- Tribunes
Tu sais que tu vas au stade quand…
Tu as chopé le virus très jeune. Enfant, ton père t’emmenait au stade, et tu ne peux plus t’en passer depuis. Alors, tous les quinze jours, comme ce samedi, c’est le même rituel, tu retrouves tes potes pour aller encourager ton club. Et ouais, toi, tu sais que tu vas au stade quand…
… tu as préparé ton classique jambon-fromage. Que tu as emballé dans du papier d’alu, bien sûr.
… ce même papier d’alu qui te servira évidemment de projectile une fois le sandwich terminé.
… tu es passé prendre un pack de bières.
… ou une bouteille de whisky.
… plutôt mourir que d’aller au stade sobre.
… et peu importe que ce soit le match de 14h du dimanche.
… tu réalises d’ailleurs que ton abonnement au stade a clairement joué un rôle dans ton alcoolisme.
… tu te munis bien évidemment de ton écharpe. Pas celle du club, hein, celle du groupe de supporters auquel tu appartiens. Beaucoup plus stylé. … d’ailleurs, tu te masques le bas de ton visage avec. Non pas que tu sois hooligan, mais tu trouves ça cool.
… en revanche, tu refuses de pratiquer cette folie vestimentaire qui consiste à mettre un maillot de foot par dessus un pull. Faut pas pousser.
… tu rejoins tes potes au QG. Cet endroit où vous vous retrouvez avant chaque match.
… votre salle de réunion à vous, quoi.
… en ce qui vous concerne, les premiers chants sont d’ailleurs entonnés à cet endroit.
… et pas besoin de préciser l’heure de rendez-vous. Tout le monde sait qu’il faut être là une heure avant pour avoir le temps de bien « se chauffer » .
… c’est ici que l’on commence à parler compo d’équipe. En appelant les joueurs par leur prénom.
… c’est également là qu’aura lieu le premier débriefing post-match. À chaud. Avec les bières restantes.
… tu as pris le même chemin que d’habitude. C’est pas le plus court, loin de là. Mais la fois où tu as pris le raccourci, vous avez perdu le derby. Donc, tu ne prends plus de risques.
… tu te gares toujours à la même place de parking. Même si ce n’en est pas vraiment une.
… avant ta mère te disait de faire attention, maintenant c’est ta meuf qui s’en charge.
… tu lui parles d’ailleurs souvent de tes copains de stade.
… tu as mis ton tee-shirt porte-bonheur.
… t’as pas dormi la nuit dernière. Trop d’enjeux ce soir.
… tu te rappelles avec émotion de tes premiers pas au stade. Cette soirée, tu l’as déjà racontée 200 fois. Tu sais d’ailleurs plus si ce que tu racontes est bien vrai.
… tu croises forcément un mec qui veut te vendre une place de match.
… et un autre qui veut t’en acheter une.
… tu croises des connaissances du taf, tu es aussi gêné que si c’était dans une boîte échangiste.
… tu as emmené au stade tous les membres masculins de ta belle famille pour créer du lien.
… tu respires cette belle odeur de merguez.
… tu sais qu’elles sont dégueulasses, mais tu ne peux pas t’empêcher de te laisser tenter.
… « mets moi une ketchup-moutarde avec frites stp, chef. »
… et à chaque fois tu regrettes.
… pareil pour le McDo. Tu sais que c’est une mauvaise idée d’y aller avant le match, mais tu y retournes quand même à chaque fois.
… tu serres la main à des types dont tu ne connais pas le prénom, mais que tu croises depuis maintenant dix piges.
… tu salues aussi ceux que tu connais bien, mais que tu ne vois qu’à cette occasion. Les fameux « potes de stade » .
… tu es déjà au courant du tifo qui va être déployé juste avant le match.
… tu connais également l’ordre dans lequel vont être lancés les chants.
… tu as une pensée pour tous tes potes qui sont interdits de stade et qui doivent aller pointer au commissariat le jour du match.
… c’est le seul jour de la semaine où la météo t’importe vraiment. La veille, tu as donc regardé les prévisions d’Évelyne.
… tu n’es jamais allé au catéchisme, mais cette sortie dominicale c’est un peu ta messe à toi.
… tu bois un maximum avant d’entrer dans le stade, car tu sais qu’une fois à l’intérieur c’est pas d’alcool pendant deux heures.
… d’ailleurs, tu essaies à chaque fois de comprendre l’existence de la bière sans alcool. Mais rien à faire, c’est bien la boisson la plus inutile du monde.
… tu envies les pays où on peut tomber des pintes dans les stades. Quel bon souvenir, ce déplacement en Allemagne, hein ?
… tu sais qu’il ne faut jamais oublier de pisser avant d’entrer dans le stade.
… tu évoques, avec tes potes, la dernière fois que l’équipe adverse du jour était venue jouer chez vous. « On leur en avait mis trois, non ? »
… à chaque fois, tu envisages de faire le dep’ de la semaine d’après, mais ta vie de couple t’en empêche.
