- Tu sais que
- Insolite
Tu sais que tu as joué au « petit pont massacreur » quand…
Pour toi, le football ne se joue pas avec deux buts, mais avec des dizaines de buts, un peu partout dans une cour de récréation. Toi, tu as joué avec des gens qui ne voulaient pas jouer. Toi, tu détestes les lâches qui ferment les jambes. Toi, tu as eu plein de bleus, mais ils valaient bien tous ces souvenirs. Toi, tu as joué au « petit pont massacreur ».
… double contact, passement de jambe, feinte de corps : tu as beau avoir placé des centaines de dribbles, ton plus beau geste technique, c’est la balayette en pleine course sur celui qui est en train de fuir.
… tu remercies Robert Badinter d’avoir aboli la peine de mort, mais tu te dis qu’il aurait quand même pu penser aux types qui « ferment les jambes » pendant l’intégralité de la récréation. Les pires des lâches.
… ça t’embête que les vidéos des joueurs professionnels qui se mettent des « pichenettes » fassent le buzz. Oui, tu sais qu’il existe bien pire.
… ça t’énervait quand on en parlait comme d’un « jeu » . Un jeu, on choisit d’y jouer. Le petit pont massacreur, c’est la vie : tout le monde y participe. Même sans le savoir.
… tu connais la technique dite du « tunnel » . Celle où tu tires tout droit, à terre et un peu fort, dans l’espoir qu’elle passe entre une paire de jambes. Voire deux.
… tu sais bien que, quoi qu’on en dise, le « petit pont massacreur » , c’est comme un match au Roudourou : c’est pas pour les tricoteurs.
… d’ailleurs, ce n’est pas vraiment pour les footballeurs non plus.
… en revanche, tu remercies Dieu de ne pas avoir été dans la même école que Juan-Roman Riquelme. Ton idole.
… tu sais que ce jeu est aux petits ce que le basket est aux grands. Une question de centre de gravité, certainement.
… tu as déjà dit : « Non mais moi, je n’ai jamais pris de petit pont. » . Et tu mens.
… tu as déjà couru très vite pour t’enfermer dans un endroit. Dans des toilettes, de préférence.
… d’ailleurs, depuis ta première partie, tu es devenu sensible aux documentaires animaliers. Oui, le zèbre qui se fait courser par des lions, c’est un peu toi.
… tu avais des cibles. Soit les mecs vraiment bêtes, soit les mecs que tu détestais vraiment.
… tu sais que le monde se divise en deux catégories de personnes : ceux qui tapent doucement et ceux qui tapent fort.
… d’ailleurs, au début, tu tapais doucement. Puis tu as pris un petit pont.
… tu réponds « non, bien sûr que non !!! » quand on te demande « as-tu déjà frappé une fille ? » Et tu mens. Encore.
… tu n’as jamais compris ce délire de « jeu du foulard » qui ternissait la réputation de ton activité préférée.
… tu sais ce que sont la PEEP et la FCPE. Et clairement, ces gens-là, tu ne leur voulais pas du bien.
… tu n’y peux rien si les gens aiment les coups, la bagarre et le sang. Oui, il y avait un « public » .
… le ballon n’a jamais été un problème. Si tu avais cinq francs, tu achetais une canette, tu allais voir ton pote qui avait des Timberland pour l’écraser et c’est parti.
… tu connais ton nécessaire de survie : 1) courir, 2) ne pas tomber, 3) mettre les mains sur sa tête, en position fœtale.
… tu as subi l’interdiction officielle du « petit pont massacreur » dans le réglement intérieur de ton établissement.
… les Pogs coûtaient trop cher et tu n’as jamais compris les Jojo’s.
… tu t’es déjà fait avoir sur un contrôle orienté qui passait entre tes jambes. « Mais les gars, c’était fait exprès. » Évidemment, ils s’en foutaient.
… tu as des réflexes bizarres quand tu fais un foot avec tes potes. Mais tu es imbattable sur les dix premiers mètres.
… tu n’aimes pas avoir mal, mais au fond, ça te manque.
Par Swann Borsellino, massacré