- International
- Amical
- Portugal-Pays-Bas
Tulip Fever
Malades chroniques du football européen depuis 2014, les Pays-Bas avaient jusqu'ici pu sauver les apparences grâce à une armada offensive vieillissante, mais toujours virtuose. Un cache-misère sur lequel ne peut plus s'appuyer l'actuel sélectionneur hollandais, Ronald Koeman, alors que les vieux briscards ont déserté la sélection.
Pour justifier la crise qui secoue actuellement le football néerlandais, l’ancien international oranje Ruud Krol a tenu à remettre les choses dans leur contexte : « Vous savez, l’histoire du foot néerlandais est faite de ruptures. » Comprendre : tout n’a pas toujours été rose au royaume des tulipes, surtout en matière de football. Alors, pour endiguer la fièvre qui paralyse la sélection depuis son enthousiasmant Mondial 2014, la Hollande a fait confiance à quelques vieux remèdes de grands-mères. Ou plutôt de grands-pères. Des types nommés Robben, Van Persie, Huntelaar et Sneijder. Tous aujourd’hui portés disparus en sélection.
Papy boom
Pourtant, il y a moins d’un an, les vieux joyaux de la couronne néerlandaise étaient encore là pour redorer le blason d’une sélection en manque cruel de sex appeal. Illustration directe en septembre dernier en France, où les Oranje se font découper en rondelles par les Bleus (4-0) avec malgré tout Arjen Robben aligné sur l’aile droite, Wesley Sneijder en dix et Robin van Persie sur le banc. Une humiliation qui sonne comme le début de la fin. La Hollande échoue à se qualifier pour le Mondial russe, et Robben et Sneijder prennent leur retraite internationale. Pire, le pays ne peut même pas pleurer leur perte en s’appuyant sur les épaules fatiguées de Klaas-Jan Huntelaar et Robin van Persie, qui passent désormais plus de temps à retaper leurs carcasses cabossées qu’à trotter sur les prés. Résultat : la sélection doit se résoudre à se passer de leurs services. Un coup de vieux inévitable que se prend en pleine poire le nouveau sélectionneur, Ronald Koeman, nommé le 6 février dernier. L’équation qui se pose à l’ancien international semble alors encore plus alambiquée que celle qui a pulvérisé ses prédécesseurs à la tête de la sélection, Danny Blind et Dick Advocaat. Car le grand Ronald ne peut, lui, plus compter sur les vieilles gloires offensives hollandaises pour sauver les apparences.
Panic attack
Problème : aucun remède ne se profile à l’horizon pour soigner le mal hollandais. Surtout en attaque, où la sélection se retrouve avec un gouffre de talents inédit. Fini les blases sexy : pour affronter le Portugal lundi, Koeman a dû faire les fonds de tiroir et on retrouve dans sa liste Ryan Babel, un vétéran dont le retour en sélection dit quelque chose du précipice qui menace l’attaque hollandaise, Memphis Depay et Quincy Promes, deux têtes de lard jamais à la hauteur des attentes qu’ils ont pu engendrer, Bas Dost, un buteur confirmé, mais pas franchement dans le gratin mondial et quelques produits locaux comme Justin Kluivert. Un môme sans doute prometteur (18 ans), mais encore beaucoup trop frêle pour se castagner au plus haut niveau international. Si bien qu’alors que la défense était identifiée comme le point faible récurrent des Oranje ces dernières années, c’est au contraire les lignes offensives qui semblent aujourd’hui moins fournies. Si le casting des Pays-Bas n’a pas non plus des allures de blockbusterau milieu et derrière, il affiche néanmoins quelques solides arguments. Comme Kevin Strootman et Georginio Wijnaldum dans l’entrejeu, mais aussi Stefan de Vrij et Virgil van Dijk dans l’axe central. Rien de tout cela devant, où aucun joueur de la nouvelle génération batave n’a percé dans un grand club espagnol, anglais, italien ou allemand.
Les fleurs du mal
Une histoire de destin diront certains. Pourtant, ce sont plutôt les choix de carrière de ceux qui composent la nouvelle vague de talents offensifs hollandais qui semblent les avoir condamnés. Des wonderkids qui ont visé trop haut, trop vite, au contraire de leurs homologues qui composent la défense et le milieu de l’équipe nationale. Quand Strootman et De Vrij tentaient leur chance à la Roma et à la Lazio, deux écuries prestigieuses, mais à quelques encablures du gratin européen, un joueur comme Depay fonçait directement à Manchester United, où il terminait rapidement dans le fossé. Avant de rejoindre Liverpool, Wijnaldum et Virgil van Dijk passaient eux respectivement par les cases Newcastle et Southampton pour progresser par paliers, là où l’avant-centre Vincent Janssen optait d’emblée pour Tottenham, où il se savait pourtant condamné à grignoter les miettes de Harry Kane. Et que dire de Royston Drenthe, parti au Real Madrid a à peine 20 piges, après une seule saison complète d’Eredivisie dans les pattes ? L’ailier aux dreadlocks se fracassait alors sans surprise sur les murs de la Maison-Blanche. Dix ans plus tard, en 2017, il annonçait même sa retraite de footballeur. À seulement 30 ans. Une accumulation de mauvais choix, qui laisse donc l’attaque batave face à un vide béant, que Koeman ne peut logiquement pas combler. Alors, le sélectionneur des Oranje n’a pas manqué de déclarer que Robin van Persie, récemment remis de ses blessures et de retour sur les prés avec le Feyenoord, pourrait postuler une place en sélection. Une vieille tulipe un peu fanée de 34 ans, certes. Mais dont le parfum reste plus enivrant que les nouvelles fleurs qui composent le parterre de la sélection.
Par Adrien Candau