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Tulio Maravilha : pour 1000 buts, t’as plus rien

Raphaël Cosimano et William Pereira
Tulio Maravilha : pour 1000 buts, t’as plus rien

Tulio Maravilha veut regarder l'histoire du foot dans les yeux. Pour ça, pas besoin d'une Coupe du Monde, d'un Ballon d'Or ou même d'une carrière qui tienne la route, mille buts feront bien l'affaire. Et qu'importe si, à 42 ans, il faut encore s'enfiler des matchs de championnat carioca pour y arriver. Portrait d'un type qui ne veut pas qu'on l'oublie.

16 Septembre 2011, Rio de Janeiro. Devant les quelques courageux du stade Raulino de Oliveira, les locaux de Volta Redonda assistent médusés à l’une des plus belles crasses de cette saison de Serie D. 19ème minute de jeu, Tulio Maravilha, ancien de la maison et désormais attaquant star des visiteurs de Bonsucesso, se permet de leur claquer le museau d’un ciseau retourné, pour l’ouverture du score. « Tulio était marqué par la défense, mais pas d’assez près. Tout le monde pensait que le centre était raté, qu’il allait passer derrière et basta. Je n’avais jamais vu Maravilha mettre un but en retourné. En plus, ce n’était pas un petit ciseau, c’était un vrai retourné. Parfait ! » s’enflamme Andre Veras, capo des « Fanaticos pelo Cesso » de Bonsucesso. Une demi-heure plus tôt, juste avant le coup d’envoi, Rogério Loureiro, président des Voltaço, rendait naïvement hommage au buteur adverse, en lui offrant un maillot floqué 971. Car Tulio n’en était plus, ce fameux samedi après-midi, qu’à 29 pions du millier. Renard avant tout, le papy du foot carioca oublie bien vite les honneurs passagers d’un chiffre pas encore assez rond et déboîte le gardien adverse sans aucun remord. 972. Plus que 28.
La vie de Túlio Humberto Pereira Costa est une équation. Une formule mathématique un peu mystique, dans laquelle s’additionnent 32 clubs, 24 ans de carrière, un ratio de treize pions en quinze sélections, trois titres de meilleur buteur de première division (89, 94, 95), un titre de champion du Brasileirão (1995), 972 buts et une inconnue : lui. Car il faut bien l’avouer, Tulio a beau être à moins de trois dizaines de rejoindre Arthur Friedenreich, Pelé et Romario au panthéon des buteurs millénaires, personne en Europe ne connaît son nom. La légende est capricieuse. Au début des années 90, elle n’avait d’yeux que pour O Baixinho et Bebeto, laissant le natif de Goîania se démener seul pour cocher ses buts dans les livres de comptes. La triste histoire chiffrée du football…

L’entreprise arithmétique débute en 1988 sous le maillot de Goias, le club de sa ville. En quatre saisons, Tulio devient « Maravilha » , la faute à une petite cinquantaine de buts qui fait voyager son nom – et son surnom – sur le Vieux Continent. En 1992, le FC Sion tente un coup et recrute le prodige de 24 ans. Un bide long d’une saison et cher de cinq millions de dollars. L’attaquant trouve la culture trop stricte, le climat trop froid, bref le couplet habituel du Brésilien non-exportable. Étonnant à en croire Marcos Céara, ancien coéquipier du Merveilleux à Santa Cruz : « Moi je me souviens d’un grand professionnel qui arrivait tous les jours en avance pour faire des étirements. (…) C’est un homme bon qui me conduisait souvent à l’entraînement » . Mec bien, joueur sérieux, presque trop pragmatique pour un Brésilien : « Les Européens espéraient peut-être qu’il ait le style brésilien. Lui il ne l’a pas. C’est un buteur » confirme le défenseur parisien. Botafogo récupère Maravilha en 1994 et met fin au malentendu. Sous le maillot du Fogão, l’attaquant retrouve son mojo, gagne le championnat et profite même de l’absence du patron Romario, parti faire rêver le Camp Nou, pour rafler deux fois de suite le titre de meilleur buteur. Sa carrière internationale prend son envol un an plus tard, avec un but sur contrôle de la main contre l’Argentine en Copa America.

