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Tudor, ça réveille
Arrivé dans la nuit de samedi à dimanche à Marseille, le nouvel entraîneur de l’OM, Igor Tudor, débarque avec des principes tactiques forts. De quoi remodeler dans les grandes largeurs le style de jeu du club phocéen.
Retiré des bancs depuis 2019, Marcello Lippi a du temps pour lui. Notamment pour observer la Serie A sous toutes ses coutures. Sommé par la Gazzetta dello Sport de distribuer les bons et les mauvais points de la saison 2021-2022, le Mister nommait spontanément Igor Tudor, qu’il avait dirigé à la Juventus, de 2001 à 2004 : « Qu’est-ce que je mets parmi les meilleures choses de la saison ? Le Vérone de Tudor, très organisé. Il m’a un peu surpris, Igor n’était pas comme Conte ou Deschamps, c’était un travailleur sérieux et taciturne. Maintenant, c’est vraiment devenu un bon entraîneur. » Difficile, à l’issue de la saison dernière, ne pas saluer le travail de celui qui a emmené le Hellas à une surprenante 9e place de Serie A. Une réussite d’abord construite sur une méthode – un logiciel tactique – qui s’avère bien distinct de ce que Jorge Sampaoli a murmuré à l’oreille des joueurs olympiens pendant une saison et demie.
Les ailes du désir
Avec ballon d’abord, alors que l’Argentin était un obsédé compulsif de la possession de balle. Soit l’exact opposé de ce que prône Tudor. Douzième équipe à plus tenir le ballon en Serie A la saison dernière, le Hellas s’était d’abord distingué en proposant un jeu direct et vertical. Tudor attendait de sa paire de milieux axiaux Veloso-Ilić une mobilité supérieure, tant pour créer du surnombre à la relance que pour multiplier les appels et les fausses pistes dans l’axe du terrain. L’idée ? Attirer l’adversaire au centre, pour mieux libérer les côtés. C’est là que le 3-4-2-1, formation fétiche de Tudor, prenait tout son sens. Lancés dans la profondeur, les pistons avaient pour office de provoquer des un-contre-un sur les ailes, tandis que les autres joueurs gialloblu devaient créer une supériorité numérique dans la même zone. Soit pour multiplier les possibilités de combinaison dans les petits espaces, soit pour la faire à l’envers à l’adversaire, en reversant ensuite complètement le jeu sur l’aile opposée.
Offensivement, la recette a clairement fait ses preuves à Vérone : avec 65 buts marqués, le club jaune et bleu a fini 5e meilleure attaque de Serie A la saison dernière. Tout cela sera-t-il seulement reproductible à l’OM ? À Vérone, Tudor avait notamment pu compter sur deux éléments offensifs atypiques, en la présence d’Antonín Barák et Giovanni Simeone. Le premier avait pour lui une capacité de course et un volume de jeu très au-dessus de la moyenne, qui faisait de lui l’un des meneurs de jeu les plus hyperactifs du championnat. Difficile de savoir qui serait capable de s’emparer de ce rôle sur la Canebière, même s’il ne serait pas complètement absurde d’imaginer Gerson s’épanouir dans une position analogue. Simeone, lui, offrait à Tudor la mobilité optimale qu’il demande d’abord à ses joueurs. L’Argentin multipliait les appels dans la profondeur, mais aussi les décrochages, notamment pour libérer des espaces à ses partenaires. Plus statique, plus buteur aussi, Arkadiusz Milik affiche un profil différent et devrait peut-être imposer à Tudor de légèrement adapter sa formule devant.
L’heure de passer au pressing
C’est néanmoins surtout sans le ballon que la méthode de Tudor se démarque, même si elle n’était pas tout à fait inédite en Italie. Partisan d’un pressing agressif et tout terrain, l’ex-Juventino demande à ses joueurs de mordre très haut l’adversaire sur le pré. L’idée est simple : fermer à l’équipe d’en face ses premières lignes de passe, en appliquant un marquage individuel strict. Visuellement, l’effet était assez saisissant la saison dernière : lorsque le gardien adverse passait le ballon à l’un de ses coéquipiers, tous les joueurs du Hellas – hormis les trois défenseurs qui restaient proches de la ligne médiane – allaient presser de près leurs vis-à-vis respectifs. Résultat ? Le Hellas était l’équipe de Serie A qui avait déclenché le plus d’actions de pressing, en 2021-2022.
Tudor, en réalité, n’a rien inventé. Son pressing hyper intense et coordonné était déjà la marque de fabrique de son prédécesseur à Vérone – Ivan Jurić. Un autre Croate, lui-même largement influencé par Gian Piero Gasperini, le patriarche de cette école d’entraîneurs qui aime jouer à trois derrière et asphyxier l’adversaire dès qu’il récupère le cuir. Des influences explicitées par Adrien Tameze, qui a joué sous les ordres de Tudor la saison dernière au Hellas : « Il a repris certains principes de Jurić, l’entraîneur de la saison précédente, le pressing tout terrain, la grinta à chaque minute… Cela demande beaucoup de travail pendant la semaine et beaucoup de volonté pour se faire un peu mal les jours où on est fatigué. Quand tu veux un pressing intensif pendant 90 minutes le dimanche, tu as intérêt à bosser pendant la semaine… » Au vu du CV de Tudor, on peut donc imaginer qu’il va falloir galoper encore plus que de coutume au centre d’entraînement Robert Louis-Dreyfus. Même si, à l’entendre, Igor Tudor n’est pas qu’un sergent de fer : « Les joueurs sont comme des enfants : il faut leur donner de l’amour », théorisait le barbu en 2018. Avant d’ajouter immédiatement : « Et de la discipline. »
Par Adrien Candau
Propos de Tudor issus de la Gazzetta dello Sport, ceux de Tameze issus de L'Équipe.