Toi, Julien, t’es plus un fan du foot à papa, c’est ça ?
Julien : J’ai grandi dans un milieu footballistique. Mon père avait une grande brasserie qui faisait office de club-house. Son grand-père, Fernand Monsallier, avait un stade à son nom en Mayenne. Une figure du petit village : il lavait les maillots, il s’occupait des licences, etc. Il avait fondé le club avec son pote cordonnier. Il avait même une statue à son effigie inaugurée par la FFF. Donc j’ai fait du foot de manière régulière jusqu’à mes quinze ans soit jusqu’à il y a vingt ans. J’étais au centre de formation du FC Flers et je me rappelle qu’en minimes, on avait fait un lever de rideau du Stade Malherbe de Caen. Il y avait Graham Rix, Jesper Olsen, Fabrice Divert. Xavier Gravelaine commençait, je crois. Il y a eu du beau football à Caen à une époque. Notamment ce match contre Saragosse en Coupe UEFA. Bon, pour moi ensuite, il y a eu les blessures et le côté amateur ne m’intéressait pas. C’était le grand rêve ou rien du tout. Donc je suis resté sur des images très fortes des années 80 avec des joueurs comme Genghini, Daniel Bravo, Platini, José Touré. Des mecs qui avaient beaucoup plus de panache et de classe alors que maintenant, ils ont des tatouages partout, ils ressemblent à rien. On sent qu’à l’époque, les mecs avaient une vie à côté du foot et un cerveau.
T’es un réac’ du foot, en fait ?
Julien : Non, mais il y avait un truc plus classe. On sentait que les joueurs pouvaient se mêler à la jet-set plus facilement. Alors que maintenant, les mecs sont des robots.
Et toi, Lucas, t’es plus dans le foot moderne.
Lucas : Ouais bah moi, c’est à partir de 98, comme beaucoup de gens. J’avais douze ans. Moi, c’est l’Udinese et Créteil. Il n’y a pas vraiment de logique là-dedans, à part la géographie parce que je suis de Vitry-sur-Seine. L’Udinese, j’ai de la famille là-bas et j’y partais en vacances. Donc tous les ans, même si je ne suis pas forcément un fan complet, je me renseigne sur les résultats du club. Ceci dit, je suis allé les voir une fois cette année contre la Roma, au moment où la Roma avait enchaîné ses neuf victoires d’affilée. C’était cool. Mais je suis à distance. Aussi parce que le Calcio, c’est pas très sexy.
Il y a un fossé entre l’Udinese et Créteil…
Lucas : Ouais, Créteil, je les suivais l’année dernière, surtout. Quand ils sont montés de National en Ligue 2. J’allais à Duvauchelle ou à Charléty pour les voir contre le PFC. J’ai même fait le déplacement à Amiens. Bon, aussi parce que je devais aller à Liège et que c’était sur le chemin. (rires) J’y allais surtout pour Jean-Michel Lesage. C’était le joueur-frisson de Créteil. Lesage, c’est un bon joueur. À 36 ans, je l’ai vu faire des passes dingues… Diomède et Madar ont fini leur carrière là-bas, aussi. La classe.
Julien : Moi, j’ai jamais vraiment eu de club favori. J’ai surtout le souvenir de joueurs, des mecs comme Francescoli, ou l’époque Waddle à Marseille. J’adorais Bravo parce qu’il avait eu un début de carrière fulgurant dans les années 80. On l’appelait le Petit Prince. Il se trouve qu’à un moment donné, il a mal vieilli. Même au PSG, il se faisait siffler. Et ben il a quand même joué jusqu’à tard, vers 37 ans, à même finir en Italie dans une position façon Guardiola, remplacé par Fernandez au PSG. Et puis, il savait aligner deux phrases. D’ailleurs, il en fait son job maintenant. Il a du mérite, parce qu’il aurait pu passer à côté de sa carrière, sauf qu’il a été très sérieux. Donc j’apprécie plus des fortes personnalités. Et puis la façon d’être fringué, les shorts hauts, ça avait beaucoup plus de classe. Pas des mecs qui faisaient 1m90 et 90 kilos, quoi !
