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« Tu tapes un sprint et tu vas secourir ton pote »
Didier (50 ans) et Xavier (43) sont deux potes qui jouent ensemble en foot loisirs du côté de Nort-sur-Erdre, en Loire-Atlantique. Et leur amitié a certainement pris une nouvelle dimension vendredi dernier quand le dernier nommé, pompier volontaire dans la vie, a sauvé la vie du premier, victime d'un arrêt cardiaque en plein match à Couëron. Le héros raconte.
Raconte-nous comment ça s’est passé, ce vendredi 11 septembre.C’était un match loisirs, donc on a tous plus de 30 ans. On jouait à Couëron pour le deuxième match de la saison. Le coup d’envoi était à 21 heures, et vers la demi-heure de jeu, on était en phase offensive, et j’étais dans la surface adverse. Tout à coup, j’entends : « Xavier, Xavier ! » C’étaient mes coéquipiers qui m’appelaient, car ils savent que je suis pompier. Certains ont vu Didier tomber et se sont jetés vers lui. J’ai couru jusqu’à lui, il était inconscient, il ventilait encore. Donc là, mise en PLS, je continue à le surveiller et je vois qu’il a fait une pause ventilatoire. Je le retourne sur le dos, pas de ventilation, pas de pouls, donc je fais les gestes que je connais, qu’on m’a appris il y a bien des années, car ça fait bientôt quinze ans que je suis sapeur pompier volontaire (Xavier est adjudant à la caserne de Nort-sur-Erdre, N.D.L.R.). J’entame le massage cardiaque très rapide, un gars de Couëron appelle les pompiers, et on fait venir un défibrillateur. Un DEA (défibrillateur entièrement automatique) était présent dans la salle juste à côté. Je pose les patchs, et en même temps, un joueur adverse s’adresse à moi en me disant qu’il est un ancien pompier de Paris.
C’est une chance, d’avoir eu un pompier dans chaque camp.Tout à fait, c’était une chance inespérée de trouver un allié. On s’est relayés au massage, car quand ça dure plus de cinq minutes, on commence à fatiguer, et ce n’est plus efficace. Le défibrillateur fait son analyse et me dit de choquer, donc je choque Didier, il y a une petite reprise de ventilation l’espace de dix secondes, puis il repart en arrêt cardio-respiratoire. On continue à masser, on choque une deuxième fois, puis une troisième, le massage continue et on se rend compte qu’il commence à résister. Après, la ventilation revient, le pouls également, je le remets en PLS, et il reprend petit à petit ses esprits. Il n’ouvrait pas les yeux, mais on sentait qu’il était là, il reprenait conscience. Les pompiers, puis le SMUR (service mobile d’urgence et de réanimation) sont arrivés, et il a été emmené à l’hôpital Nord Laennec (à Saint-Herblain). Si tous les paramètres présents n’avaient pas été là, l’issue aurait pu être fatale pour lui.
Tu étais loin de lui au moment où il s’est écroulé ?Je devais être à 30 ou 40 mètres, quand même, car il était au niveau de la ligne médiane. Donc tu tapes un sprint et tu vas secourir ton pote. C’est un ami, Didier, ça fait trois ans que l’on joue ensemble et quand c’est quelqu’un de proche, la situation est complètement différente. Mais les automatismes de pompier reviennent. Sur le coup, ça n’a pas été facile. Aujourd’hui, il est tiré d’affaire. En plus, je connais son fils, qui est pompier à Nort-sur-Erdre avec moi. Je savais également qu’il allait devenir grand-père dans quinze jours… C’est génial. J’ai fait ce qu’on m’a appris depuis des années chez les pompiers.
Que s’est-il passé après son départ pour l’hôpital ?Plus personne n’avait le cœur à jouer. Tout le monde est rentré aux vestiaires. J’avais bon espoir, je suis allé le voir avant que l’ambulance parte, il répondait aux ordres, il serrait les mains, il savait qui il était, il avait encore une certaine lucidité. Aujourd’hui, il n’a aucune détresse neurologique, il a encore toute sa tête, c’est vraiment nickel. C’est son artère aorte qui était bouchée, ça ne datait pas d’hier, mais il n’avait jamais eu de signe avant-coureur. Il a été opéré mardi et il devrait sortir de l’hôpital avant la fin de semaine. Je l’ai eu au téléphone dès le samedi, et on s’est quasiment appelés tous les jours depuis. Ça aurait pu lui arriver au travail, il aurait pu être tout seul à ce moment-là… Il y a un destin, car Didier habite à 500 mètres de chez moi, et c’est lui qui était passé me chercher pour aller au foot. Il a eu une bonne étoile.
Pour revenir au ballon, à quel poste tu joues ?Je joue milieu de terrain. Je suis box-to-box, comme on dit en Angleterre. (Rires.)
C’est une situation face à laquelle tu t’étais déjà retrouvé, sur un terrain ?Non, ça ne m’était jamais arrivé. C’est une première, et j’espère une dernière, car ce ne sont pas des moments faciles à vivre, surtout quand on connaît la personne.
Propos recueillis par Jérémie Baron