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Tuchel d’attaque
Depuis son arrivée au Borussia Dortmund, Thomas Tuchel n'a jamais connu que la victoire. Mais comment l'ancien coach de Mayence a-t-il bien pu réussir ce magnifique tour de passe-passe ?
4 février 2015. Le Borussia Dortmund est lanterne rouge de Bundesliga. Les Schwarzgelben viennent de s’incliner face à Augsburg, leur onzième défaite en 19 matchs. C’est un cauchemar, un puits sans fonds. La chute est d’autant plus rude que le passé proche est beau. Champion en 2011 et 2012, dauphin et finaliste de Ligue des champions en 2013 (salaud de Robben), et dauphin et finaliste de DFB Pokal en 2014 (salaud de Robben bis). Le BvB est l’ombre de lui-même, bat à chaque match le record du but encaissé le plus rapidement, tombe sur des gardiens en feu ou des poteaux carrés, tout rentre du mauvais côté et rien du bon, la machine à gegenpressing s’est enrayé.
23 septembre 2015. Le Borussia Dortmund réalise le meilleur début de saison de l’histoire de la Bundesliga, effaçant des tablettes le Bayern d’Heynckes : cinq victoires en cinq journées, 18 buts pour, 3 contre. Toutes compétitions confondues, la victoire contre Leverkusen, premier choc de la saison, a fait monter à onze le nombre de succès. C’est bien simple, Tomas Tuchel n’a jamais connu autre chose que la victoire dans son nouveau club. Et si le Bayern a repris la tête du classement à la faveur de sa victoire lewandowskienne contre Wolfsburg, il suffira de gagner au moins 2-0 contre une faible équipe d’Hoffenheim pour retrouver la tête du championnat. Bien sûr, le BvB sous Klopp avait déjà commencé à remonter la pente en fin de saison dernière, terminant in extremis 7e pour arracher une place en Ligue Europa, tout en s’inclinant en finale de Pokal contre Wolfsburg. Mais Jürgen avait jugé avoir fait son temps, et s’était retiré comme un prince, avec le sentiment d’avoir sauvé les meubles et du devoir accompli. Il fallait du sang neuf. Il fallait un nouvel ancien coach de Mayence. Il fallait Thomas Tuchel.
De bonnes bases
Lors de sa première conférence en tant qu’entraîneur de Dortmund, TT n’avait aucun mal à tresser des couronnes de laurier à son prédécesseur : « Jürgen Klopp a connu sept saisons de succès incroyables ici. Nous allons maintenant essayer d’écrire un nouveau chapitre de haut niveau. » Mais il avait fini par conclure en disant que « Klopp a créé une très bonne base. On doit construire dessus. J’ai très envie de construire et de poser ma marque ici. » Une volonté qui se traduit irrémédiablement dans le jeu. Si Jürgen Klopp avait inculqué le fameux gegenpressing à ses joueurs, ils l’avaient vraisemblablement oublié la saison dernière. Fatigués, brisés, ils se permettaient bien souvent de balancer de longs ballons devant, une tactique à mille lieux des qualités de PEA, Reus et compagnie.
Alors, Tuchel leur a fait faire des cahiers de vacances tout l’été pour se remettre à niveau. Résultat, le BvB récupère le ballon comme au bon vieux temps et éviscère les défenses en contre, à une vitesse rarement vue jusque-là. Mais comme il l’avait annoncé, Tuchel ne se contente pas d’appliquer les bonnes vieilles recettes du passé. À ce jeu de contre, il a ajouté une logique de possession et de construction bien plus importante. Le BvB domine à présent le ballon, que ce soit contre Gladbach (60%), Ingolstadt (61%), le Hertha (54%), Hanovre (72%) et même Leverkusen (63%). Une arme bien utile quand les équipes de Bundesliga ont tendance à se recroqueviller en défense face à la marée BvB, qui avait tendance à ne plus rien emporter l’an passé. Pour cela, Tuchel organise l’équipe en 4-1-4-1, fluctuant en 4-2-3-1, 4-3-3, ou même 4-1-3-2.
Message personnel
Derrière le système, il y a des hommes. Presque comme par enchantement, ils se sont tous mis au diapason. Roman Bürki est arrivé pour remplacer l’autre Roman, qui n’y est plus vraiment, comme il le prouve quand il est de retour dans les bois en coupe. Autre recrue des plus importantes : Julian Weigl, qui règne en 6. Les valeurs sûres le sont toujours autant : Sokratis est un roc, Aubameyang enfile les buts, Reus court, même s’il est blessé et avant cela un tantinet en dedans. Et puis il y a tous ces joueurs qui n’étaient plus vraiment eux-mêmes, au point qu’on commençait à se poser des questions. Mats Hummels, qui ne s’était pas caché de ses problèmes la saison dernière : « Je me sentais et avait l’air vraiment mou. Mon poids était une catastrophe. Manger était devenu un vice pour moi, et à cause de mes frustrations, je suis tombé dans un cercle vicieux. » Dans une « forme très différente de 2014 » , le capitaine gambade de nouveau, n’hésitant pas à dicter le jeu balle au pied, montant, trouvant la solution.
Tout comme Marcel Schmelzer, de nouveau dominateur dans son couloir et qui devrait retourner en NM sous peu. À droite, c’est un Ginter reconverti qui enchaîne les passes décisives et les buts, lui qui semblait perdu l’an dernier lorsqu’il évoluait à ses véritables postes (DC et 6). Et que dire du milieu. Après des mois de galère, Gündoğan semble redevenir l’homme qui concourait au titre de meilleur 8 du monde, quelque part en 2013. Enfin libre, Kagawa a vraisemblablement oublié sa parenthèse mancunienne. Et que dire d’Henrikh Mkhitaryan, si ce n’est que la gâchette est de retour ? Onze matchs, neuf buts, huit passes décisives, bien mieux que Mario Götze. Même Leverkusen, pourtant qualifié en Ligue des champions et prétendant sérieux au podium, n’a rien su faire. Hoffenheim est prévenu : Tuchel, c’est de la bombe bébé.
Par Charles Alf Lafon