T’aimes les chaussettes baissées, en gros ?
Julien : (rires) Pas forcément ! J’aime bien quand elles sont montées bien haut. Moi, c’était plus les shorts ou les maillots. Il y a cette photo de Platini lors de sa dernière année à Saint-Étienne avec le maillot Coq Sportif « cagé » . Quoique si tu parles de chaussettes baissées, il y en a un seul qu’il faut garder : Safet Sušić.
Lucas : Le foot, c’est une affaire de panache. Un truc d’esthète.Julien : Et de personnalité. Mais c’est partout pareil. Dans le tennis, des mecs comme McEnroe, t’en vois plus. Et dans le foot, il n’y a plus de Paul Gascoigne.
Tu parles de « classe » et tu cites Gascoigne…
Julien : Ah si attends, il avait la classe sur le terrain, il était super technique.Lucas : Ouais, mais en dehors…Julien : Il avait un vrai charisme !Lucas : Gascoigne, c’est un peu le Daniel Johnston du foot. Un peu taré, un peu à l’ouest, quoi. Le gars a l’éclair de génie, mais personne ne le comprend. Il était complètement ingérable, mais dès qu’il entrait sur le terrain, il se transformait. Daniel Johnston, c’est un peu ça : il est juste lâché au moment d’entrer sur scène, mais une fois que c’est terminé, il y a son staff médical qui s’occupe de lui. C’est un génie et hop, il chute. Gascoigne, ça aurait pu être un joueur de très très haute volée mais au final, ça n’a jamais été un Zidane ou un Platini. T’as toujours l’impression que lui et Johnston auraient pu faire mieux s’ils étaient pas givrés.Julien : Et en même temps, c’est peut-être ça qui faisait son jeu. Ses coups d’éclat. Il était humain. Mais ce genre de joueur, c’est terminé.Lucas : Je suis pas d’accord. Si tu prends un mec comme Zlatan, il a du charisme aussi ! Et un gars comme Cassano est génial ! À tout le temps se balader en slip. Il est complètement fou.
Un autre joueur vous a vraiment marqués ?
Julien : Cantona. Lui, quelque part, il a tout réussi. On peut difficilement être aussi compétitif et garder autant sa personnalité. Il a imposé son style et ça a marché. Il a fait la symbiose de tout.
Votre meilleur souvenir de football ?
Lucas : C’est con, mais je vais dire la main de Thierry Henry contre l’Irlande parce que c’est un moment emblématique d’une des périodes les plus sombres du football français.Julien : Moi, j’ai deux souvenirs, pour rester dans le vintage. Youssouf Fofana à Monaco. Je crois que c’est contre Bruges et il y avait eu 6-1. Le mec faisait trois ou quatre bons matchs dans l’année, mais quand ils les faisaient, il surclassait tout le monde. Il avait fait des passements de jambe et tout, et Glenn Hoddle était pas loin. Il était drôle, Youssouf Fofana. Le second : France-Brésil 1986, et surtout la séance de tirs au but. J’étais dans le bar de mon père, derrière un fauteuil parce qu’il y a trop de pression. Je revois tous les joueurs : Sócrates, Bellone qui peut tomber dix fois et qui continue, Platini qui loupe son péno. T’avais un frisson parce que tu voyais pas souvent jouer le Brésil et tu savais qu’ils envoyaient du jeu. Et là bam, bam ! Ils mettent un but direct par Careca et tu te dis que tu vas en prendre cinq. Platini égalise et là, on remonte. Et puis tous les Français étaient au sommet : Tigana, Amoros, Giresse, Fernandez, Bossis. William Ayache à gauche et Stopyra devant ! Mais ouais, Stopyra, haha !
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