… tu sais que tu ne vas penser à rien d’autre pendant 1h30. Pas même à ce PowerPoint que tu dois présenter à ton boss lundi.
… tu retrouves cette étrange sensation dans le bas du ventre en entrant dans les tribunes et que la pelouse s’offre à toi par petites touches successives pour enfin apparaître toute entière. Toujours un grand moment.
… inversement, à la fin du match, tu ne peux t’empêcher de tourner une dernière fois la tête pour admirer ce stade désormais si calme, comme pour lui dire : « À dans 15 jours ! »
… tu votes à gauche, tu gueules à droite. Tu votes à droite, tu gueules à gauche.
… tu suis tellement les autres matchs sur les applis de ton smartphone que tu rates tous les buts sur le terrain.
… tu connais le nom de tous les présidents de club, en général pour les insulter.
… tu es assez intelligent, ou pas, pour aller chercher ton verre 5 minutes avant la mi-temps.
… tu te dis à chaque fois que le DJ est pourri.
… la voix du speaker t’est aussi familière que celle de ta meuf. D’ailleurs, tu connais toutes ces punchlines à l’avance.
… tu gueules contre l’entraîneur en entendant la composition des équipes : mais pourquoi il fait encore jouer cette chèvre à gauche ?
… tu as déjà passé un match entier à mater la seule bonne meuf de toute la tribune, alors que dehors y en a plein.
… tu fais des avions en papier avec le programme du match.
… tu t’énerves contre le prix des sandwichs. Ils sont meilleurs dans les trains !
… tu as déjà expliqué à un gars manifestement pas habitué, que non, on ne voit pas mieux le match à la télé. Au stade, on a une vision globale du jeu.
… tu as ton joueur bouc émissaire sur lequel tu passes ton temps à gueuler. Même quand il marque un but. « Putain, comment il a fait ? Il l’a pas fait exprès, c’est pas possible ?! »
… tu as ton joueur fétiche. D’ailleurs, t’aimerais bien qu’il sorte du banc, là.
… tu t’énerves contre ton kop. On entend les supporters adverses, c’est pas possible ! Ils peuvent pas se sortir les doigts le virage ? Quoi, toi, chanter ? T’aurais l’air con tout seul en tribune latérale.
… tu as une combine imparable pour ne pas attendre aux buvettes. Tu essaies d’en faire profiter la blondinette qui voudrait un sandwich. Ah ben merde, ce soir, ça marche pas… Ça t’apprendra à vouloir fanfaronner.
… tu t’énerves à cause des drapeaux ou des fumigènes. Soit parce qu’ils t’empêchent de voir le match et que tu t’énerves contre tous ces cons qui les utilisent. Soit parce que tu les utilises et que tu t’énerves contre tous ces cons que ça dérange.
… tu sens le résultat du match à l’avance. On attaque côté gauche comme il y a 5 ans contre le même adversaire. C’est bon, c’est dans la poche. Ah ben, non, en fait, pas cette fois-ci. Il faudra que tu trouves d’autres signes du destin.
… tu racontes à qui veut l’entendre que tu n’as jamais vu perdre ton club contre cette équipe. Ah ben, tiens, ça fait une fois maintenant.
… tu sais que tu vas craquer un jour et l’acheter, ce grille-pain qui marque le nom de ton club sur les tartines.
… tu as envie d’offrir la nuisette de ton club à ta copine. Mais t’oses pas.
… tu sais que c’est mal, mais qu’est-ce que ça fait du bien d’insulter ce con d’arbitre qui siffle encore une fois contre ton équipe !
… tu te dis souvent que c’est pas possible d’être tendu comme ça pour un simple match de foot.
… tu embrasses un parfait inconnu après un but.
… tu sautes de joie comme un cabri, et tu comprends pas pourquoi les gars à côté ne partagent pas ton enthousiasme. Tu es manifestement le seul à ne pas avoir vu le hors-jeu. Ça te fera rire plus tard. Mais là, t’as juste l’air con.
… tu fais plaisir à ta copine en lui disant que t’as envie d’avoir des gosses. Si elle savait que c’est pour les amener au stade…
… ça y est, tu as des gosses. Tu peux expliquer à ta femme que tu te dévoues pour amener le grand au stade. Ça lui fait tellement plaisir.
… tu fais ton vieux sage en lui expliquant tout ce qu’il faut voir. Mais il ne retient rien, ce con. 3 ans, c’est peut-être un peu tôt.
… tu aimes défier les flics des yeux, comme ça, par plaisir, bien planqué derrière ton groupe de potes. Lâche.
… tes potes « normaux » se foutent de ta gueule quand ils te proposent de venir à une super soirée appart samedi soir et que toi, bah tu vas au stade.
… tu déboules à cette soirée appart sur les coups de 23h-minuit et que t’es le seul mec complètement terminé de la soirée, que tu sens la bière et la transpiration, et que t’as pas de voix.
Par GM, NH, NKM, ALG et LDC