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Tu sais que tu fêtes un titre en temps de Covid-19 quand…
Qui dit retour à la compétition, dit fin de championnat et donc retour des trophées. Mais après trois mois de confinement et de gestes barrière, ces célébrations risquent de prendre une saveur bien particulière. Bref, tu sais que tu fêtes un titre en temps de coronavirus quand...
… plus qu’un but à la 90e minute, c’est un vaccin qui délivrera tout un peuple.
… ta gueule de bois risque de durer quatorze jours, enfermé(e) chez toi, en espérant qu’un(e) pote puisse déposer quelques courses sur ton palier.
… tu as trouvé la meilleure excuse pour ne pas avoir à serrer les paluches de toute la tribune présidentielle.
… tu auras l’impression de devenir un(e) gamin(e) qui se retrouve au musée de ton club. « À toucher avec les yeux », qu’il y avait écrit à côté de la Coupe de la Ligue 1996.
… les baisers langoureux donnés à un bout de ferraille ne seront plus tolérés. Même sans la langue.
… c’est fini le champagne au goulot : place aux flûtes en plastique avec son prénom inscrit au feutre dessus.
… tu te rappelles les bons souvenirs du self. Quand tu grugeais la file d’attente pour être sûr d’avoir un cordon bleu et pas du poisson.
… de toute façon, depuis la crête orange et bleu de Loulou Nicollin, toutes les célébrations te semblent fades.
… tu te demandes si la chenille de Messins respectait les gestes barrière.
… « Ah parce que ça compte quand même au palmarès les titres remportés dans un stade vide ? »
… le grand dadais qui ne sait pas danser que tu es angoisse déjà à l’idée de ne pas pouvoir se fondre dans la masse pour célébrer ça.
… tu te dis que, dans dix ans, ça sera balèze de reconnaître les joueurs sur la photo souvenir, avec tous ces gus masqués.
… une 19e place de ton club non sanctionnée par une relégation est célébrée à grands coups de klaxon dans les rues de ta ville.
… le nombre d’accidents de présidents en chemise détrempée ayant glissé au bord du bain à remous va drastiquement chuter.
… tu es adjoint à la mairie, responsable de l’urbanisme et de l’équipement, et tu te dis que c’est toujours ça de gagné sur le budget : les poubelles et les massifs floraux vont passer l’été.
… tu te dis que le titre I Will Survive n’a jamais été aussi adapté à la situation.
… d’ailleurs, tu n’es pas conspirationniste, mais tu commences à croire que Vincent Candela n’est pas tout blanc dans cette histoire.
… tu es un immense parano et tu as appris seulement la semaine dernière que tu avais le droit de sortir, alors un titre, ça t’avait carrément échappé. C’est qu’on capte pas dans cette cave…
… ça n’empêchera pas Gary Lineker de se mettre en slip.
… tu réfléchis à faire ça chez toi avec tes potes de la section, sur le canapé à descendre des canettes et des pizzas, en voyant tes joueurs s’amuser sans toi. Finalement, comme tous les samedis soir, où les supporters de ton club sont interdits de déplacement.
… quel bordel ça va être sur le bus à impériale quand chaque passager devra rester sur sa gommette !
… le monde d’après t’autorise à craquer un fumi en toute légalité. Alors tu ne vas pas t’en priver.
… tu es refoulé(e) à l’entrée d’une fan zone. Et cette fois, ce n’est même pas parce que tu es trop bourré(e) ou mal sapé(e). C’est juste que tu es la 5001e personne à te pointer.
… tu supporteras encore moins le clapping géant. C’est que ça assèche les mains ce foutu gel hydroalcoolique !
… et puis, c’est bon, avec tous ces soirs à applaudir à ta fenêtre à 20 heures, ça a fini par te fatiguer.
… la vraie médaille, c’est au personnel soignant qu’il faut la donner.
… même s’ils ont déjà refusé celle qu’on leur a proposée.
Par Mathieu Rollinger