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Tu veux faire l’Americano
Après 18 ans de règne, la famille Sensi passe le relai. Dans quelques jours, le nouveau président de l'AS Roma sera Thomas Di Benedetto, américain, et porteur de beaux projets (et de beaux dollars) pour faire rêver les tifosi de la Louve.
Porter un nom sain dans la ville du Vatican, c’est déjà une petite victoire. Thomas DiBenedetto n’est pas italien. Pourtant, son nom l’est. « Benedetto », en italien, veut dire « béni ». Mais c’est aussi Benoit. Comme le pape, Benedetto XVI. Thomas l’américain a donc frappé à la bonne chapelle. Car Rome, rive rouge et jaune, attend depuis plusieurs années le saint qui pourrait la sauver d’une condition financière de plus en plus déplorable. En début de saison, le club avait d’ailleurs risqué des points de pénalité, pour des salaires en retard. Heureusement, avoir la banque Unicredit comme actionnaire, ça aide. La Roma s’en était sortie indemne. Mais l’héritière du trône, Rosella Sensi, savait que, banque ou non, la situation ne pourrait plus durer. Alors elle a cherché. Italiens, qataris, russes, chinois, émirs… Plusieurs pistes pour trouver un investisseur solide. Mais aucune solution. Et puis, le messie est arrivé. Avec son polo orange et ses parts dans les Boston Red Sox. Rosella est séduite, et pas seulement par le nom du bonhomme et son code couleur parfaitement approprié. Deux jours de tractations intenses, culminées hier soir par l’annonce officielle. A partir du 20 avril, la messe du dimanche après-midi, au Stadio Olimpico, se célèbrera donc en américain. Le latin en prend un sacré coup de vieux.
A partir du 20 avril, donc, Thomas DiBenedetto, 61 ans, sera, à moins d’un incroyable coup de théâtre, le nouveau président de l’AS Roma. Une véritable tournant dans l’histoire du club, puisque, depuis sa création en 1927, jamais un étranger n’avait été à sa tête. Sensi, Sacerdoti, Viola, Anzalone : que des noms qui fleurent bon l’Italie et l’huile d’olive du Latium. Difficile de dire si le nouveau patron américain de l’AS Roma s’y connaît en gastronomie italienne, mais en tous cas, il ramène avec lui son savoir-faire d’entrepreneur du Massachusetts. Président du Boston International Group et de la Junction Investors Ltd, des entreprises s’occupant de sport et de biens immobiliers, DiBenedetto a eu le temps d’accumuler quelques dollars pour s’offrir un club de « soccer ». En tant que socio de la Fenway Sports Group, société qui contrôle, en plus des Boston Red Sox, la totalité du club de Liverpool, il s’était déjà familiarisé avec le football européen. Mais il fallait le grand saut. Celui pour devenir président à part entière.
D’Amore, Pastore, projet doré
DiBenedetto débarque donc à Rome avec quelques 200 millions d’euros (dont 100 pour combler les dettes) et une brochette d’associés aux noms qui chantent : James Pallotta, Michael Ruane et Richard D’Amore. Prometteur. « Il faut être fusionnel à 100%. Il faudra l’être pour lutter avec les plus grands, sur les terrains nationaux et internationaux. Je reconnais que les Sensi ont fait énormément durant leurs années à la tête de la Roma. Mais, si possible, j’attends plus des nouveaux dirigeants. Je pense que nous avons les compétences pour le faire » affirme Giacomo Losi, joueur historique de la Roma des années 60, sur vocegiallorossa.it.
Or, qui dit présidence américaine, dit projet à l’américaine. DiBenedetto voit les choses en grand et a déjà en tête les grands axes de ce que sera sa Roma du futur. A commencer par le renforcement de l’équipe. 5 ou 6 achats ont déjà été promis, et les noms les plus fous tournent déjà dans le vieux quartier du Testaccio. Buffon, Giuseppe Rossi, Pastore, Podolski… De quoi faire frissonner les tifosi. « L’objectif, c’est de faire de la Roma l’un des premiers clubs au monde, une équipe dont la ville puisse être fière. Je veux pouvoir parler de « media company » : un club qui sache utiliser les nouvelles techniques de communication et les médias sociaux. C’est fondamental pour nous de pouvoir toucher chaque partie du globe, cela nous permettra de vendre mieux notre merchandising, donc d’augmenter nos revenus, donc d’acheter des joueurs plus forts. Il faudra d’abord équilibrer le bilan, pour ramener le club dans les clous du fair-play financier, vu qu’actuellement nous sommes en-dehors » explique t-il dans la Gazzetta dello Sport. Merchandising. Voilà donc le maître-mot, en plus de ses ambitions, du nouveau magnat d’outre-Atlantique. Et pour développer ce domaine, il compte bien résilier le contrat avec le sponsor technique actuel, afin de se confier à une firme internationale, capable de développer des produits de l’AS Roma aux USA, en Chine ou encore en Inde. Même constat pour la billetterie : en 10 ans, depuis le sacre de 2001, la Roma a perdu 35.000 abonnés. Ils étaient 47.000 l’année post-Scudetto. Ils ne sont plus que 10 à 12.000 aujourd’hui. Et la Tessera del Tifoso ne doit pas servir de seule excuse. DiBenedetto le sait, et aurait déjà dans sa besace un plan pour ramener les tifosi au stade. Mamma et bambini compris.
Polémiques d’Amérique
Le stade, justement. Premier point de discorde de la nouvelle gestion américaine. A peine arrivé, DiBenedetto a immédiatement fustigé l’enceinte du Stadio Olimpico, où il s’était rendu en secret en septembre pour assister au match Roma-Inter (1-0). « Rome n’a pas la structure adaptée. L’Olimpico ne fait pas honneur à la passion des romanisti, les tribunes sont trop loin du terrain, les chants, avec la distance, s’estompent. Pour ça, il nous faudra un nouveau stade, à l’anglaise, qui puisse avoir un effet positif sur les joueurs » affirme-t-il. Ces déclarations n’ont pas du tout plu au président du Coni, Gianni Petrucci, qui a répondu du tac-o-tac que ces critiques étaient infondées et que « si c’était ça son point de départ à la Roma, personne ne pouvait être enthousiaste » . Mais plus qu’une polémique, DiBenedetto souhaitait surtout faire partager son souhait de construire un stade grandiose, avec un musée, des boutiques officielles, mais aussi des restaurants et des cinémas. A la ricaine, quoi. Second point, cette fois-ci d’interrogation, la participation de la Roma à la prochaine Coupe d’Europe. De fait, The Guardian avertit que la norme UEFA interdit à quiconque de « contrôler directement ou indirectement plus d’un club inscrit à l’Europa League ou à la Ligue des Champions » . Sachant que DiBenedetto fait partie du groupe de propriétaires de Liverpool, si les Reds venaient à se qualifier pour l’Europa League, la Roma (qui est derrière au ranking UEFA), n’aurait pas le droit d’y participer. Un vrai problème, sur lequel l’UEFA est intransigeante. En 2004, elle avait obligé Roman Abramovich, nouveau patron de Chelsea, à renoncer à ses parts au CSKA Moscou pour que l’équipe puisse participer à la Coupe d’Europe. Un détail bureaucratique, dont DiBenedetto a probablement déjà la solution, au fond de son chapeau de l’Oncle Sam. De l’Oncle Tom, même. Welcome to Italia.
Eric Maggiori
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