billets, cela serait malgré tout dommage que l’enfant de Bondy ne soit pas sur le terrain.
Par Nicolas Kssis-Martov