Lorsqu’il s’agît d’embêter le voisin, les Brésiliens se soucient tout de suite moins de l’esthétique et Tulio devient populaire. « Contre l’Argentine, il n’y a pas de règles, il faut gagner, peu importe comment, parce que c’est le grand rival. Je suis fier d’avoir triché à ce moment-là » , se vante-t-il. Tulio profite mais Tulio va faire les mauvais choix. Le crevard part aux Corinthians, rate, enchaîne à Vitoria, rate encore et revient rapidement à Botafogo, où il partage la pointe de l’attaque avec Bebeto. « On était inséparables. Aujourd’hui on est toujours amis » fanfaronne le quadragénaire. Le duo cartonne jusqu’à ce que la fin d’année 98 ne referme la parenthèse enchantée. Retour à la case lose pour Maravilha. La suite ne ressemble plus à rien. Le buteur loupe systématiquement la Seleção, traîne ses crampons dans presque tous les clubs du pays, allant même jusqu’à signer pour Villa Nova, l’ennemi juré de Goias, son club formateur. Moche. Tulio commence à comprendre qu’il ne sera jamais vraiment pris au sérieux. Seule solution pour rester dans les mémoires : crier sur tous les toits qu’il veut dépasser les mille buts. Parce que les chiffres, on leur fait dire ce qu’on veut…

L’anti-Brésilien

Reste que les 972 buts de Tulio ne sont pas le résultat d’une suite mathématique vérifiée. La calculette du numéro 9 est pleine de bugs, comme ces mystérieux six mois passés à Ujpest en Hongrie (2002-2003), lors desquels il prétend avoir marqué quarante fois quand les statistiques officielles ne lui accordent que six pions. « Nous on en a compté 200 de moins. Mais ce sont ses stats qui comptent, pas les nôtres. Romario s’en est rajouté quelques-uns aussi. Nous on ne compte ni les matches amicaux, ni les matches de charité. Mais 700 buts dans une carrière c’est déjà génial. Tulio est un grand joueur rien que pour ça » explique Sergio Xavier, rédacteur en chef de Placar, le mensuel foot de référence au Brésil.
Maravilha et O Baixinho auraient donc les mêmes « cheat codes » pour battre le dernier boss, mais la comparaison trouve vite ses limites. Là où le champion du Monde 94 s’applique à dynamiter les défenseurs adverses à coups de petits ponts, sprints dévastateurs et gestes de classe, Tulio fait des appels intelligents, contrôle la balle dans le sens du but et place des frappes sans âme au fond des filets. Un type franchement pas joga bonito, voire carrément anachronique, qui aurait certainement dû naître quelques décennies plus tôt, en Italie ou en Allemagne : « J’ai marqué de toutes les positions possibles : pied droit, pied gauche, avec le tibia, la tête, la poitrine, en talonnade, avec le dos, la main… Je n’ai juste jamais marqué sur corner direct ni contre mon camp » s’amuse Maravilha sans complexes. Sauf que le renard brésilien reste peu prisé dans la région et que pour maintenir en éveil le public, Tulio va devoir en faire des tonnes.

Clown, vie politique et sens du placement

Dès son premier retour d’Europe, Tulio n’est plus le même homme. La Suisse l’a changé. L’a gonflé en fait. Le buteur timide, discret, commence à se lâcher, donne son avis sur tout et fait le clown dès que se pointe un objectif de caméra. « Avant le match, il proclame souvent haut et fort qu’il va marquer un but et le pire, c’est qu’il le fait ! » s’émerveille Thiago Pinheiro, abonné depuis plus de vingt ans à Botafogo. Obsédé par son objectif, il installe chez lui des panneaux où sont inscrits les chiffres 100, 200, 300 et ainsi jusqu’à 900, indiquant à l’invité qu’il se trouve dans la demeure de Tulio, l’homme aux presque mille buts. Un panneau par centaine. Le dernier, qu’il projette de s’offrir sous les couleurs de Botafogo où il a prévu de revenir pour marquer son dernier pion, n’est plus qu’à quelques matches : « Je veux marquer 1000 buts. Tant que je ne l’aurai pas fait, j’aurai toujours ce regret de ne pas avoir réussi à jouer la Coupe du monde. Pour le moment, ma carrière est à moitié ratée » regrette-t-il.

Mais s’il ne renonce jamais à son ambition à quatre chiffres, celui qui dit être un « grand ami de Lula » se diversifie, s’intéresse à la politique et devient même conseiller municipal de Goîania. Les terrains ne seront pas toujours là, il faut bien penser à la suite. Pas plus fidèle en amitié qu’en club, Tulio ne s’encarte pas au parti des travailleurs de l’ancien président, lui préférant le Partido do Movimento Democrático Brasileiro. Plus pragmatique, le PMDB ne participe pas aux élections présidentielles, se concentrant presque uniquement sur le pouvoir régional : « C’est un parti très lié aux oligarchies locales, qui n’a pas vraiment d’idéologie et qui a participé à tous les gouvernements depuis le retour de la démocratie au Brésil » explique Frédéric Louault, chargé des relations internationales à l’institut des hautes études de l’Amérique latine de Paris. Et d’ajouter : « L’objectif du PMDB est d’acquérir des positions de pouvoir dans le pays » . Bref, un parti qui a le sens du placement. Parfait pour Tulio…

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